Ils s'appellent TPMG-Energie, France Réseaux, Fiber Fibre, Constel, DLF Réseaux ou encore SARL Jalouzot. Leurs noms sont méconnus du grand public. Et pourtant, ils sont au cœur du grand chantier de déploiement de la fibre, comme de l'entretien du réseau cuivre, utilisé pour l'ADSL. Ce sont leurs salariés qui érigent des poteaux pour étendre les réseaux, enfouissent les câbles, ou sont en charge du raccordement des abonnés. Mais leur activité est, selon eux, menacée. Leur préoccupation ? Les nouveaux prix pratiqués par Orange, le leader français des télécoms.
Pour l'entretien des réseaux, la maintenance et le raccordement des abonnés, Orange a proposé un nouveau contrat, baptisé RC Centric, à ses sous-traitants. Celui-ci est opérationnel depuis le 1er avril. L'ennui, c'est que les prix fixés par l'opérateur ont baissé de manière significative, jugent TPMG-Energie, France réseaux, Fiber Fibre ou Constel, DLF Réseaux et SARL Jalouzot. Eux, qui travaillent pour les sous-traitants d'Orange, affirment pâtir en bout de chaîne de ces nouveaux tarifs. A leurs yeux, cette situation plombe leur filière. Voilà pourquoi ces acteurs ont décidé, il y a quelques jours, de se regrouper dans une association, baptisée France Sous-Traitance. Celle-ci affirme avoir déjà « fédéré près de 80 entreprises dans toute la France ».
« Nous ne voulons plus subir »
Dans un message posté sur LinkedIn ce vendredi, l'association tire à boulet rouge sur RC Centric. Le contrat est perçu comme « un coup de massue », les obligeant « à travailler pour des majors à prix réduits ».
« Aujourd'hui notre filière, nos emplois en proximité sont mis en danger avec des prix toujours plus bas, des objectifs de qualité, de sécurité toujours plus haut, des délais de paiement très longs et des mécanismes de pénalités sur les contrats qui appauvrissent nos entreprises, fusille-t-elle. Nous ne voulons plus subir. Nous ne pouvons pas accepter la mise à mort de notre profession. Nous défendrons notre profession, car imaginer toujours plus de qualité et de sécurité en payant, toujours moins et en imposant plus est une adéquation, un bon sens qui ne fonctionne pas ! »
Ces sous-traitants sont dans une position délicate. En tant que « sous-traitants de sous-traitants » - ou de « rang 2 » comme on les appelle -, ils n'ont pas de relation directe avec Orange. Mais leur activité est mécaniquement impactée par les nouvelles conditions contractuelles et tarifaires de l'opérateur historique vis-à-vis des « rang 1 ». D'après un procès-verbal auquel La Tribune a eu accès, la première AG de France Sous-Traitance, ce 1er avril, a été l'occasion d'un large débat sur RC Centric, et sur la possibilité d'engager « des actions de blocage ». « Le blocage n'est pas à l'ordre du jour », est-il toutefois précisé. Mais ces questionnements démontrent à quel point le sujet est sensible. Contactée par La Tribune, France Sous-traitance n'a répondu, jusqu'à présent, à nos sollicitations.
« On nous demande un travail plus exigeant »
La baisse de prix pratiquée par Orange serait « drastique, de l'ordre de 10% », estime Alain Tomas, le président du conseil de surveillance de Scopelec, un gros sous-traitant d'Orange, de rang 1, par ailleurs en conflit avec l'opérateur depuis la perte de gros contrats. « Le problème, c'est qu'on nous demande en plus un travail de plus en plus exigeant, avec davantage de contraintes », poursuit-il. Ces contraintes portent notamment sur les nombreuses et fortes pénalités financières appliquées en cas de manquement.
Interrogé par La Tribune, Orange affirme que, dans le cadre de RC Centric, « le prix moyen des interventions reste stable », mais avec des différences selon les marchés. Ainsi, sur le réseau cuivre, « le prix des interventions a été revu à la hausse afin de préserver les compétences et la qualité des travaux », précise l'opérateur. En revanche, le prix de certaines interventions sur le réseau de fibre a été « ajusté à la baisse, en raison d'une amélioration des process et de l'efficacité des techniciens ». Concernant les pénalités appliquées en cas de défaillance, Orange « ne peut pas confirmer leur augmentation ». L'opérateur souligne, en outre, qu'il « ne maîtrise pas les conditions que les sous-traitants de rang 1 appliquent aux rangs 2 ». Il ajoute que RC Centric a été façonné pour améliorer la qualité des interventions sur les réseaux « au bénéfice du client final ».
De nombreuses malfaçons sur le chantier de la fibre
Il faut dire que depuis des mois, de nombreuses malfaçons sont pointées du doigt concernant le chantier du déploiement de la fibre. Il y a quelques jours, plusieurs collectivités ont encore pesté sur l'état des réseaux, leur entretien et le raccordement des abonnés, notamment dans le Doubs, l'Anjou, la Charente, l'Essonne, la Haute-Garonne, la Manche ou encore la Sarthe. Dans une lettre à Orange et ses rivaux SFR, Bouygues Telecom et Free, elles évoquent « des réseaux quotidiennement dégradés », avec des « portes d'armoires techniques forcées ou arrachées », des « boîtiers de raccordement laissés ouverts sous la pluie », des « clients déconnectés », ou encore des « malfaçons chez les abonnés ». La fronde de France Sous-Traitance constitue un nuage noir supplémentaire sur le grand chantier de la fibre, qui, jusqu'à maintenant, était présenté comme un grand succès par les opérateurs et le gouvernement.
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