Bruxelles relance ses réflexions sur un marché unique des télécoms

Alors que de nombreux opérateurs souffrent sur le Vieux Continent, la Commission appelle à façonner un « marché unique des télécoms », avec des acteurs « véritablement paneuropéens ».
Pierre Manière
Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur.
Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur. (Crédits : POOL)

Les difficultés de l'industrie européenne des télécoms préoccupent Bruxelles. De Telecom Italia, en passant par Telefonica, Vodafone ou Deutsche Telekom, de nombreux opérateurs historiques souffrent d'une forte concurrence, qui maintient les prix à des niveaux bas, tandis que les investissements dans la fibre, la 4G et la 5G vont crescendo. Leur modèle d'affaires est, pour beaucoup d'observateurs, jugé intenable sur le long terme. Le manque d'innovation du secteur fait, aussi, peser le risque que cette industrie ne devienne un jour une commodité. Certains imaginent des scénarios où les opérateurs ne seraient plus, dans les années à venir, que de simples fournisseurs de connectivité en gros aux mastodontes des services en ligne tels Amazon, Facebook, Apple, Google ou encore Netflix...

Bruxelles a bien conscience de cet affaiblissement de l'industrie des télécoms. Il faut dire que l'Union européenne a une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Depuis l'ouverture à la concurrence du secteur, à la fin des années 1990, l'Europe n'a eu de cesse de favoriser une forte compétition dans les différents marchés nationaux. C'est le cas en France, où l'arrivée de Free Mobile, en 2012, a débouché sur une violente guerre des prix avec Orange, Bouygues Telecom et SFR. Aujourd'hui, l'Hexagone demeure, d'ailleurs, le champion des prix bas sur le Vieux Continent.

Depuis des années, Margrethe Vestager, la commissaire à la Concurrence, n'a eu de cesse de bloquer des consolidations dans différents pays. Avec un objectif : la préservation de la concurrence et des prix bas pour les consommateurs. Mais cette politique fait désormais l'objet de critiques. Bruxelles redoute maintenant que les opérateurs n'aient plus les moyens de financer le déploiement de la fibre et de la 5G, jugés essentiels à la compétitivité de l'UE.

Alors que faire ? Comment relancer l'industrie des télécoms ? La Commission européenne compte ouvrir, en ce début d'année, une grande consultation publique de deux mois sur « l'avenir de la connectivité et des infrastructures ». Son objectif : veiller à ce que le « cadre réglementaire » de l'Union européenne à l'égard de l'écosystème numérique soit « adapté » à la « transformation numérique » du continent, et assurer « des financements suffisants » pour le déploiement des réseaux, a rappelé Thierry Breton, le commissaire européen en charge du marché intérieur, ce lundi, lors d'un discours en Finlande.

« Encourager la consolidation transfrontalière »

Surtout, Thierry Breton souhaite, à l'occasion de cette consultation, réfléchir à la manière de construire « un véritable marché unique des télécommunications ». D'après le commissaire français, il y a trop d'opérateurs en Europe. « La fragmentation actuelle du marché, avec des modèles commerciaux sous-optimisés et des coûts élevés pour les licences de spectre nationales, freine notre potentiel collectif par rapport aux autres continents », a-t-il lâché. Rappelons que l'Europe compte une centaine d'opérateurs télécoms, contre trois aux Etats-Unis ou en Chine. La solution ? « Encourager la consolidation transfrontalière », répond Thierry Breton.

Même constat et mêmes remèdes pour Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence. Interrogés par La Tribune, ses services estiment que « le débat sur l'échelle, le déploiement rapide des réseaux mobiles [la 5G, ndlr] et leur financement est important »« Il nous rappelle que l'Europe a besoin d'acteurs des télécommunications véritablement paneuropéens et d'un marché unique des télécommunications », poursuivent-ils.

Faire payer les Gafa pour les réseaux

En parallèle, les services de la commission de la concurrence ne sont pas, expliquent-ils, disposés à revoir leur logiciel concernant les consolidations nationales. Pas question, en clair, qu'une réduction du nombre d'opérateurs dans un pays, synonyme d'une moindre concurrence, débouche sur de fortes augmentations de prix. « Dans le contexte actuel d'inflation croissante, l'accès à des services de télécommunications abordables est d'autant plus important pour les consommateurs européens », soulignent les services de Margrethe Vestager.

