Télécoms : Huawei de plus en plus fragilisé en Europe

Confronté à une exclusion, à terme, du marché de la 5G au Royaume-Uni, et à de fortes limitations en France qui pourraient avoir le même effet, le géant chinois des télécoms n’a jamais été autant en difficulté sur le Vieux Continent.
Pierre Manière
Ce mardi, le Royaume-Uni a décidé d’exclure Huawei du pays.
Ce mardi, le Royaume-Uni a décidé d’exclure Huawei du pays. (Crédits : Aly Song)

L'été dernier, Huawei n'était pas en odeur de sainteté en Europe. Confronté à des accusations d'espionnage par le pays de l'Oncle Sam, ce qu'il a toujours nié, le géant chinois des télécoms suscitait déjà la méfiance d'une bonne partie du Vieux Continent. Le groupe de Shenzhen a donc accentué ses efforts de lobbying dans certains pays clés, dont le Royaume-Uni et la France. Son état-major a dépêché de nouveaux responsables des affaires publiques à Paris et à Londres. Leur mission : convaincre les gouvernements britannique et français que Huawei ne présente aucun risque de sécurité, et décrocher de bonnes parts de marchés dans le déploiements des réseaux 5G. Dans l'Hexagone, c'est Linda Han qui a pris la direction des affaires publiques. A La Tribune, elle arguait qu'« aucune preuve n'a jamais été apportée sur les accusations d'espionnage », et indiquait que le groupe souhaitait investir massivement dans le pays.

Ce n'est pas un hasard si cette initiative de Huawei visait notamment la France et le Royaume-Uni. Le groupe chinois considère depuis longtemps ces pays comme stratégiques. Outre la taille importante de leurs marchés, si Paris et Londres disent « oui » à Huawei, alors il sera plus difficile pour les autres pays européens de justifier une exclusion ou un bannissement. A l'inverse, s'ils ferment la porte au dragon chinois, d'autres pays européens pourraient être incités à se mettre dans leur roue... Ce qui pourrait accoucher d'un dévastateur effet domino pour Huawei. Or c'est ce scénario, tant redouté par le groupe de Shenzhen, qui semble aujourd'hui se mettre en place.

Pression américaine

Ce mardi, le Royaume-Uni a décidé d'exclure Huawei du pays. Concrètement, les opérateurs n'auront plus le droit de se fournir auprès de lui en équipements 5G dès la fin 2020. Les infrastructures existantes du groupe chinois, elles, devront toutes être retirées d'ici à 2027. Oliver Dowden, le ministre de la Culture et du Numérique a clairement justifié ce choix pour des raisons de sécurité. « Le meilleur moyen de sécuriser notre réseau est que les opérateurs cessent d'utiliser les équipements Huawei pour construire le futur réseau 5G britannique », a-t-il déclaré.

C'est un sacré retournement de situation. En janvier dernier, Londres avait pourtant autorisé Huawei à participer au déploiement de la 5G, moyennant certaines limitations. Mais cette décision a suscité l'ire des Etats-Unis et d'une partie de la classe politique britannique, qui ont mis une pression monstre sur le gouvernement de Boris Johnson pour le pousser à faire machine arrière.

Sans surprise, la Maison-Blanche a sablé le champagne après la décision britannique. Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, a annoncé qu'il se rendra lundi prochain à Londres, en faisant, au passage, un pied de nez à Pékin. « Je suis sûr que le Parti communiste chinois et les menaces qu'il représente pour les peuples libres autour du monde seront en tête de l'agenda », a-t-il déclaré. Pour Huawei et la Chine, en revanche, c'est la douche froide. Ce mercredi, Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a jugé que Londres s'était fait « berné » par les Américains. D'après elle, cette décision ne sera pas sans conséquence. « [Pékin] prendra une série de mesures pour défendre les droits et les intérêts légitimes des entreprises chinoises, a insisté la porte-parole. Il y a un prix à payer. »

