Vivendi et Mediaset mettent un point final à leur bras de fer

Après des années de violent conflit, les géants français et italien des médias, propriétés de Vincent Bolloré et de la famille Berlusconi, ont finalement trouvé un terrain d’entente.
Pierre Manière
Vincent Bolloré, le chef de file de Vivendi, qui a mené un raid éclair au capital de Mediaset en 2016.
Vincent Bolloré, le chef de file de Vivendi, qui a mené un raid éclair au capital de Mediaset en 2016. (Crédits : Reuters)

Ils ont décidé d'enterrer la hache de guerre. Lundi soir, le géant français des médias Vivendi et son homologue italien Mediaset ont indiqué, via un communiqué, qu'ils mettaient un terme à leurs violents litiges suite à l'échec de leur projet d'alliance il y a cinq ans. Dans leur missive, les acteurs arguent « qu'ils sont parvenus à un accord global mettant fin à leurs différents en renonçant à tout litige et à toutes plaintes entre eux ». L'accord prévoit un désengagement progressif de Vivendi au capital de son homologue italien. Sachant qu'aujourd'hui, Vivendi, contrôlé par Vincent Bolloré, détient 28,8% de Mediaset. Il en est le deuxième actionnaire derrière Fininvest, la holding de la famille Berlusconi, qui en possède près de 44,2%.

Il s'agit du point final d'une violente bataille. Au printemps 2016, pourtant, tout semble aller pour le mieux entre les deux cadors des médias. Vivendi et Mediaset sabrent le champagne. Les deux groupes viennent de conclure une alliance visant à changer la donne sur le marché des médias en Europe. Cet « accord stratégique » repose sur un échange de participations entre les deux géants, le rachat de la branche de télévision payante Mediaset Premium par Vivendi, et le lancement d'une plateforme de contenus commune, concurrente des ogres américains de la vidéo à la demande.

Le rêve d'un « Netflix d'Europe du Sud »

Pour le Vivendi de Vincent Bolloré, cet accord est présenté comme une pièce maîtresse de sa stratégie. Son ambition : bâtir un « Netflix d'Europe du Sud ». En unissant les forces de Vivendi - celles, en particulier, de sa filiale Canal+ - en France et de Mediaset en Italie, l'homme d'affaires pense avoir trouvé un moyen puissant de freiner le champion américain de la VOD, alors en plein essor. En outre, la tendance est à la « convergence » entre les groupes de télécoms, qui possède les réseaux, et ceux des médias, qui disposent des contenus. Depuis peu le premier actionnaire de l'opérateur historique transalpin Telecom Italia, Vivendi compte bien jouer cette carte. "Nous croyons à l'intégration entre les sociétés de télécoms et de broadcasting", affirme à l'époque Arnaud de Puyfontaine, le président du directoire de Vivendi.

Mais patatras. Quelques mois après l'annonce de l'alliance, le projet déraille. A l'été 2016, Vivendi jette un pavé dans la mare. Le groupe de Vincent Bolloré estime avoir été trompé sur la marchandise, et plus précisément sur la valeur réelle de Mediaset Premium. Pas question, dans ces conditions, de sortir le chéquier. L'état-major de Vivendi veut renégocier les termes de l'accord. L'initiative suscite l'ire de Mediaset, qui engage alors une batteries d'actions en justice. Vincent Bolloré n'en reste pas là, et fait... du Vincent Bolloré. Mi-décembre 2016, Vivendi se lance dans un raid éclair au capital de Mediaset. En trois jours, il en grignote 20%. Il portera, par la suite, sa participation à 28,8%.

Mediaset hurle à la « manipulation de marché »

La famille Berlusconi, qui possédait jusqu'alors 35% de Mediaset via Fininvest, accroît également, de manière défensive, sa part au capital. En parallèle, des plaintes sont déposées auprès de la justice italienne. Non seulement Fininvest et Mediaset réclament à Vivendi plus de 2 milliards d'euros de dommages et intérêts, et 50 millions d'euros par jour de retard d'exécution du deal. Mais ils accusent aussi Vivendi d'avoir volontairement plombé l'alliance pour faire chuter le cours de Mediaset, et récupérer, lors d'un raid jugé « hostile », des actions à bas prix. Aux yeux de Fininvest, il ne s'agit, de la part du géant français, que d'une stratégie de « manipulation de marché »« La volte-face de cet été a provoqué une perte de valeur de [Mediaset] en Bourse d'environ 30%, dont Vivendi profite en investissant massivement sur le marché », fustige le groupe italien dans un communiqué.

Les deux acteurs n'ont cessé, ensuite, de s'envoyer des piques. Vivendi a finalement été contraint de « geler » près de 20% de sa participation dans Mediaset dans une société fiduciaire, pour rester dans les clous d'une loi sur la pluralité des médias. Depuis, les justices italienne et européenne tentaient de trancher le litige. Vivendi a notamment gagné une victoire en septembre 2020 devant la justice européenne, mais a été condamné en avril dernier par un tribunal de Milan à payer 1,7 million d'euros de dommages et intérêts à Mediaset.

Des accords de « bon voisinage »

Dans le cadre du compromis annoncé lundi soir, Vivendi s'est engagé à vendre ses 19,19% de Mediaset gelés d'ici cinq ans. Il restera actionnaire du groupe de médias à hauteur de 4,61%. L'accord, qui doit être finalisé le 22 juillet prochain, prévoit que Vivendi votera en faveur du transfert du siège de Mediaset aux Pays-Bas. Le groupe veut fusionner ses activités italiennes, espagnoles et sa participation de 15,1% dans l'allemand ProSiebenSat.1, dans une holding de droit néerlandais baptisée MFE (Media For Europe), à laquelle s'était vivement opposé Vivendi jusqu'ici. Les deux géants européens de l'audiovisuel ont également conclu des accords de « bon voisinage » dans la télévision gratuite pour une période de cinq ans. Dailymotion, filiale de Vivendi, s'est enfin engagée à verser 26,3 millions d'euros pour mettre fin à un litige relatif au droit d'auteur avec RTI et Medusa, des filiales de Mediaset.

Pierre Manière

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