Télécoms : le cri d’alarme de la filière de la fibre sur la rémunération des sous-traitants

A la tête d’InfraNum, la principale fédération des industriels des télécoms, Philippe Le Grand appelle les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free à « mieux payer » leurs sous-traitants en charge du déploiement de la fibre. Ces derniers s’estiment asphyxiés par des tarifs trop bas, alors que l'inflation fait exploser leurs coûts.
Pierre Manière
Pour déployer la fibre et raccorder leurs clients, les opérateurs s'appuient sur un large écosystème de sous-traitants.
Pour déployer la fibre et raccorder leurs clients, les opérateurs s'appuient sur un large écosystème de sous-traitants. (Crédits : Mégalis Bretagne)

La situation est, à leurs yeux, devenue intenable. Cela fait des mois que les sous-traitants des opérateurs télécoms, en charge de déployer la fibre et de raccorder les clients dans tout l'Hexagone, affirment avoir le couteau sous la gorge. Beaucoup, y compris les plus gros, qui comptent parfois plusieurs milliers de salariés, estiment désormais jouer leur survie. Leur préoccupation concerne les tarifs des Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. Ceux-ci sont, à les entendre, bien trop bas pour assurer leur équilibre économique, dans un contexte où ils pâtissent, en plus, d'une inflation galopante.

Les principaux acteurs de cette filière se nomment Sogetrel, Circet, Constructel, Ineo, Solutions 30, Sade, Spie ou encore Vinci. Ces entreprises travaillent avec des myriades de sous-traitants plus petits et implantés dans les territoires. Tous rechignent à se plaindre officiellement auprès des grands opérateurs, lesquels représentent une énorme part de leur chiffre d'affaires. Ce mercredi, lors d'un colloque à Toulouse, InfraNum, la plus grande fédération des industriels des télécoms, a pris la parole pour eux. Son président, Philippe Le Grand, a déclaré que ces sous-traitants étaient « en souffrance », et avaient impérativement « besoin d'être mieux payés »« Il faut que ceux qui sont en bout de chaîne puissent gagner leur vie dignement », a-t-il insisté.

Ce cri d'alarme est directement adressé aux opérateurs. Et d'abord à Orange, le géant français des télécoms et premier donneur d'ordres des sous-traitants. « Le rôle d'Orange est tout à fait particulier, a rappelé Philippe Le Grand. Si Orange tousse, c'est toute la filière qui tremble. » « Nous avons besoin de signaux forts » de l'opérateur historique, a-t-il renchéri. Lors de ce colloque, Christel Heydemann, la patronne d'Orange, a affirmé prendre la mesure du problème. « Dès le mois de juillet, nous avons pris l'initiative d'accompagner la filière de la sous-traitance en augmentant les tarifs de 2,2% pour les contrats en cours », a-t-elle précisé.

La dirigeante convient que « cela ne résout pas totalement les choses ». Mais « c'est un premier pas », a-t-elle ajouté, laissant entrevoir des mesures complémentaires. Christel Heydemann a toutefois laissé entendre que ses marges de manœuvre n'étaient pas illimitées. Elle a averti qu'Orange était lui-même confronté à « l'inflation et à la hausse des coûts ». L'opérateur doit faire face, a-t-elle aussi rappelé, à une révolution de son modèle économique, avec la perte, à moyen terme, d'importants revenus sur le marché de gros.

« Nous risquons un arrêt des déploiements »

Ministre délégué en charge du Numérique et des Télécoms, Jean-Noël Barrot a annoncé, pour sa part, la création d'un groupe de travail visant à faire le point sur le partage de la valeur au sein de la filière. Il a indiqué que des propositions verront le jour d'ici à la fin de l'année, sans donner plus de détails. L'exécutif suit le dossier de près. Et pour cause : si la filière de la sous-traitance devait s'effondrer, c'est tout le plan France Très haut débit, qui ambitionne d'apporter un Internet ultra-rapide à tous les Français à l'horizon 2025, qui serait en péril. Le ministre a également rappelé que cette question de la juste rémunération des sous-traitants n'était « pas sans lien » avec les problèmes de qualité concernant le raccordement des Français à la fibre.

Cette inquiétude est partagée par Laure de La Raudière, la présidente de l'Arcep. « Il serait délétère qu'un maillon de la chaîne de l'industrie de la fibre soit fragilisé, a affirmé la cheffe de file du régulateur des télécoms. Sinon, nous risquons un arrêt des déploiements et des raccordements. » Cela dit, Laure de La Raudière n'a pas caché qu'elle était quelque peu démunie à ce sujet. Elle a précisé que l'Arcep n'avait pas le pouvoir de modifier les contrats, de droit privé, entre les opérateurs et leurs sous-traitants. La présidente du gendarme du secteur a tout de même affirmé qu'elle comptait saisir le Médiateur des entreprises. Ce service du ministère de l'Economie et des Finances est spécialisé dans la résolution à l'amiable des différends entre les sociétés.

