À Paris, les salariés de Scopelec clament leur désarroi

Inquiets pour leur avenir après la perte de gros contrats avec Orange, des salariés Scopelec ont battu le pavé, ce jeudi, à Paris. Ils appellent Emmanuel Macron et le gouvernement à les épauler dans leur conflit avec l’opérateur historique, lequel menace, selon eux, la survie de la première Scop de France et de ses 3.600 employés.
Pierre Manière
Des salariés de Scopelec manifestent ce jeudi près de la gare Saint-Lazare.
Des salariés de Scopelec manifestent ce jeudi près de la gare Saint-Lazare. (Crédits : Pierre Manière)

Avec leurs gilets orange, entre 150 et 200 salariés de Scopelec, la première SCOP de France avec 3.600 collaborateurs, ont manifesté ce jeudi à Paris. Tous craignent pour leur emploi après la perte de gros contrats avec Orange concernant le déploiement de la fibre. Aujourd'hui en procédure de sauvegarde, Scopelec estime être amputé d'environ 40% de son chiffre d'affaires total, lequel avoisinait les 475 millions d'euros l'an dernier. Un traumatisme pour les salariés, dont près de 1.000 se retrouvent sans perspective. Sachant qu'un autre millier d'emplois est aussi menacé chez les sous-traitants de la SCOP.

Les manifestants avaient initialement prévu de déployer leurs banderoles devant le QG de campagne d'Emmanuel Macron, dans le huitième arrondissement de la capitale, afin de sensibiliser le président-candidat à leur désarroi. Mais tout le périmètre a été bouclé par un important dispositif policier. Les salariés de Scopelec se sont alors rassemblés un peu plus loin, devant la gare Saint-Lazare. Mégaphone en main, Alain Tomas, le président du conseil de surveillance du groupe, a lu une lettre envoyée la veille au président de la République. Dans cette missive, où il fustige le « mépris » d'Orange vis-à-vis de Scopelec, il appelle le chef de l'Etat et candidat à la présidentielle à se saisir du dossier.

Dans les rangs des manifestants, Orange est accusé de tous les maux. « Nous ne nous attendions pas à une telle perte de contrats, affirme Sébastien, 50 ans, qui travaille dans un bureau d'études dans la Sarthe. Cela fait 50 ans qu'on bosse pour Orange. C'est un client fidèle. Et voilà qu'ils nous lâchent du jour au lendemain. » Kevin, 36 ans, est chef de chantier en Normandie. Dans cette région, c'est la société Spie qui a remporté les contrats d'exploitation et de maintenance des réseaux de fibre d'Orange aux dépens de Scopelec, déplore-t-il.

Kevin affirme que, dans son agence, quelques 120 employés risquent de perdre leur travail. « Tout le monde ne sera pas repris par le nouveau sous-traitant », fulmine-t-il. « Et quand c'est le cas, ce n'est pas toujours dans des conditions acceptables, abonde une de ses collègues. Ils ne veulent pas tenir compte de l'ancienneté, et les salaires ne sont pas forcément les mêmes. » Kevin ne comprend pas la position d'Orange. « Je ne sais pas si on peut parler de trahison, affirme-t-il. Mais là, ce n'est pas possible. La restructuration aura un coût. On demande un coup de main à Orange. »

« Orange doit financer la restructuration »

Du côté de l'opérateur historique, sa direction argue que, si Scopelec a perdu une grosse partie de ses contrats, c'est en raison de la qualité de ses prestations, jugée insuffisante. L'argument fait sortir Alain Tomas de ses gonds. « Ces deux dernières années, notre activité pour le compte d'Orange a progressé de 25%, dit-il. Expliquez-moi comment on peut donner 25% d'activité en plus à une entreprise jugée défaillante ? »

Si Scopelec doit de séparer d'environ 1.000 salariés, comme le groupe l'envisage aujourd'hui, Alain Tomas juge qu'Orange doit « participer au financement d'une inévitable restructuration ». Celle-ci s'élèverait, nous dit-on, à un montant compris entre 50 et 60 millions d'euros. Alain Tomas réclame aussi à Orange une rallonge de 24 mois d'activité, au lieu des neuf mois proposés aujourd'hui par l'opérateur historique. « Cet argent, ce n'est pas pour renflouer notre trésorerie, insiste-t-il. Nous en avons besoin pour sauver l'entreprise et absorber ce choc. Sinon, nous allons mourir et déposer le bilan. »

Une délégation de Scopelec reçue à Bercy

Face au refus d'Orange de mettre la main au portefeuille, il compte sur le gouvernement - sachant que l'Etat est le premier actionnaire d'Orange à hauteur de 23% - pour faire pression sur l'opérateur. Dans la foulée de leur manifestation, une délégation de Scopelec a été reçue à Bercy par Agnès Pannier-Runacher, la ministre en charge de l'Industrie. Au terme de cette rencontre, Alain Tomas s'est montré assez confiant. « La ministre connaissait le dossier, elle s'est réellement montrée à notre écoute, affirme-t-il. Nous avons le sentiment qu'elle a compris l'urgence de la situation. » Ce qui est, selon lui, « plutôt rassurant ».

Alain Tomas ne le dit pas, mais, en réalité, la situation a évolué. Selon Bercy, Orange propose désormais à Scopelec de doubler son surcroît d'activité au sous-traitant, en le passant à 18 mois, pour l'aider à sortir la tête de l'eau. Christel Heydemann, la nouvelle patronne de l'opérateur historique, doit aussi s'entretenir avec Thomas Foppiani, le président du directoire de Scopelec, dans les jours qui viennent.

Pierre Manière

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Commentaires 3
à écrit le 08/04/2022 à 8:46
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aucun desarroi a avoir, tout va bien, ils ne se font exploiter par aucun actionnaire, vu que les actionnaires, c'est eux; a eux de mettre en place un plan de relance, une restructuration ( avec de grosses indemnites de depart) et des financements qu'...

à écrit le 08/04/2022 à 8:10
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La coopérative, une cible à abattre pour la classe dirigeante en déclin et sa hiérarchie ancrée au corps car lui permettant de se sentir exister alors que nulle. C'est comme ça, le déclin c’est toujours trop long vers la fin.

à écrit le 07/04/2022 à 19:18
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Orange a installé la fibre...avec SCOPELEC. Orange a sous-traité le travail qu'elle aurait dû faire car le faire réaliser par ses équipes Orange aurait coûté trop cher compte tenu des salaires Orange. SCOPELEC pressuré par les prix pour avoir les ma...

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