La France se lance enfin dans la course à la 5G

Le régulateur des télécoms a donné le coup d’envoi de l’attribution des fréquences aux opérateurs prévue au printemps 2020. Partout dans le monde, le déploiement de cette technologie a une portée stratégique.
Pierre Manière
En permettant de connecter à la fois les hommes, les produits et les services, la 5G représente un saut technologique sans précédent.
En permettant de connecter à la fois les hommes, les produits et les services, la 5G représente un saut technologique sans précédent. (Crédits : Kai Pfaffenbach)

Ce n'est pas trop tôt ! Après des mois de difficiles négociations, la France s'est enfin lancée dans la course à la 5G. En fin de semaine dernière, l'Arcep, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes, a publié les modalités d'attribution des fréquences destinées à cette nouvelle génération de communication mobile aux opérateurs. La vente de ces actifs devrait avoir lieu au printemps prochain. Dans la foulée, les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free commenceront à déployer leurs nouvelles antennes à travers le pays, avec un objectif d'au moins deux villes couvertes par opérateur d'ici à la fin 2020.

Le cahier des charges de cette vente de fréquences, qui comprendra des enchères financières, a été laborieux à définir. D'où son retard : sa publication était initialement prévue pour le mois d'octobre, pour une attribution des fréquences début 2020. Leur vente va constituer un moyen pour l'État d'encaisser un gros chèque, toujours bienvenu en ces temps de disette budgétaire. Les opérateurs, quant à eux, se sont mobilisés pour demander au gouvernement de ne pas se montrer trop gourmand, arguant qu'un euro investi dans les fréquences ne l'est pas dans le déploiement des réseaux, et donc dans la couverture du pays. Dans le cadre du processus d'attribution, l'État a finalement fixé un prix de réserve à 2,17 milliards d'euros.

Risque d'emprise d'Orange et de SFR

Ce tarif plancher est jugé trop élevé par les opérateurs. « Nous sommes dans une équation inédite avec des opérateurs qui n'ont jamais eu autant d'obligations d'investissement [dans les territoires les moins peuplés et les moins rentables, ndlr] et un montant potentiellement engagé dans les fréquences aussi important », déplore Arthur Dreyfuss, le président de la Fédération française des télécoms (FFTélécoms), par ailleurs secrétaire général de SFR. « Cette équation n'est pas cohérente avec ce qui a été avancé ces derniers mois par le gouvernement », dézingue-t-il. De son côté, l'Arcep, par la voix de son président, Sébastien Soriano, estimait qu'un montant de 1,5 milliard d'euros était « un grand maximum » à ne pas dépasser. Et ce pour éviter un scénario où Orange et SFR, aux poches plus profondes que celles de Free et Bouygues Telecom, ne remportent beaucoup plus de fréquences que leurs rivaux, et soient in fine en mesure de proposer un bien meilleur service 5G. Il n'a, visiblement, pas été entendu. Dans un entretien aux Échos, Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, maintient que l'État n'a pas mis le curseur trop haut. Ce prix plancher est « raisonnable. Nous ne maximisons pas le montant des enchères », a-t-elle jugé.

Quoi qu'il en soit, la France sera le dernier des grands pays de l'Union européenne à octroyer ses fréquences 5G. L'Italie et l'Allemagne ont depuis longtemps attribué les leurs. Les opérateurs transalpins et d'outre-Rhin ont dû casser leur tirelire, déboursant dans chacun des deux pays 6,5 milliards d'euros. En parallèle de l'Europe, les États-Unis et la Chine mettent les bouchées doubles pour déployer la 5G. Dans l'empire du Milieu, la 5G vient d'être commercialisée dans les 50 principales villes du pays. Et les opérateurs souhaitent en couvrir pas moins de 300 d'ici à la fin 2020.

Une technologie calibrée pour les entreprises

Pourquoi la 5G fait-elle l'objet d'une course de vitesse aussi effrénée ? Pourquoi attise-t-elle autant les convoitises et est-elle jugée aussi stratégique aux yeux des gouvernements du monde entier ? Parce que cette technologie est considérée comme cruciale pour la compétitivité des pays développés. À la différence des précédentes générations de communication mobile, la 5G ne concernera pas que le grand public. Elle est considérée comme l'un des futurs piliers de l'économie dans les prochaines années. De fait, elle est calibrée, développée pour les professionnels et les industriels de tous les secteurs d'activité. En permettant de connecter à la fois les hommes, les produits et les services (via différents capteurs), les lieux de vente (via des caméras intelligentes en boutiques), les actifs (comme les machines-outils et les véhicules) et autres infrastructures (les réseaux d'électricité, ferrés ou routiers), cette technologie est perçue comme un puissant catalyseur de la numérisation des entreprises. Lesquelles pourront s'en saisir pour doper leur activité, faire des économies ou développer de nouveaux services.

Aux États-Unis, cette perspective ne fait guère de doute. De nombreux observateurs se réfèrent au passé. Pour beaucoup, c'est la mise à disposition rapide de la 4G qui a permis aux géants du Net, les fameux Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple), de connaître un essor fulgurant et d'asseoir leur domination sur tout le globe. Il y a tout juste un an, Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, n'y allait pas par quatre chemins. Dans nos colonnes, il estimait que la 5G serait « un saut technologique. Il est certain que ce sera un facteur de compétitivité essentiel pour l'attractivité des capitaux, des talents. » C'est ce qui explique pourquoi les États-Unis, la Chine, et dans une moindre mesure l'Europe, cherchent à bénéficier au plus vite, et en premier, de cette technologie. C'est aussi une des raisons qui expliquent les sanctions américaines à l'égard de Huawei.

Mettre un frein à la Chine

L'équipementier télécom chinois est leader dans ce domaine, et l'un des fers de lance pour permettre à l'empire du Milieu de profiter de cette technologie avant les Américains. Soupçonné d'espionnage pour le compte de Pékin par Washington, Huawei a été empêché de déployer ses infrastructures 5G de l'autre côté de l'Atlantique. Au printemps dernier, Donald Trump a même signé un décret pour interdire au groupe de Shenzhen de se fournir en technologies américaines. Au-delà des raisons sécuritaires, cette attaque est largement perçue comme un moyen, pour la Maison-Blanche, de freiner les ambitions chinoises dans la 5G, perçues comme une menace pour la domination économique du pays de l'Oncle Sam. Au regard des enjeux, le bras de fer entre les deux superpuissances est loin d'être terminé.

Pierre Manière

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Commentaires 3
à écrit le 02/12/2019 à 15:41
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la course a la 5g est lancee pour que l'etat recupere plein d'argent pour faire du social il etait temps, l'argent commence a manquer, hein?

le 02/12/2019 à 18:59
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La France est plutôt en retard en Europe pour le lancement de la 5G. Donc aucune précipitation pour récupérer de l'argent.

à écrit le 02/12/2019 à 14:57
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Des micros et caméras partout sur nos produits de consommation pour surveiller chacun de nos faits et gestes, on se demande comment et surtout qui peut regarder arriver ça avec ferveur les gars hein... Big brother est là depuis longtemps, gloire ...

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