Quoi qu'il en soit, les ambitions de Huawei au Royaume-Uni s'évaporent. Alors qu'en parallèle, elles s'assombrissent très sérieusement de l'autre côté de la Manche. Autre pays clé pour le géant chinois, la France a fait le choix de limiter l'empreinte de Huawei dans les réseaux 5G. Ces restrictions, présentées comme telles, ont vraisemblablement un objectif : pousser progressivement, sur plusieurs années, l'équipementier hors du pays. Ce qui permettra à Bouygues Telecom et SFR, qui devront démonter des équipements Huawei, d'étaler ces coûteux démantèlement dans le temps.

Parmi les grands pays européens, seule l'Allemagne n'a pas encore tranché sur le sort de Huawei. Si certains souhaitent l'évincer pour des raison de sécurité, d'autres s'inquiètent des conséquences commerciales. Berlin redoute, en particulier, des mesures de rétorsion à l'égard de sa puissante industrie automobile, qui écoule chaque année des millions de véhicules dans l'empire du Milieu... Pour Huawei, une exclusion de l'Europe constituerait un gros revers économique. Confronté à de lourdes sanctions américaines, le groupe joue aujourd'hui sa « survie », comme l'a souligné Guo Ping, son actuel président en exercice, en mai dernier.

Pierre Manière

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Commentaires 10
à écrit le 17/07/2020 à 21:03
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S'ils veulent investir, qu'ils rachètent Alcatel, sinon construire à côté et récupérer du personnel compétant qualifié et motivé et devenir européens pour le commerce.

à écrit le 17/07/2020 à 16:07
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nous sommes aussi capable pour la 5G nous avions un fleuron qui a été laminé par nos technocrates (Alcatel) nous avions l exclu du TGV (vendu avec sa techno...) etc...reprenons notre souveraineté et montrons de quoi nous somme capable ! Oui en chine ...

à écrit le 17/07/2020 à 15:00
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Mais qu'attend dc l'UE pour réagir et sauvegarder le peu qui lui reste en firmes de production de matériel telecom ? On sait pertinemment qu'à l'appui de leur immense marché intérieur protégé, les chinois pratiquent un dumping systématique pour s'im...

à écrit le 16/07/2020 à 22:25
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Il ne faut pas oublier que la Chine n'est pas un pays démocratique, il suffit de voir ce qu'elle fait à Hong Kong. On semble l'oublier alors que l'on cherche des poux dans la tête France sur sa démocratie, la Chine est et reste un pays très dangere...

le 17/07/2020 à 10:32
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Mais pendant qu'on y est est ce que snoden est chinois? La CIA une entité chinoise? Les problèmes de assonge c'est avec les chinois? Je ne suis ni pros occidentaux ni chinois ni etc mais plus hypocrite qu'un occidental.je cherche encore la démocrati...

le 18/07/2020 à 10:05
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"Il ne faut pas oublier que la Chine n'est pas un pays démocratique" Ça n'a pas dérangé particulièrement nos patrons qui ont délocalisé les entreprises et notre savoir faire la-bas pour réduire les coûts et s'augmenter leur marge financière.

à écrit le 16/07/2020 à 19:47
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La 5G il paraît que c'est dangereux. C'est vrai qu'à force d'empiler les fréquences, les antennes...les Facebook, les Tweeter, les Instagram et autres "couillonades" liées au Monde de l'Internet, un danger de plus n'en est qu'un de plus dans l'abîme...

à écrit le 16/07/2020 à 19:36
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Venant d'un des pays membre du réseau échelon ...

à écrit le 16/07/2020 à 16:51
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La 5G étant une invention financière et donc bidon, inutile et dangereuse pour les consommateurs les chinois devraient se la jouer à la russe et envoyer des milliers de hackers informer les peuples des états unis et l'europe que c'est dangereux et in...

le 17/07/2020 à 13:18
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@ multipseudos: Merci pour tout tes encouragements mais je n'en ai pas non plus besoin. signalé

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