Emmanuel Macron a enfin levé le voile sur le successeur de Sébastien Soriano à la présidence de l'Arcep, le régulateur des télécoms. Lundi soir, l'Elysée a précisé, dans un communiqué, qu'il souhaitait que Laure de La Raudière, députée d'Eur-et-Loir (Agir) prenne les rênes de l'institution. « Le président de la République envisage, sur proposition du Premier ministre, de nommer Mme Laure de La Raudière en qualité de présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) », affirme la missive. La députée doit encore, après auditions, recevoir l'aval de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale - dont elle est membre -, ainsi que de celle du Sénat.
Ces dernières années, Laure de La Raudière s'est taillée une réputation d'excellente spécialiste du numérique et des télécoms. A 55 ans, elle s'est fendue de moult rapports sur ces sujets, travaillant longtemps main dans la main avec sa consoeur socialiste Corinne Erhel (décédée au printemps 2017), et depuis avec le député Eric Bothorel (En Marche).
Une nomination « aberrante » pour Xavier Niel
La proposition de Laure de La Raudière ne fera, quoi qu'il en soit, pas que des heureux. Xavier Niel, en particulier, a déjà dit tout le mal qu'il pensait de cette nomination. « Ce serait aberrant pour la concurrence », a déclaré le fondateur de Free ce lundi sur BFM-Business, avant la communication de L'Elysée. A ses yeux, le fait que Laure de La Raudière a travaillé, par le passé, chez France Telecom-Orange entre 1990 et 2001, constitue un sérieux problème. « Nommer à la tête d'une autorité indépendante quelqu'un qui a bossé 15 ans chez Orange, cela me paraît assez surprenant », a renchéri Xavier Niel. Cela ne peut être qu'une rumeur, je ne peux pas supposer que cela soit juste. Nous avons besoin d'un homme ou d'une femme qui connaisse aussi bien les télécoms que Laure de La Raudière, mais qui n'ait pas travaillé dans le secteur. » Pas de quoi, cependant, pousser Emmanuel Macron à revenir sur son choix.
Tendance libérale et pro-entreprises, la députée de centre droit siège depuis 2007 à l'Assemblée. Diplômée de Normale Sup' et de Télécom Paris, Laure de la Raudière a commencé sa carrière chez France Télécom, avant de rejoindre une start-up, puis de créer son entreprise de conseil en réseaux. Elle s'engage ensuite durablement en politique en 2007, en s'imposant aux législatives dans la 3e circonscription d'Eure-et-Loir, sous la bannière de l'UMP, devenue LR depuis. Pour la présidentielle de 2017, elle participe activement à la campagne infructueuse de Bruno Le Maire lors de la primaire de droite, remportée par François Fillon.
De nombreux défis
Comme d'autres, elle claquera la porte au moment de l'affaire Fillon puis rejoindra en 2017 un groupe parlementaire de centre droit conciliant avec la majorité présidentielle. Elle se présente sans succès à la présidence de l'Assemblée, obtenant 34 voix, contre 353 pour le candidat LREM François de Rugy. Fin 2017, elle prend part à la fondation du parti centriste Agir avec plusieurs élus dont le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester. Au Palais Bourbon, la députée, membre de la commission des Affaires économiques, a participé à la création d'un dixième groupe parlementaire, Agir Ensemble, allié de la majorité et composé de 17 députés, dont des ex-LR ou ex-LREM.
A la tête de l'Arcep, les défis de Laure de La Raudière seront nombreux. Réguler le marché des télécoms n'est pas simple. C'est peu dire. Le marché reste hyperconcurrentiel, et Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free ne se font jamais de cadeaux. Dans l'Internet fixe, l'Arcep devra veiller à ce que le plan France Très haut débit, qui vise à apporter une connexion ultra-rapide à tous les Français d'ici 2022, et la fibre pour tous en 2025, soit respecté. Un autre dossier, crucial, sera d'organiser la transition de l'ADSL, sur le vieux réseau cuivré, vers la fibre. Le sujet est extrêmement sensible. Il oppose Orange, pour qui gère le réseau cuivre, aux opérateurs alternatifs, qui souhaitent que le prix qu'ils payent pour accéder à cette infrastructure baisse. Dans le mobile, le déploiement et la commercialisation de la 5G sera au centre de toutes les préoccupations. Il en va de même pour un autre dossier chaud : la couverture des zones blanches en 4G, où le mobile ne passe toujours pas. Enfin, l'Arcep sera attendu au tournant sur la régulation du marché des entreprises. Encore largement dominé par Orange, et dans une moindre mesure par SFR, ce segment intéresse désormais Bouygues Telecom et Free, qui veulent doper leurs chiffres d'affaires en connectant les PME.
En parallèle, Laure de La Raudière devra composer avec l'activisme et l'agressivité des grands opérateurs, dirigés par des personnalités aussi influentes que Patrick Drahi, Martin Bouygues, Xavier Niel et Stéphane Richard, lesquelles n'hésitent pas à attaquer l'Arcep lorsqu'une décision leur est défavorable. Sébastien Soriano, son prédécesseur, a fait le choix de s'exprimer régulièrement dans les médias pour peser dans les débats. Laure de La Raudière devra trouver sa manière de faire. Un sacré défi.
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