Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine sont allées crescendo ces derniers temps. Les deux superpuissances sont aujourd'hui engagées dans une bataille commerciale et technologique, visant à asseoir leur leadership dans les années à venir. Aux yeux de Washington et de nombreux pays européens, la volonté de la Chine d'étendre sa sphère d'influence et sa domination économique à travers son programme « Made in China 2025 » et le développement des « nouvelles routes de la soie » constitue une sérieuse menace. Depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le pays de l'Oncle Sam a multiplié les piques à l'égard de l'Empire du Milieu. Huawei, le champion chinois des smartphones et de la 5G, en a particulièrement fait les frais, et a été très durement sanctionné par Washington.
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Le groupe de Shenzhen a d'abord été banni du marché américain de la 5G. L'administration américaine a justifié cette éviction en arguant que les équipements du groupe chinois, accusé d'être à la botte du pouvoir central, pourraient servir à espionner les communications pour le compte de Pékin. Ce que Huawei a toujours nié. Mais Washington ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Les Etats-Unis ont ensuite tout fait pour convaincre les Européens - allant jusqu'à menacer le Royaume-Uni et l'Allemagne de cesser leurs collaborations dans le renseignement - de chasser à leur tour le géant chinois. Dans ce contexte électrique, de nombreux pays européens, dont la France, le Royaume-Uni, la Suède, et vraisemblablement bientôt l'Allemagne, ont choisi de mettre Huawei sur la touche en matière de 5G.
Embargo technologique
En parallèle, Huawei a écopé d'importantes sanctions. Il doit désormais composer avec un embargo technologique américain. Celui-ci le prive des services de Google pour ses smartphones, et l'empêche de s'approvisionner en précieux semi-conducteurs « made in USA ». Et c'est sans compter sur l'arrestation de Meng Wanzhou, la directrice financière de Huawei, fin 2018. La dirigeante, qui n'est autre que la fille de Ren Zhengfei, le fondateur du groupe chinois, est soupçonnée de complicité de fraude pour avoir contourner des sanctions américaines en Iran. Son arrestation au Canada, sur demande des Etats-Unis, a provoqué l'ire des autorités chinoises.
L'arrivée prochaine de Joe Biden à la Maison-Blanche va-t-elle accoucher d'une accalmie dans cette bataille entre les Etats-Unis et la Chine ? Huawei peut-il espérer un assouplissement des sanctions américaines qui menacent ses rêves de grandeur et d'expansion à l'international ? Pas sûr. Du tout même. C'est du moins ce qu'estime Julien Nocetti, chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri) et directeur de la chaire Gouvernance du risque cyber à Rennes School of Business. Selon lui, « les sanctions américaines à l'égard de Huawei perdureront car le problème de la Chine et de sa puissance technologique demeure ».
Sous Trump, un ton « très décomplexé » vis-à-vis de la Chine
En revanche, le ton employé par la Maison Blanche et ses diplomates devraient évoluer. « Il n'y aura sans doute pas de surenchère verbale » comme sous l'ère de Donald Trump, juge julien Nocetti. Trump n'hésitait pas à tancer de manière frontale la Chine et Huawei. Lors d'une interview sur Fox News, cet été, il a qualifié le groupe chinois d'« espion ». « Vous avez des puces électroniques, des choses que vous ne pouvez même pas voir, a-t-il canardé. [...] Ils espionnent. »
« Avec Trump, on était quand même dans une tendance au repli, au dénigrement du multilatéralisme, en utilisant un ton très décomplexé vis à vis de la Chine », constate Julien Nocetti. D'après lui, « cela n'avait pas forcément contribué à asseoir la popularité des positions américaines, notamment vis-à-vis de ses alliés européens ». Selon Julien Nocetti, si l'administration américaine devait se montrer plus diplomate à l'égard du Vieux Continent, cela pourrait donc, au contraire, desservir Huawei...
L'administration Obama était déjà méfiante envers Huawei
Les restrictions des Etats-Unis visant à empêcher Huawei de s'approvisionner en semi-conducteurs américains pourraient toutefois faire l'objet de certaines concessions. « Ces restrictions ont impacté, à des degrés divers, de nombreux acteurs aux Etats-Unis, comme Qualcomm ou Apple », souligne Julien Nocetti. Joe Biden pourrait ainsi, sur ce front, lever le pied pour préserver les intérêts de la tech américaine.
Quoi qu'il en soit, il ne serait guère surprenant que le prochain président des Etats-Unis conserve une politique offensive vis-à-vis de la Chine et de Huawei. Sous Barack Obama, où Joe Biden était vice-président, le pays de l'Oncle Sam était déjà particulièrement méfiant à l'égard de l'Empire du Milieu et du groupe chinois. En 2013, par exemple, Washington a fait échoué le déploiement d'un projet de câble sous-marin transatlantique entre New York et Londres fabriqué par Huawei. A l'époque, le gouvernement Obama redoutait déjà que le groupe de Shenzhen utilise ses installations pour espionner les communications.
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