En Inde, la longue descente aux enfers de Vi, l’opérateur de Vodafone

En grande difficulté, le numéro trois indien des télécoms a fait l’objet d’une nationalisation partielle dans un contexte de concurrence féroce. Si l’arrivée de l’Etat au capital lui permet de souffler à court terme, l’opérateur devra trouver la parade à la fuite de ses clients.
Pierre Manière
Vi est passé de 410 à 234 millions de clients depuis 2017.
Vi est passé de 410 à 234 millions de clients depuis 2017. (Crédits : Reuters)

Sur le papier, l'Inde constituait un marché alléchant pour Vodafone. Lorsque le géant britannique des télécoms s'est lancé dans ce pays, qui compte 1,2 milliard d'habitants, en 2007, le secteur était en plein boom. A cette époque, près de six millions de personnes souscrivaient tous les mois à un abonnement mobile... Mais quinze ans plus tard, le rêve s'est transformé en cauchemar. En très grande difficulté, Vi, l'opérateur de Vodafone, a été contraint d'accepter les termes d'une nationalisation partielle. Cette opération permettra à New Delhi de détenir 36% du capital du numéro trois indien des télécoms derrière Jio et Airtel. Vodafone, lui, n'en conservera que 28%, contre 18% pour son co-actionnaire Aditya Birla.

Comment diable Vodafone s'est-il retrouvé dans un tel bourbier ? Sa descente aux enfers a débuté en 2016. Cette année-là, le marché indien des télécoms est confronté à un nouvel entrant. Baptisé Jio, et propriété de Mukesh Ambani, la première fortune d'Inde, celui-ci a décidé de casser les prix pour tailler des croupières à la concurrence. L'initiative s'est avérée dévastatrice pour le secteur, réduisant copieusement les marges des acteurs en place. Celle-ci n'est pas sans rappeler, en France, l'arrivée de Free Mobile en 2012, lequel a cassé les prix pour faire rapidement son nid sur le marché.

Fuite des abonnés

Pour résister, Vodafone a joué la carte de la consolidation. En 2017, il fusionne sa filiale Vodafone India avec l'opérateur rival Idea Cellular. Ensemble, ils fondent Vodafone-Idea, devenu Vi. L'opération vise à disposer d'une plus grande base d'abonnés (près de 410 millions de clients) et de réduire les coûts, afin de résister à la tornade Jio. A l'époque, Vodafone est le premier actionnaire de l'ensemble, avec 45% du capital, contre 26% pour Aditya Birla, le propriétaire d'Idea Cellular.

Mieux armé, Vi ne parvient toutefois pas à trouver la parade. Ces dernières années, sa base d'abonnés a fondu comme neige au soleil. En septembre dernier, l'opérateur ne comptait plus que 234 millions de fidèles. A cette fuite des clients s'ajoute un endettement massif, avoisinant les 23 milliards d'euros. Vi a en particulier souffert d'un vieux bras de fer avec l'Etat indien concernant le montant de ses redevances pour l'utilisation de ses fréquences mobiles. Depuis 1999, l'exécutif souhaitait que ces frais soient calculés en fonction des revenus globaux des opérateurs. Ce qui a fait hurler ces derniers, qui appelaient à ce que leurs redevances soient liées à leurs seuls revenus des télécoms. A l'automne 2020, la Cour suprême a donné raison au gouvernement, laissant Vi avec une ardoise de 6 milliards d'euros, dont 2 milliards d'intérêts !

La crainte d'un duopole

De quoi menacer, presque définitivement cette fois, la survie de l'opérateur. Un deal a alors été trouvé avec New Delhi pour effacer ses intérêts en échange de son arrivée au capital. La manœuvre a été approuvée, vendredi dernier, par l'exécutif. Celui-ci souhaite ainsi donner à Vi les moyens de rebondir. Il faut dire que si celui-ci venait à disparaître, le marché indien des télécoms se résumerait à un duopole entre Jio et Airtel. Or l'absence de concurrence pourrait entraver, à terme, l'essor de ce secteur si essentiel pour l'économie du pays.

Lire aussiEn difficulté, Vodafone se prépare à tailler dans ses effectifs

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 07/02/2023 à 18:55
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La mésaventure de Vodafone en Inde pourrait bien arriver à d'autres opérateurs même européens dès lors qu'un Etat décide de changer les règles du jeu une fois les investissements réalisés.

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