En attendant la révolution d'un marché unique des télécoms, qui reste pour beaucoup un vœu pieux, la Commission songe à faire participer les géants américains du Net, les fameux Gafa, au financement du déploiement des réseaux. Des mesures vont aussi voir le jour pour en diminuer la facture. Mais il est peu probable que cela soit suffisant pour permettre aux opérateurs de retrouver le chemin d'une croissance forte.

Pierre Manière

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 13
à écrit le 11/02/2023 à 13:43
Signaler
Ce type n'a aucune légitimité pour décider quoique ce soit ni pour s'exprimer au nom des citoyens. Seuls les représentants politiques élus par les citoyens français ont une certaine légitimité démocratique. Seules les propositions massivement sou...

le 11/02/2023 à 14:53
Signaler
Oui, bon… lui est quand même commissaire européen. Les opérateurs européens doivent souvent franchir les mêmes paliers d’ingénierie. Ça sert à quoi d’avoir 40 ou 100 équipes qui font exactement la même chose? Si on en avait 4 ou 5 seulement, ça écon...

le 12/02/2023 à 13:14
Signaler
soyer courageux et dénoncer ceux qui ont détruit les telecoms nationaux au non du profit facile ainsi que les autres service d'etat et les memes ont tout fait pour instaurer les lobbing dans l'assemble europeenne pour facilite leur magouille

le 13/02/2023 à 21:41
Signaler
Sa nomination a ete soumise a 2 longues auditions et au vote de l'ensemble des deputés europeens que vous avez elu...c'est dailleurs comme ca que sylvie goulard avait ete retoquée...ca le rend du coup encore plus legitime qu'un premier ministre ou me...

à écrit le 11/02/2023 à 12:07
Signaler
Prenez le soin de consulter le bilan de thierry breton dans ses fonctions antérieures. Vous serez surpris de la médiocrité professionnelle de cet individu. Faites l'expérience

le 13/02/2023 à 21:37
Signaler
Rarement un commentaire autant a coté de la plaque ahahahaha

à écrit le 11/02/2023 à 1:26
Signaler
Si déjà on peut réduire la centaine d'opérateurs à une trentaine... par exemple, avec un opérateur pour chaque pays. En situation de monopole il serait forcément public. Sa responsabilité entièrement et uniquement centrée sur les réseaux, leur gestio...

à écrit le 10/02/2023 à 23:13
Signaler
L’avenir – pourtant postulé depuis presque cent ans – est la transmission des ondes en mode Spread Spectrum en utilisant la terre elle même comme le fil conducteur. Aucun besoin d’infrastructures et sécurité incassable – et surtout, exempte à “select...

à écrit le 10/02/2023 à 23:11
Signaler
Retard de 5 ans sur les réseaux déployés par rapport aux USA, pas loin de 10 ans par rapport à l’Asie. Cette situation ne peut plus durer. L’éparpillement des investissements sur de trop nombreux opérateurs est un gaspillage de ressources d’ingénieri...

à écrit le 10/02/2023 à 18:59
Signaler
Bonjour, Personnellement je crois que la concurrence entre les opérateurs (télécommunications, transport, énergétique) et toujours une bonne chose... Mais encore faut ils que la concurrence soit juste et non faussé.... En France l'ons constate souv...

à écrit le 10/02/2023 à 18:55
Signaler
Les difficultés de nombreux opérateurs historiques souffrent d'une forte concurrence qui maintient les prix bas. C'est une lapalissade, c'est la mondialisation, le libre marché ! Les français ont payé le réseau cuivre qui a permis à l'opérateur hist...

à écrit le 10/02/2023 à 18:34
Signaler
y a 30 ans, dans mes cours d'economie industrielle, on parlait de tout ca; ca en dit long sur les capacites des politiques et de leurs amis fonctionnaires.....quand on vient du monde de l'entreprise, a la difference, on connait le pragmatisme et le c...

à écrit le 10/02/2023 à 16:04
Signaler
Incroyable ! Il aura fallu tout ce temps pour que l'UE réalise que le morcellement est nuisible. Dans le même temps, les autorités nationales invitent à ce que de nouveaux acteurs apparaissent encore pour soit-disant booster la concurrence sur la pla...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.