
Les difficultés de l'industrie européenne des télécoms préoccupent Bruxelles. De Telecom Italia, en passant par Telefonica, Vodafone ou Deutsche Telekom, de nombreux opérateurs historiques souffrent d'une forte concurrence, qui maintient les prix à des niveaux bas, tandis que les investissements dans la fibre, la 4G et la 5G vont crescendo. Leur modèle d'affaires est, pour beaucoup d'observateurs, jugé intenable sur le long terme. Le manque d'innovation du secteur fait, aussi, peser le risque que cette industrie ne devienne un jour une commodité. Certains imaginent des scénarios où les opérateurs ne seraient plus, dans les années à venir, que de simples fournisseurs de connectivité en gros aux mastodontes des services en ligne tels Amazon, Facebook, Apple, Google ou encore Netflix...
Bruxelles a bien conscience de cet affaiblissement de l'industrie des télécoms. Il faut dire que l'Union européenne a une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Depuis l'ouverture à la concurrence du secteur, à la fin des années 1990, l'Europe n'a eu de cesse de favoriser une forte compétition dans les différents marchés nationaux. C'est le cas en France, où l'arrivée de Free Mobile, en 2012, a débouché sur une violente guerre des prix avec Orange, Bouygues Telecom et SFR. Aujourd'hui, l'Hexagone demeure, d'ailleurs, le champion des prix bas sur le Vieux Continent.
Depuis des années, Margrethe Vestager, la commissaire à la Concurrence, n'a eu de cesse de bloquer des consolidations dans différents pays. Avec un objectif : la préservation de la concurrence et des prix bas pour les consommateurs. Mais cette politique fait désormais l'objet de critiques. Bruxelles redoute maintenant que les opérateurs n'aient plus les moyens de financer le déploiement de la fibre et de la 5G, jugés essentiels à la compétitivité de l'UE.
Alors que faire ? Comment relancer l'industrie des télécoms ? La Commission européenne compte ouvrir, en ce début d'année, une grande consultation publique de deux mois sur « l'avenir de la connectivité et des infrastructures ». Son objectif : veiller à ce que le « cadre réglementaire » de l'Union européenne à l'égard de l'écosystème numérique soit « adapté » à la « transformation numérique » du continent, et assurer « des financements suffisants » pour le déploiement des réseaux, a rappelé Thierry Breton, le commissaire européen en charge du marché intérieur, ce lundi, lors d'un discours en Finlande.
« Encourager la consolidation transfrontalière »
Surtout, Thierry Breton souhaite, à l'occasion de cette consultation, réfléchir à la manière de construire « un véritable marché unique des télécommunications ». D'après le commissaire français, il y a trop d'opérateurs en Europe. « La fragmentation actuelle du marché, avec des modèles commerciaux sous-optimisés et des coûts élevés pour les licences de spectre nationales, freine notre potentiel collectif par rapport aux autres continents », a-t-il lâché. Rappelons que l'Europe compte une centaine d'opérateurs télécoms, contre trois aux Etats-Unis ou en Chine. La solution ? « Encourager la consolidation transfrontalière », répond Thierry Breton.
Même constat et mêmes remèdes pour Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence. Interrogés par La Tribune, ses services estiment que « le débat sur l'échelle, le déploiement rapide des réseaux mobiles [la 5G, ndlr] et leur financement est important ». « Il nous rappelle que l'Europe a besoin d'acteurs des télécommunications véritablement paneuropéens et d'un marché unique des télécommunications », poursuivent-ils.
Faire payer les Gafa pour les réseaux
En parallèle, les services de la commission de la concurrence ne sont pas, expliquent-ils, disposés à revoir leur logiciel concernant les consolidations nationales. Pas question, en clair, qu'une réduction du nombre d'opérateurs dans un pays, synonyme d'une moindre concurrence, débouche sur de fortes augmentations de prix. « Dans le contexte actuel d'inflation croissante, l'accès à des services de télécommunications abordables est d'autant plus important pour les consommateurs européens », soulignent les services de Margrethe Vestager.
En attendant la révolution d'un marché unique des télécoms, qui reste pour beaucoup un vœu pieux, la Commission songe à faire participer les géants américains du Net, les fameux Gafa, au financement du déploiement des réseaux. Des mesures vont aussi voir le jour pour en diminuer la facture. Mais il est peu probable que cela soit suffisant pour permettre aux opérateurs de retrouver le chemin d'une croissance forte.
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