Télécoms : comment l’Arcep veut garantir la neutralité du Net

Le régulateur des télécoms a détaillé ce mardi sa feuille de route pour garantir que les opérateurs respectent leurs obligations en matière d’équité de traitement et de non-discrimination du trafic Internet.
Pierre Manière
Sébastien Soriano, le président du régulateur des télécoms.

Depuis la promulgation de la loi pour une République numérique, en octobre dernier, l'Arcep, le régulateur des télécoms, a hérité de nouveaux pouvoirs visant à garantir que le respect du principe de neutralité du Net par les opérateurs. Concrètement, l'institution dirigée par Sébastien Soriano dispose désormais d'un pouvoir d'enquête et de sanction. Cela signifie que si elle soupçonne qu'Orange, Free, SFR ou Bouygues Telecom favorisent par exemple certains services, sites ou contenus sur la Toile, ses troupes ont le droit de mener des perquisitions, d'enquêter, et in fine de blâmer les contrevenants. En d'autres termes, l'Arcep a enfilé les habits de gendarme de la neutralité du Net.

Ce mardi, lors d'une conférence de presse sur l'état d'Internet en France, Sébastien Soriano a dévoilé à la presse sa feuille de route pour que ses services assurent au mieux ce nouveau rôle. En premier lieu, il a rappelé son attachement à ce que la Toile demeure « un univers » libre et accessible à tous « sans autorisation ». « C'est ce qui fait Internet », a-t-il insisté. Avant de rappeler qu'aujourd'hui, « des menaces » pèsent sur ce « bien commun ». S'il rappelle que celles-ci émanent en partie des opérateurs télécoms - puisque tous les flux de données transitent par leurs tuyaux -, il a aussi attaqué les géants du Net. A ses yeux - comme pour une majorité d'observateurs -, c'est surtout « la domination des grandes plateformes [comme Google, Apple, Facebook ou Amazon, NDLR], qui font qu'Internet est en train de se 'siloter', de se fragmenter et de se recentraliser ». Une sortie loin d'être neutre, puisque l'Arcep n'a aujourd'hui aucun pouvoir pour réguler ces plateformes. Ce qui réduit, de facto, énormément son rôle de « gardien de la neutralité du Net », qui se limite au monde des télécoms traditionnelles.

« Le rôle fondamental de la concurrence »

Cela dit, le président de l'Arcep a expliqué comment l'autorité s'y prenait pour forcer les opérateurs à filer droit. Après avoir recensé des manquements et pratiques douteuses, Sébastien Soriano affirme avoir jusqu'à présent privilégié le dialogue avec les intéressés pour les faire rentrer dans le rang. « On n'a pas souhaité être d'emblée dans une logique répressive », a-t-il indiqué. L'idée étant d'offrir aux acteurs « une chance » de « comprendre le règlement ». Même si désormais, « s'il y a des cas problématiques », l'institution n'exclut pas de sortir rapidement le bâton.

Autre point important : Sébastien Soriano a insisté sur « le rôle fondamental de la concurrence », perçue comme « une première protection naturelle » de la neutralité du Net. « Dans un marché des télécoms concurrentiel, le risque d'infraction est beaucoup plus faible », a-t-il argué. Pourquoi ? « Parce que si un opérateur s'amuse à tripatouiller Internet, les consommateurs s'en rendront compte. Et certains, déçus par leur qualité de service, voteront avec leur pied. » Ou, en d'autres termes, fileront dès que possible chez un concurrent.

« Des alliances avec la multitude »

En parallèle, l'Arcep compte se doter de nouveaux outils pour faire respecter la neutralité du Net. Sébastien Soriano compte notamment sur « des alliances avec la multitude » pour « faire de chaque citoyen un gendarme ». Pour y arriver, il table sur des outils de « crowdsourcing », ou participatifs. C'est pourquoi l'Arcep développe « une plateforme de signalement », qui devrait voir le jour au deuxième trimestre cette année.

Pour faire respecter la neutralité du Net, Sébastien Soriano veut aussi s'appuyer sur les initiatives étrangères. « La France n'est pas seule sur ce dossier », a-t-il insisté. Le chef de file de l'Arcep compte profiter des travaux du Berec, l'organe européen des régulateurs des télécoms dont il assure la présidence cette année. Cette institution discute notamment avec le régulateur indien des télécoms, qui a interdit en février 2016 le service Free Basics de Facebook. Ses responsables ont jugé que l'application violait la neutralité du Net en proposant un accès gratuit, mais limité, à certains sites triés sur le volet. Depuis cet épisode, « l'Inde est en train de se doter d'un arsenal complet sur la neutralité du Net », a indiqué Sébastien Soriano, soucieux d'élargir son prisme sur ce sujet explosif.

Pierre Manière

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