Etouffés par le niveau des prix de l'immobilier trop élevés par rapport aux revenus dans les zones tendues, les primo-accédants ont déserté le marché de l'accession à la propriété. Entre 2010 et 2014, leur poids dans l'ensemble des transactions immobilières en France a chuté de 55 % à 35 %, d'après le courtier immobilier Cafpi. Une situation que bon nombre de professionnels de l'immobilier, dont les clients cibles sont des jeunes ménages souhaitant acheter, déplorent.
Beaucoup aimerait notamment que l'Etat remette au goût du jour un prêt à taux zéro (PTZ) pour l'achat des biens immobiliers anciens ; le PTZ n'étant quasiment dédié qu'au marché du neuf depuis l'année 2012. A l'heure actuelle, seuls les ménages achetant un bien situé en zone rurale et s'engageant à réaliser des travaux de rénovation importants peuvent bénéficier d'un prêt à taux zéro dans l'ancien.
Le nombre de PTZ s'effondre
Résultat, le nombre global de prêts à taux zéro s'est effondré : en 2011, 326.000 opérations avaient été financées en partie par un prêt à 0 % d'un montant moyen de 23.000 euros, contre seulement 60.000 en 2013 pour un montant moyen financé à 0 % de 37.000 euros, d'après les Comptes du logement. Une chute qui aurait, selon Philippe Taboret, directeur général de Cafpi, affecté principalement « les emprunteurs les plus modestes (employés, ouvriers...) qui sont en régression de 4 % entre 2010 et 2014 », déplore-t-il.
L'Etat a pour sa part fait des économies : alors qu'entre 2005 et 2011, il consacrait au PTZ entre 1 milliard et 2,2 milliards d'euros par an, soutenant en partie la hausse des prix de l'immobilier jusqu'en 2011, le PTZ ne coûtait plus que 630 millions d'euros aux pouvoirs publics en 2013.
Un effet d'aubaine ?
Fort de ces constats, la question de l'efficience d'un tel dispositif dans l'ancien se pose. Une étude publiée sur le site l'Insee y a par le passé déjà répondu. S'appuyant sur les enquêtes Logement et Patrimoine de 1996 et 1997, ses auteurs Laurent Gobillon et David le Blanc ont certes constaté que « le prêt à taux zéro a bien un effet déclencheur sur l'accession à la propriété et que cet effet touche principalement les ménages les plus modestes parmi les accédants », mais qu'« en contrepartie, le PTZ souffre d'effets d'aubaine importants : 85 % des bénéficiaires dans une période donnée auraient tout de même choisi de déménager pour devenir propriétaires en l'absence du prêt à taux zéro », ont-il ajouté.
« Le prêt à taux zéro (PTZ) n'aurait déclenché que 75.000 accessions à la propriété entre 1996 et 1999, sur un total de 533.000 ménages bénéficiaires au cours de cette période. Ainsi, 458.000 cas d'accession se seraient réalisés même en l'absence du PTZ, lequel a donc eu un effet d'aubaine massif », précisaient dans une note datant de 2013 des économistes du Conseil d'analyse économique.
Un risque pour les acquéreurs ?
D'autres risques à l'instauration d'un prêt à taux zéro élargi à l'ancien existeraient :
« Développer le PTZ en période de fort chômage et de risque d'éclatement d'une bulle immobilière peut en outre se retourner contre les nouveaux acquéreurs. Inciter des ménages modestes à investir dans un actif qui présente un risque de moins-value dans les années à venir n'est sans doute pas un conseil très avisé », expliquaient aussi ces mêmes économistes.
Conscient de certains des effets pervers du PTZ, Philippe Taboret estime toutefois que devant les difficultés de certains ménages à se loger, il est urgent d'agir. « Certains emprunteurs n'ont plus de choix pour se loger », déplorait-il lors d'une conférence de presse organisée ce mardi.
Il propose donc de relancer un prêt à taux zéro dans l'ancien dans les zones tendues, mais sous conditions de réalisation de travaux de rénovations énergétiques. Ce qui, selon lui, pourrait notamment remettre sur le marché une partie « des quelques centaines de milliers de logements vacants » en France qui sont trop dégradés pour être vendus.
Un PTZ dans les zones peu tendues ?
Également présent à la conférence de presse, Thierry Repentin, délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat, a lui plutôt suggéré un « retour du PTZ dans les zones les moins tendues, comme la zone C ». « Au cours des dernières années, nous nous sommes bien rendu compte que l'accession à la propriété a été beaucoup plus marquée au cours des dernières années en zone C qu'en zone B1 (une zone plus tendue que la C ndlr) ». Le retour d'un PTZ dans l'ancien dans ces zones-là permettrait donc de soulager le financement d'un achat immobilier pour les ménages les plus modestes, estime-t-il.
Du reste, sachant que les effets inflationnistes du dispositif sont connus, et que le contexte est tendu en matière de finances publiques, un PTZ dans l'ancien élargi n'a que très peu chance de revoir le jour dans les zones tendues. D'autant que les hauts fonctionnaires de Bercy sont loin d'être convaincu de son efficience. Les efforts de lobbying des professionnels de l'immobilier seront certainement vains.
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