
L'état-major du numéro un français des télécoms va certainement grincer des dents. Ce vendredi, l'Arcep a proposé une modeste augmentation du prix du dégroupage. Aussi appelé « prix du cuivre » dans le jargon des télécoms, celui-ci est déterminé par le régulateur. Il s'agit, concrètement, du prix payé à la ligne et par mois par tous les opérateurs alternatifs (SFR, Bouygues Telecom et Free) à Orange lorsqu'ils utilisent son réseau cuivre pour proposer de l'ADSL à leurs clients. Aujourd'hui, celui-ci s'élève à 9,46 euros (*). L'Arcep souhaite le passer à 9,65 euros pour la période 2021-2023. Cette décision n'est pas totalement arrêtée, puisque la proposition de l'Arcep est désormais soumise à consultation publique.
L'initiative ne réjouira pas Orange. Et pour cause : comme nous l'indique Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, l'opérateur historique souhaitait voir ce prix du dégroupage augmenter fortement, « de 2 à 3 euros ». Pourquoi ? Parce qu'Orange clame, depuis longtemps, que l'entretien du réseau cuivre, dont il a la charge, lui coûte de plus en plus cher alors qu'en parallèle, le nombre d'utilisateurs baisse. De fait, les Français sont de plus en plus nombreux à troquer leur connexion ADSL contre un abonnement à la fibre.
« Notre porte reste ouverte à Orange »
Mais le régulateur ne l'entend pas de cette oreille. « Nous ne souhaitons pas rentrer dans ce raisonnement, affirme Sébastien Soriano. C'est la raison pour laquelle, pour la première fois, la décision de l'Arcep va se baser non pas sur les coûts comptables d'Orange, mais sur un modèle de reconstruction d'un réseau en fibre. De ce fait, la question de la hausse mécanique ne se pose pas. »
Le prix du dégroupage n'a pas, pour autant, vocation à être gelé pendant trois ans... En réalité, l'Arcep y voit un « instrument de pilotage », comme Sébastien Soriano l'affirmait en février dernier, visant à accélérer la fermeture du réseau cuivre. « Notre porte reste ouverte à Orange », déclare aujourd'hui le patron du régulateur. Explications :
« Si Orange venait avec un plan extrêmement concret et ambitieux de migration accélérée de ses abonnés du cuivre vers la fibre, alors, dans ce cas, il serait juste d'ouvrir la question d'une hausse plus significative de la paire de cuivre, précise-t-il. De fait si Orange fermait plus vite son réseau, il y aurait dans ce cas, pour lui, un manque à gagner. »
L'objectif de Sébastien Soriano est clair : permettre au marché de gagner en « efficience » en mettant fin, dès que possible, à cette situation de « double réseau » :
« Cette situation a un coût pour tout le monde, constate-t-il. Mais il y a une asymétrie entre les intérêts du secteur : le réseau cuivre est un poids pour les opérateurs alternatifs, mais c'est une source de revenus pour Orange. Voilà pourquoi Orange a moins intérêt que ses concurrents à une migration rapide des abonnés vers la fibre. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons l'inciter à migrer rapidement ses abonnés ADSL vers la fibre en ouvrant l'option d'une hausse future du prix du dégroupage. »
Des « signaux encourageants »
Le président de l'Arcep rappelle qu'Orange a déjà affirmé qu'il souhaitait fermer son réseau cuivre. Mais il s'agit pour l'heure d'« une décision de principe, qui n'est pas encore documentée », relève-t-il. Cela dit, Sébastien Soriano souhaite « positiver ». Il estime avoir reçu des « signaux encourageants » d'Orange concernant la fin du réseau cuivre. « L'opérateur nous a indiqué qu'il envisageait, prochainement, d'arrêter de commercialiser l'ADSL dans les immeubles auprès des nouveaux clients, lorsque suffisamment d'opérateurs y proposent la fibre », indique-t-il.
La proposition de l'Arcep ne devrait pas, non plus satisfaire SFR, Bouygues Telecom et Free. Les trois rivaux de l'opérateur historique militaient, logiquement, pour une baisse significative du prix du cuivre. « Il n'y a aucune raison de monter ce tarif, s'étranglait, en février dernier, un responsable d'un opérateur. Il est temps qu'il baisse ! Le sujet, maintenant, c'est la fibre. Pas le cuivre. »
* Le plafond tarifaire fixé par l'Arcep pour 2020 est de 9,51 euros. Mais le tarif pratiqué cette même année par Orange est de 9,46 euros en raison d'un ajustement technique lié à l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER).
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