L'effondrement de Scopelec

Les difficultés de la filière de la sous-traitance ont éclaté au grand jour au printemps dernier. Au terme d'un appel d'offres, Orange a révisé à la baisse sa grille tarifaire pour les entreprises avec qui il travaille pour déployer la fibre et raccorder ses abonnés. Scopelec, un de ses gros sous-traitants, n'en est pas sorti indemne. L'entreprise, qui comptait alors 3.600 salariés, a perdu de gros contrats, lesquels représentaient 40% de son chiffre d'affaires global. Au terme d'un long bras de fer avec Orange, Scopelec a été placé en redressement judiciaire la semaine dernière. Tous les sous-traitants de l'opérateur historique ne se sont pas retrouvés dans une situation aussi dramatique. Mais cette affaire, largement médiatisée, a jeté une lumière crue sur les problèmes et la fragilité de la filière, qui appelle désormais à l'aide.

Lire aussiScopelec placée en redressement judiciaire et à la merci de repreneurs potentiels

Pierre Manière

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Commentaires 12
à écrit le 06/10/2022 à 21:14
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Les commerciaux du sous traitant qui ont signé le contrat ont pris leurs coms sachant que ce n'était pas rentable .Les obligeant à leur tour à sous traiter .C'est comme cela que les prix des JO sont multipliés par X ainsi que la plupart des gros trav...

à écrit le 06/10/2022 à 18:38
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A la base, s'il n'y a pas assez de connexions pour tout le monde dans une armoire, tant qu'on ne change pas l'armoire le problème ne sera pas résolu, quelle que soit la dépense

le 09/10/2022 à 19:31
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A la base il y a un gros budget de plusieurs milliards alloués par l État pour lr déploiement de la Fibre .Orange en a bien profiter je pense .Alors qui doit entretenir ces fameux lieux de raccordement de la fibre ? QUI EST RESPONSABLE de ces li...

à écrit le 06/10/2022 à 16:44
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C'est bizarre, ils doivent être schizo chez Orange. D'un côté ils disent qu'ils ont augmenté "les tarifs de 2,2% pour les contrats en cours", mais ils oublient de parler qu'ils ont, juste avant, "baissé sa grille tarifaire pour les entreprises avec q...

à écrit le 06/10/2022 à 16:38
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vous n'avez qu'à ne pas accepter des prix pareils. Si personne n'accepte, le prix d'installation augmentera. Le boulot fini est affreux, les câbles pendent partout et nos villes sont défigurées, non je ne vais pas vous plaindre.

à écrit le 06/10/2022 à 14:46
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Je suis technicien fibre en auto on nous paye 20€ l'intervention pour connecter de futur abonnés dans les 20€ tu dois te déplacer fair ton intervention et payer l'URSSAF donc net il reste pas grand chose l'intervention doit durer 10mn pas plus pour l...

le 06/10/2022 à 18:18
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C'est encore trop payé pour un pseudo-technicien probablement clandestin sans qualification qui vandalise le domicile de particuliers. Les opérateurs télécoms se fichent bien de leurs clients en rémunérant des chasseurs de prime pseudo-indépend...

à écrit le 06/10/2022 à 12:44
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Je ne comprends pas ce qui retient les dirigeants de sociétés prestataires de services notamment dans la fibre optique pour mieux payer leurs salariés? Peut être leur propre rémunération pharaonique reposant sur un système pyramidal et un recrutem...

à écrit le 06/10/2022 à 11:16
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C'est la grande tendance des grandes entreprises externaliser et sous traiter mais la méthode atteint ses limites , ici il est question de télécom mais les fournisseurs d'énergies pratiquent de même , à part encaisser les factures ils font faire le b...

le 06/10/2022 à 12:48
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Essorer les prestataires c'est une blague? Ce sont les prestataires qui essorent les entreprises par un recrutement au rabais pour favoriser l'externalisation.

à écrit le 06/10/2022 à 9:41
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Il faut demander à free de payer Avec leurs forfaits à 2 euros à 80% de marge c'est les seuls qui peuvent payer Tiens la france découvre les relations entre rentabilité et investissement Curieux

à écrit le 06/10/2022 à 7:20
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Économie de bouts de chandelles. Le raccordement est l'étape critique pour tout le monde c'est la partie qui doit être bien faite. France Telecom sur le cuivre maintenait les armoires cela avait un prix. Pour la fibre c'est pareil soit on le ...

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