
Avec le rachat de la constellation britannique OneWeb par Eutelsat, le spécialiste des satellites pour la télévision et les télécoms, la France dit-elle adieu à sa souveraineté spatiale ? La question mérite franchement d'être posée. De fait, la participation de l'Etat français dans ce nouveau géant de l'Internet spatial sera, comme pour tous les actionnaires d'Eutelsat et de OneWeb, largement diluée. Aujourd'hui, Bpifrance est le premier actionnaire d'Eutelsat, avec près de 20% du capital. Le Fonds stratégique de participations (FSP), lui, en détient 7,6%. Mais demain, la part de Bpifrance va tomber à 10,5% dans le nouvel ensemble. Son actionnaire de référence sera, selon Les Echos, le conglomérat indien Bharti, à hauteur de 19%.
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Pas de quoi, cependant, inquiéter le gouvernement français. A Bercy, on estime ce mardi que cette nouvelle répartition, a priori défavorable, des cartes ne va pas plomber la souveraineté spatiale française. « Nous sommes convaincus qu'elle sera maintenue, voire renforcée », affirme-t-on au ministère de l'Economie et des Finances. L'exécutif argue que le siège du nouvel opérateur restera en France, que l'entreprise sera toujours cotée à Paris, que le management d'Eutelsat restera en place, ou encore que huit des quinze futurs administrateurs du conseil viendront d'Eutelsat. Bercy souligne aussi que le dispositif de contrôle des investissements étrangers permettra d'assurer une « bonne protection des intérêts français ».
Bercy vante la « pertinence économique » du deal
Aux yeux de l'exécutif, le rachat de OneWeb doit surtout permettre à Eutelsat d'être présent sur « le marché en croissance » des constellations de satellites télécoms. « Il y a une vraie pertinence économique », renchérit Bercy. D'après le ministère, Eutelsat risquait d'aller dans le mur, dans les années à venir, en campant sur son business des satellites géostationnaires, dont l'activité est au mieux « stagnante ». Bref, selon Bercy, la constellation OneWeb lui offre un avenir, des perspectives de croissance, dans un environnement ultra-concurrentiel et où « le marché se consolide ».
Outre le fait que le gouvernement britannique disposera d'une participation de 11% dans le nouvel ensemble, le fait que Londres conserve ses « droits spéciaux » a ému plusieurs observateurs. D'après le Financial Times, ces droits comprennent « un droit de veto sur certains clients jugés indésirables pour des raisons de sécurité nationale, ainsi qu'un droit de regard sur la chaîne d'approvisionnement et les décisions de lancement ». Interrogé à ce sujet, Bercy souligne que ces droits spéciaux ne concerneront que les activités de OneWeb et de sa constellation, mais pas celles d'Eutelsat.
Constellation européenne : « Eutelsat aura sa place »
Cette fusion ne risque-t-elle pas, également, de nuire à la filière spatiale française? Il faut dire qu'Eutelsat fait fabriquer ses satellites à Airbus ou Thales Alenia Space, et compte sur Ariane pour plus de la moitié de ses lancements... Rassurant, Bercy assure que « la politique d'achat d'Eutelsat n'a pas vocation à changer avec cette opération ». Enfin, Eutelsat pourra bien candidater au projet de constellation souveraine de l'Union européenne. « Eutelsat aura sa place », affirme le ministère. Même si « l'entreprise devra présenter un schéma protecteur pour ce projet souverain ».
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