Streaming : le mariage entre TF1 et M6 « n’aurait pas changé la donne » face à Amazon, Disney et Netflix

Lors d’une audition au Sénat, Benoît Coeuré, le président de l’Autorité de la concurrence, a jugé qu’un deal entre les deux champions français du petit écran ne leur aurait pas permis, quoi qu’il en soit, de jouer des coudes avec les géants du streaming comme Amazon, Disney et Netflix, aux ressources financières bien plus importantes.
Pierre Manière
Benoît Coeuré, le président de l'Autorité de la concurrence.
Benoît Coeuré, le président de l'Autorité de la concurrence. (Crédits : BCE)

Son audition était attendue. Dix jours après l'enterrement par TF1 et M6 de leur projet de fusion, Benoît Coeuré, le président de l'Autorité de la concurrence, était entendu ce mardi, en fin d'après-midi, par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. Son institution a joué un rôle décisif dans l'abandon de ce mariage. Aux yeux de l'autorité, les risques concurrentiels étaient si élevés - notamment sur le marché de la publicité télévisée - que seule une cession de la chaîne TF1 ou de M6 aurait permis de le célébrer. L'ennui, c'est que cette perspective « vidait », mécaniquement, « le projet de sa substance », a rappelé Benoît Coeuré.

Ces jours derniers, il a pourtant fait l'objet de critiques après avoir affirmé que le rôle de son institution n'était pas de mener une politique industrielle. Il a défendu, avec force, cette ligne devant les sénateurs. Selon lui, « une politique de croissance de l'économie française » doit « marcher sur deux jambes ». La première, c'est « une politique industrielle » qu'il ne lui appartient pas de définir. La seconde, c'est « une politique de concurrence qui combat les rentes ». Sa « philosophie générale », a-t-il renchéri, c'est que ces deux jambes sont absolument nécessaires pour que l'économie tourne rond.

Interrogé, malgré tout, sur la décision de l'autorité, et si celle-ci « n'allait pas tuer la TNT gratuite », Benoît Coeuré a rappelé que « TF1 et M6 ne se sont jamais aussi bien portés »« Du moins c'est ce qu'ils disent », a-t-il affirmé, en écho aux derniers et excellents résultats financiers des deux géants de la télévision. Le président de l'Autorité de la concurrence affirme « n'avoir aucun doute que les deux chaînes se réinventeront pour s'adapter aux défis technologiques » de demain. Y compris concernant la révolution du streaming. TF1 et M6 arguaient, en effet, que leur mariage leur aurait permis de mettre les bouchées doubles sur ce segment.

A ce sujet, Benoît Coeuré a souligné que « cette opération n'aurait pas fondamentalement changé la donne ». Selon lui, nul doute que ce deal aurait accouché de « synergies », synonymes de davantage de « ressources » à consacrer au développement d'une offre de vidéo à la demande. Mais cela se serait fait « au détriment des annonceurs et des distributeurs », qui auraient vu leurs prix augmenter, juge-t-il. Mais surtout, a-t-il poursuivi, ces nouvelles « ressources » n'auraient, de toute façon, jamais permis à TF1 et M6 de concurrencer frontalement les Amazon, Disney et Netflix, aux poches immensément plus profondes. Ce mariage « n'aurait pas révolutionné la situation entre télé gratuite et les plateformes en ligne », a-t-il renchéri.

« Netflix n'est pas né de la fusion de chaînes de télévision »

Sur sa lancée, Benoît Coeuré a affirmé qu'il appartient au gouvernement - et non à l'autorité, donc - de faire le nécessaire pour que des champions du calibre de Netflix voient le jour en France. « Netflix n'est pas né de la fusion de chaînes de télévision », a-t-il lâché, rappelant que le mastodonte du streaming n'était qu'à ses débuts qu'un modeste service de location de DVD par abonnement. « La question qu'on doit se poser, c'est comment la France peut fournir un cadre » qui permette à de tels mastodontes d'émerger, a poursuivi Benoît Coeuré. Des propos qui feront, sans doute, grincer des dents TF1 et M6.

Pierre Manière

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