Les négociations sur l’avenir de Scopelec et de ses salariés se crispent

Après un revers judiciaire concernant son conflit avec Orange, Scopelec vient d’annoncer un PSE de 800 emplois. Dans un communiqué au vitriol, le groupe accuse l’Etat de ne pas le soutenir, et de rouler pour le leader français des télécoms dont il est l’actionnaire de référence. Ces piques suscitent un profond agacement à Bercy, qui y voit une instrumentalisation du calendrier politique, à deux jours du second tour de la présidentielle.
Pierre Manière
Des salariés de Scopelec ont manifesté à Lyon, le 28 mars dernier.
Des salariés de Scopelec ont manifesté à Lyon, le 28 mars dernier. (Crédits : Reuters)

La tension est désormais palpable. Ce mercredi, Scopelec a annoncé un PSE concernant 800 emplois. Cette décision intervient quelques jours après que ce gros sous-traitant d'Orange a été débouté de ses demandes par la justice dans son conflit avec l'opérateur historique. Scopelec, la première coopérative de France avec 3.600 employés, est aujourd'hui en grande difficulté après la perte de gros contrats liés au déploiement de la fibre pour le compte du géant français des télécoms. Placé en procédure de sauvegarde le mois dernier, le groupe estime qu'Orange ne l'a pas prévenu suffisamment tôt de la non-reconduction de ses contrats. Il argue, en outre, que les griefs de l'opérateur concernant la qualité de ses prestations ne sont pas fondées. Scopelec misait alors sur une décision de justice favorable pour prolonger ses contrats avec Orange. Mais le groupe n'a pas obtenu gain de cause.

Quoi qu'il en soit, la perte de ses contrats avec Orange menace aujourd'hui son avenir. Quelque 1.500 emplois sont directement concernés. Depuis des mois, la direction de Scopelec, Orange et Bercy tentent de trouver une solution acceptable, visant, notamment, à réduire l'impact social. Mais les négociations se crispent, et deviennent électriques. Pour annoncer son PSE, Scopelec s'est fendu, ce mercredi, d'un communiqué au vitriol. Dans cette missive, sa direction « condamne fermement l'absence de médiation efficace de l'Etat », premier actionnaire de l'opérateur historique. Ces piques visent, en particulier, les services d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre de l'Industrie, accusés de rouler pour Orange. « Le ministère de l'Industrie assume ostensiblement une prise de position partiale pour la défense des intérêts d'Orange », fusille la direction de Scopelec, jugeant cette situation « parfaitement injustifiable ».

700 employés ont déjà quitté l'entreprise

A Bercy, on s'étrangle. Ces critiques, rendues publiques juste avant le débat télévisé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, à quelques jours du second tour de la présidentielle, ne passent pas. A La Tribune, le ministère juge que cette sortie vise à profiter de l'échéance électorale pour mettre la pression sur le gouvernement, et tenter d'arracher un accord plus favorable. « Il ne nous paraît pas souhaitable qu'il y ait une instrumentalisation, par l'une ou l'autre des partis concernés, du calendrier politique », indique sobrement Bercy.

Le ministère rappelle que ses services planchent depuis des mois pour trouver un compromis entre Scopelec et Orange pour préserver l'emploi comme l'avenir du sous-traitant. A ce jour, quelque 700 employés de Scopelec ont déjà quitté l'entreprise. « On estime qu'environ les deux tiers sont partis vers d'autres sous-traitants d'Orange », qui ont récupéré les contrats perdus par la coopérative, affirme Bercy. Des accords ont notamment été trouvés pour reclasser des salariés en Occitanie et en Bourgogne-Franche-Comté.

D'autres recrutements paraissent possible

L'objectif est d'aller plus loin. Orange estimait au début du mois, selon nos informations, qu'un total de « 700 à 950 recrutements de salariés Scopelec » pouvaient être réalisés chez d'autres sous-traitants. L'opérateur a notamment identifié « un potentiel de 150 [nouveaux] recrutements, principalement sur des zones où Scopelec identifie des sureffectifs ». Ceux-ci s'ajouteraient « aux 217 réaffectations internes prévues dans les propres projections de Scopelec », précisait l'opérateur.

En parallèle, Bercy s'est aussi mobilisé pour qu'Orange « accompagne » Scopelec, via un surcroît d'activité, afin de lui permettre de rebondir. L'opérateur propose aujourd'hui un accompagnement de 18 mois à compter de la fin de ses contrats, au 1er avril, d'un montant total de 43 millions d'euros. « Au départ, Orange était sur un accompagnement de 9 mois, explique le ministère. C'est vraiment Bercy qui a obtenu ces 18 mois. » Sur ce front, les échanges se poursuivent. « Nous pensons que la copie peut être encore améliorée, poursuit Bercy. C'est ce qu'on demande à Orange. » Interrogé à ce sujet, l'opérateur ne fait pas de commentaire.

Scopelec balaye les propositions d'Orange

L'autre volet sur lequel Bercy s'active concerne le paiement des sous-traitants de Scopelec, que l'entreprise ne paye plus depuis son placement en procédure de sauvegarde. Orange a commencé à régler directement certaines factures. Bercy affirme, de son côté, vouloir accélérer le processus.

Il n'empêche que les propositions d'Orange sont pour l'instant boudées par Scopelec. Sa direction les juge « très insuffisantes » pour « assurer la pérennité du groupe ». Elle souhaite surtout qu'Orange, qu'elle estime responsable de ses problèmes, participe d'abord au financement d'une restructuration, dont le coût avoisinerait entre 50 et 60 millions d'euros. Ce que l'opérateur refuse catégoriquement. « Ce n'est pas au client de payer la restructuration d'une entreprise », a récemment martelé Fabienne Dulac, la patronne d'Orange France, lors d'une conférence de presse à Paris.

Le gouvernement refuse ici de tordre le bras à l'opérateur. Bercy estime que ce n'est pas son rôle. Du moins tant que la justice ne constate pas d'irrégularités concernant la perte des contrats de Scopelec. L'exécutif réaffirme que sa priorité est d'éviter que les salariés perdent leur emploi. « Mais à quoi bon demander à Orange d'assurer un accompagnement pendant 18 mois si c'est pour qu'à la fin, de toute façon, les salariés soient licenciés ?, s'agace-t-on à Bercy. Ça n'a aucun sens. » Les prochaines négociations s'annoncent, dans ce contexte, pour le moins difficiles.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 22/04/2022 à 13:46
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y a aucune crispation; il faut que les salaries demandent a leurs actionnaires ( eux, donc), de faire une augmentation de capital, ca financerait des augmentations de salaires et des baisses de temps de travail, et de tres fortes indemnites de licen...

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