Immobilier : en Normandie, "tout se vend sous le manteau"

La nouvelle quête des Franciliens vers ce que les professionnels appellent désormais les « résidences semi-principales » a asséché l’offre en Normandie où il devient très difficile de dénicher une maison avec jardin. Président de la chambre interdépartementale des notaires de l'ex Basse-Normandie, Emmanuel Porcq explique qu'il n'a pas vu de stocks de biens aussi bas en 20 ans de notariat.
Dans certaines zones, la part des habitants du grand Paris parmi les acquéreurs est grimpée jusqu'à 40%, contribuant à un affaissement du stock de maisons et d'appartements de seconde main.
Dans certaines zones, la part des habitants du grand Paris parmi les acquéreurs est grimpée jusqu'à 40%, contribuant à un affaissement du stock de maisons et d'appartements de seconde main. (Crédits : Flickr / Frédéric Bisson)

Dans la salle d'attente de l'étude d'Emmanuel Porcq, notaire dans l'arrière-pays deauvillais, les candidats à l'acquisition contemplent des murs désespérément vierges. Plus aucune annonce immobilière n'y est punaisée depuis plusieurs semaines, raconte l'hôte des lieux. « Tout se vend sous le manteau par les agents immobiliers ou les syndics. Beaucoup de biens ne vont même plus à l'affichage, ils s'échangent par le bouche-à-oreille». Également président de la chambre interdépartementale des notaires de l'ex Basse Normandie (Orne, Calvados et Manche), maître Porcq avoue son étonnement face à une situation inédite.

« On s'attendait à un tassement fin 2020 mais la demande est restée très soutenue au point que je n'ai jamais vu de stocks aussi bas en vingt ans de notariat».

Les premiers responsables de cet assèchement de l'offre sont identifiés, ils ont pour origine la couronne parisienne. Fuyant la métropole, les Franciliens se sont rués sur les maisons et les appartements anciens (entendez par là, de plus de 5 ans) du littoral et des localités petites ou moyennes. Ainsi, dans l'Eure et la Seine-Maritime, le record de ventes annuelles a été battu pour la deuxième année consécutive avec là aussi pour effet d'épuiser les stocks. « L'influence des Franciliens et la généralisation du télétravail joue beaucoup sur la dynamique des transactions », confirme Capucine Lesault, notaire dans l'Eure et porte-parole de la Chambre régionale du notariat auprès de la cour d'appel de Rouen.

Les prix montent

Dans certaines zones, la part des habitants du "Grand Paris" parmi les acquéreurs a grimpé jusqu'à 40% ! C'est le cas par exemple dans le Vexin ou le pays d'Ouche, situé entre le Nord Est de l'Orne et le Sud Ouest de l'Eure. Dans la partie Sud de la vallée de Seine, toute proche de la capitale, ils ont représenté un tiers des acheteurs.

Conséquence de cette forte demande, les prix dans « l'ancien » se sont envolés. Entre juillet 2020 et juillet 2021, ils ont augmenté de 11% à Cabourg, de 10% à Deauville et dans le Nord du pays d'Auge, de plus de 17% dans les villages de la périphérie d'Evreux ou encore de 12% autour d'Alençon où cette courbe haussière inédite laisse les professionnels sans voix.

Un peu plus à l'Est « le prix médian des maisons (166.000 euros ndlr) a atteint la plus haute valeur enregistrée sur la décennie» calcule la Chambre régionale des notaires de l'ex Haute-Normandie. Pour peu qu'ils disposent d'un carré de verdure ou d'une vue sur mer, les biens de plus de cinq ans ne restent pas longtemps sur le marché.

« Un pavillon en bon état dans une ville de 10.000 à 20.000 habitants se vend en quelques minutes et souvent à un prix supérieur aux estimations», constate Maître Lesault.

Pour les promoteurs, le phénomène va durer

Ce regain d'appétit des acquéreurs pour la maison individuelle et les villes petites ou moyennes n'intéresse pas que le notariat. Il fait aussi réfléchir les promoteurs immobiliers. Pour Guillaume Basile, président d'Olonn, l'Observatoire de l'immobilier neuf en Normandie et directeur de l'agence Kaufman & Broad du Havre, il pousse la profession à élargir son champ de vision.

« Comme nous pensons que le phénomène va durer, nous sommes déjà tous en train de prospecter pour des terrains dans ces secteurs alors que notre offre est aujourd'hui très majoritairement concentrée dans les agglomérations de Caen, de Rouen et du Havre», indique t-il.

Dans la cible des promoteurs, des communes de plus petite taille comme Gisors, Cherbourg, Louviers, Granville ou Fécamp. Pour autant, l'intéressé ne croit pas à un grand soir de la construction neuve. « Je m'attends à quelques opérations, pas à une production massive parce que les zones constructibles sont très restreintes et qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir des permis de construire », analyse t-il.

Le constat est partagé par Emmanuel Porcq. « L'offre va encore se raréfier du fait de la sclérose réglementaire à laquelle nous sommes confrontés », peste t-il. « Cette nouvelle donne devrait pousser les élus locaux à réviser leurs schémas d'urbanisme». D'ici là, les candidats à l'acquisition qu'ils viennent d'Ile-de-France ou d'ailleurs sont priés de prendre leur mal en patience. Quant à ceux qui ont réussi à mettre la main sur une maison avec jardin, il leur reste à espérer que le marché ne se retourne pas lorsque viendra l'heure de la revente. « Cela s'est déjà produit il y a quelques années», rappelle Capucine Lesault en connaisseuse. A bon entendeur.

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