Aux yeux de la direction générale du Trésor, l'ouverture à la concurrence des télécoms s'est avérée profitable pour la France. Réputée très libérale, l'institution s'est fendue d'une note, publiée ce lundi, où elle loue le « succès » de la libéralisation du secteur à partir de la fin des années 1990. Au 1er janvier 1998, France Télécom (Orange aujourd'hui) a perdu son monopole sur les télécommunications dans l'Hexagone. Un régulateur - l'ART devenu l'Arcep - est créé afin de permettre à de nouveaux acteurs de concurrencer ses offres, d'abord dans l'Internet fixe, puis dans le mobile. Désormais, ceux-ci se nomment SFR, Bouygues Telecom et Free.
Cette concurrence, qui s'est même muée en une compétition des plus féroces en 2012, avec l'arrivée du « Maverick » Free dans le mobile, s'est révélée satisfaisante, d'après le trésor. L'institution se félicite d'abord que ce « renforcement de la concurrence » se soit avéré « positif » pour les consommateurs, qui bénéficient, il est vrai, des tarifs parmi les plus bas du Vieux Continent. Elle rappelle qu'en 2021, les Français dépensaient en moyenne 33,20 euros par mois pour leur abonnement Internet fixe, et 15,70 euros par mois pour leur forfait mobile.
Explosion des investissements
Autre motif de satisfaction pour le Trésor : les investissements des opérateurs télécoms ont explosé ces dernières années. « Ils ont atteint 15 milliards d'euros (hors licences mobiles) en 2021, contre 7 milliards d'euros en 2014 », souligne l'institution. Elle remarque, aussi, que « les craintes de baisse des investissements après l'arrivée de Free sur le mobile », qui étaient effectivement importantes, « ne se sont pas matérialisées ». La concurrence, poursuit le Trésor, pousse les opérateurs à investir en continu dans leurs réseaux « malgré des revenus stables, des prix faibles et un taux de marge en baisse ».
A l'instar d'une récente mission d'évaluation, le Trésor estime que Plan France Très haut débit, dont les travaux de déploiement de la fibre absorbent le gros des dépenses des opérateurs, constitue un « succès ». Cette analyse n'est pas, toutefois, partagée par tous. Orange, SFR et Bouygues Telecom rappellent régulièrement que l'arrivée de Free et la baisse des prix n'a pas été sans conséquence, sociales en particulier, avec d'importantes réductions d'effectifs. La Fédération française des télécoms (FFT), le lobby du secteur, a récemment fustigé un « environnement économique défavorable ». Celui-ci est certes marqué par l'inflation, mais aussi par les prix bas, qui rognent mécaniquement les revenus des opérateurs, et dont les sous-traitants pâtissent en bout de chaîne.
Peu de concurrence sur le marché des entreprises
Le Trésor constate, comme tous les observateurs, qu'un domaine reste encore peu concurrentiel. Il s'agit du marché des entreprises, où les tarifs sont parfois trop élevés pour les PME, ce qui nuit à leur numérisation et leur compétitivité. Ce segment est, de fait, largement dominé par Orange, et dans une moindre mesure par SFR. L'Arcep n'a pas ménagé ses efforts, ces dernières années, pour rendre ce marché plus concurrentiel. Mais cela n'a pas suffi à bousculer l'ordre établi.
Pas de quoi inquiéter le Trésor, qui sent le vent tourner. « Si la concentration au sein du marché des entreprises reste importante, la situation concurrentielle semble en train d'évoluer, écrit-il. Fin 2020, Bouygues a indiqué un objectif de doublement de ses parts de marché fixe entreprises à horizon 2026. En mars 2021, Free a annoncé sa première offre à destination des entreprises. »
Niel et Drahi à l'offensive en Europe
En complément de l'analyse du trésor, soulignons que l'écosystème français des télécoms se porte, malgré certaines difficultés, plutôt bien. Du moins assez pour que ses opérateurs investissent massivement à l'international, et en Europe en particulier. En parallèle de la France, qui représente la moitié de ses 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires, Orange est présent en Espagne, en Belgique, en Roumanie ou encore en Pologne. L'opérateur historique, par ailleurs peu endetté, est aussi opérateur dans deux pays africains sur trois.
Propriétaire de SFR, Patrick Drahi est devenu un poids lourd de l'Internet fixe aux Etats-Unis. En Europe, son groupe Altice opère au Portugal, et s'est récemment renforcé au capital de BT, l'opérateur historique du Royaume-Uni. De son côté, Iliad, la maison-mère de Free, s'est implantée avec succès en Italie, en Pologne, et se verrait bien avancer ses pions dans un autre pays européen... Bref, il y a pire pour un secteur que certains voyaient s'effondrer après le séisme qu'a provoqué l'arrivée de Free.
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