En matière de 5G industrielle, la France est en retard. Ce constat n'est pas nouveau. Mais cette fois-ci, c'est un rapport remis ce jeudi au gouvernement qui le souligne. Ce travail, commandé par l'exécutif, a été réalisé par Philippe Herbert, membre fondateur du Pass French Tech qui accompagne les startups prometteuses. Son rapport fait d'abord le point sur l'adoption de cette technologie par les entreprises françaises. Ses conclusions ont le mérite d'être claires : à côté de quelques grands groupes soucieux d'adopter rapidement la 5G pour améliorer leur productivité et leur compétitivité, « la grande majorité du tissu industriel français est dans une posture que nous nommerons ici 'attentiste' ».
Le rapport estime en outre que si les expérimentations liées à la 5G sont de plus en plus nombreuses dans l'Hexagone, elles ne sont globalement pas très avancées.
« Les projets ne sont, pour leur majorité, qu'à un stade de préparation et de planification, précise son rapport. L'obtention puis le partage de résultats utiles à tout l'écosystème ne pourra avoir lieu avant plusieurs mois ou années. Une partie de ces projets pourrait également ne pas aboutir. »
Philippe Herbert estime, aussi, qu'« une partie de ces projets ne porte pas sur le processus de production au sens strict, mais sur des activités annexes, où la valeur ajoutée du cas d'usage ou de la 5G peut être plus faible ».
Des fréquences bien trop chères
Selon le rapport, plusieurs raisons expliquent ce manque d'appétence des industriels pour la 5G. Certains estiment « manquer d'informations », de « ressources d'accompagnement », ou encore « d'offres adaptées » pour se lancer. D'autres voient encore la 5G comme une technologie destinée au grand public, et ignorent quels bénéfices ils pourraient en tirer. Mais il existe, d'après le rapport, un frein important à l'essor cette technologie dans le monde des entreprises : l'accès aux fréquences.
Les fréquences sont essentielles pour déployer, en particulier, des réseaux 5G privés. En Chine, ceux-ci sont en plein développement, et permettent d'améliorer sensiblement la productivité des usines, des mines ou des ports. Le problème, insiste le rapport, est que les industriels ont aujourd'hui toutes les peines du monde à disposer de spectre à prix raisonnable. L'Arcep, le régulateur des télécoms, permet aux entreprises de demander des fréquences dans la bande des 2,6 GHz par l'intermédiaire d'un guichet spécifique. Mais il apparaît totalement inadapté à leurs besoins et à leur surface financière.
« Le premier palier de redevances comprend les surfaces de 0 à 100 km2 pour un prix de 70.000 euros par an, relève le rapport. La surface de 100 km2 est largement supérieure à la très grande majorité des installations industrielles. Le prix pour ce premier palier est prohibitif pour la plupart des industriels qui souhaitent mener aujourd'hui des expérimentations, visant justement à tester le modèle économique encore incertain qu'ils pourraient tirer des usages de la 5G. »
Manque d'offres des opérateurs télécoms
Les entreprises disposent alors d'une autre solution : elles peuvent s'adresser aux opérateurs télécoms, à qui l'Arcep a réservé la bande dite « cœur » de la 5G, celles des 3,5 GHz. Mais ce n'est pas, ici aussi, chose facile. « De nombreux acteurs ont exprimé leurs difficultés à entrer en contact avec les opérateurs nationaux pour solliciter l'accès à ces fréquences, ainsi que le manque d'offres pour cela », affirme le rapport.
Cet enjeu d'accès aux fréquences apparaît pourtant crucial. Il est au cœur, selon le rapport, du dynamisme des écosystèmes de 5G industrielle en Allemagne, aux Etats-Unis et au Japon. Philippe Herbert appelle ainsi le gouvernement et l'Arcep à revoir rapidement leur copie. Il recommande, notamment, que le régulateur ouvre un nouveau guichet pour des expérimentations d'usages industriels 5G dans la bande des 3,5 GHz. L'enjeu est de taille. Comme le souligne le rapport, « la maîtrise de la 5G par les industriels et leurs équipementiers est un élément indispensable du passage vers l'industrie du futur ». Si le gouvernement entend bien réindustrialiser la France, il ne peut pas se permettre de voir les entreprises passer à côté de cette technologie.
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