Bouygues Telecom évoque un risque « élevé » de devoir payer 308 millions d'euros à Free

Bouygues Telecom souhaitait suspendre l'exécution d'un jugement du tribunal de commerce de Paris, qui l'avait condamné à verser 308 millions d'euros à Free dans un contentieux lié à la commercialisation d’offres groupées, associant des smartphones et des forfaits mobiles. Mais sa demande a été balayée par la justice.
Pierre Manière
Xavier Niel s’est lancé dans une véritable guérilla judiciaire contre les offres groupées, consistant à échelonner le prix d'un smartphone, en échange de la souscription à un abonnement de longue durée.
Xavier Niel s’est lancé dans une véritable guérilla judiciaire contre les offres groupées, consistant à échelonner le prix d'un smartphone, en échange de la souscription à un abonnement de longue durée. (Crédits : Reuters/Eduard Korniyenko)

Pour Bouygues Telecom, c'est un camouflet qui va sans doute coûter cher. Ce jeudi, l'opérateur a indiqué qu'il allait sans doute devoir régler un gros chèque à son grand rival Free dans un contentieux concernant d'anciennes offres « groupées », consistant à échelonner le prix d'un smartphone en échange de la souscription à un abonnement de longue durée. Dans un communiqué qu'il n'a pas envoyé à la presse, Bouygues Telecom a averti d'un « risque élevé » de devoir payer quelque 308 millions d'euros de dommages et intérêts au groupe de Xavier Niel.

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Le 9 février dernier, l'opérateur du groupe Bouygues a été condamné par le tribunal de commerce de Paris pour avoir commercialisé, de 2014 à 2021, ses offres groupées « Sensation ». Free s'estimait lésé. Il jugeait ces offres anti-concurrentielles, « trompeuses » et assimilables à des « prêts à la consommation ». Bouygues a d'emblée contesté ce jugement « avec la plus grande vigueur », considérant que ses offres groupées étaient tout à fait légales. Il a fait appel, puis effectué un recours pour suspendre l'exécution du jugement - et donc de cet énorme paiement de 308 millions d'euros. Mais cette dernière demande a été balayée, ce mercredi, par la cour d'appel de Paris. Celle-ci a « débouté Bouygues Telecom de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire », déplore l'opérateur dans son communiqué, ajoutant qu'il sera sans doute contraint de passer à la caisse.

« Bien que Bouygues Telecom conteste toujours la validité de cette exécution provisoire, Free Mobile a indiqué son intention de faire exécuter le jugement, ajoute-t-il. Le risque pour Bouygues Telecom de devoir décaisser à court terme le montant susmentionné est par conséquent élevé. »

S'il ne paye pas rapidement, l'ardoise va rapidement grimper, puisque l'opérateur se verra imposer des intérêts de plus en plus élevés.

Un bras de fer loin d'être terminé

Ce bras de fer entre Bouygues Telecom et Free est loin d'être terminé. Il faudra attendre encore longtemps - peut-être plusieurs années - pour que l'affaire soit jugée en appel. Si Bouygues Telecom perd à nouveau, il pourra toujours, ensuite, effectuer un pourvoi en cassation.

Free ne souhaite pas commenter officiellement cette affaire. Mais nul doute que cette première victoire face à Bouygues Telecom doit satisfaire son état-major. Cela fait des années que Xavier Niel, le fondateur et propriétaire de Free, monte au créneau contre les offres groupées de ses rivaux. Celles-ci ne représentent plus qu'un petit quart du marché. Mais elles concernent généralement les offres les plus riches en données, et donc les plus chères. Xavier Niel considère que ces pratiques « illégales et opaques » permettent à ses rivaux de vendre des terminaux plus chers que ce qu'ils coûtent réellement, tout en empêchant une partie de leur clientèle de filer à la concurrence.

Guérilla judiciaire

Le chef de file de Free juge aussi les offres groupées anti-écologiques. « Le modèle du subventionnement pousse au renouvellement des terminaux parce que l'opérateur veut que vous soyez engagés, a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse en juillet 2021. Donc dès que vous allez vous approcher des 24 mois, il va vous conseiller de prendre un nouveau terminal. » L'Arcep, le régulateur des télécoms, a cependant publié une étude, il y a deux ans, défendant le contraire. Orange, SFR et Bouygues Telecom arguent, pour leur part, que les offres groupées permettent aux clients de s'offrir des smartphones de plus en plus chers.

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Quoi qu'il en soit, Xavier Niel s'est lancé dans une véritable guérilla judiciaire contre cette pratique commerciale. En 2012, Free a porté plainte pour concurrence déloyale contre SFR et ses offres « Carré ». Celle-ci a finalement abouti, en 2018, à une décision de la Cour de cassation qui a estimé que la subvention d'un mobile couplée à un forfait au prix plus élevé, avec un engagement plus ou moins long, s'apparentait à du crédit à la consommation. Un an plus tard, la cour d'appel de Paris, qui a rejugé l'affaire, est allée dans le même sens. Un expert a alors été nommé pour déterminer le montant des dommages et intérêts. Free a, en parallèle, engagé des contentieux à l'égard de certaines offres groupées d'Orange.

Pierre Manière

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