Axelle Davezac : « Un cadre fiscal stable et incitatif est indispensable »

Malgré les dernières mesures fiscales qui ont fait chuter les dons, le secteur philanthropique français reste dynamique. Ses atouts : une diversité de fondations et le développement des complémentarités entre initiatives privées et action publique... État des lieux par la directrice de la Fondation de France.
Axelle Davezac, présidente de la Fondation de France.
Axelle Davezac, présidente de la Fondation de France. (Crédits : Droits réservés)

LA TRIBUNE - 2018 a été une année charnière pour le secteur de la philanthropie, notamment en raison des changements fiscaux. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

AXELLE DAVEZAC - Cette année est effectivement marquée par de nombreuses évolutions fiscales, entre le remplacement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI), la hausse de la CSG et plus récemment la confirmation par le gouvernement de la mise en place du prélèvement à la source au 1er janvier prochain.

Ces évolutions suscitent des questionnements et des craintes, et les donateurs ne savent pas si leur don sera toujours déductible ou non, à quel taux... ce qui incite certains d'entre eux à repousser leur acte de don, voire à ne plus donner.

Tous ces changements fragilisent le secteur de la philanthropie et, à travers lui, les bénéficiaires de nos actions : les personnes vulnérables, les chercheurs. Même si les déductions fiscales ne sont pas l'unique motivation du don des Français, un cadre fiscal stable et incitatif est indispensable. Il permet aux acteurs de la philanthropie de se projeter sur le long terme et de travailler dans la durée, condition indispensable pour obtenir des résultats concrets.

Avez-vous noté une différence sur le nombre de donateurs ?

De la même façon que l'ISF a été l'occasion pour de nombreux donateurs « d'entrer en philanthropie », son remplacement par l'IFI a fait mécaniquement chuter le nombre de donateurs et le montant des dons : selon France Générosités, les dons IFI en 2018 ont diminué de 55% en comparaison des dons ISF en 2017, soit 150 millions d'euros en moins. À cela s'est ajoutée la hausse de la CSG pour les retraités, qui sont souvent des donateurs fidèles. Néanmoins, comme l'a montré le « panorama national des générosités » publié en avril dernier par notre Observatoire de la philanthropie, les Français souhaitent jouer un rôle en faveur de l'intérêt général : l'engagement annuel des particuliers et des entreprises est de 7,5 milliards d'euros.

Pouvez-vous nous rappeler la définition d'une fondation ? Combien sont-elles aujourd'hui en France ?

La France compte aujourd'hui 5.000 fonds et fondations, soit cinq fois plus qu'en 2001. Une fondation, ce sont des fondateurs et un patrimoine - biens mobiliers, immobiliers... - affectés à une ou plusieurs causes d'intérêt général. C'est différent d'une association qui est, par construction, un regroupement de personnes poursuivant un objectif commun (à caractère non lucratif).

Comment la philanthropie peut-elle favoriser la réduction de la dette et des dépenses publiques dans notre économie ?

L'État ne peut plus tout prendre en charge et joue de plus en plus un rôle de régulateur. En accordant une réduction fiscale aux donateurs, il favorise la mise en oeuvre d'actions d'intérêt général par les acteurs privés comme les fondations. Leur rôle est devenu indispensable au regard du contexte actuel : des besoins importants, croissants et complexes dans de nombreux domaines, que ce soit l'aide aux personnes vulnérables, la culture, ou encore la recherche médicale.

Par ailleurs, les initiatives privées d'intérêt général et l'action des pouvoirs publics sont complémentaires. Et cela d'autant plus que la philanthropie possède une agilité et une souplesse pour expérimenter et apporter de nouvelles réponses à ces problèmes de société. Certaines solutions novatrices sont même reprises par les pouvoirs publics.

C'est le cas de « Territoires zéro chômeur de longue durée » : une initiative d'ATD Quart Monde avec la Fondation de France qui s'est transformée en loi adoptée par le Parlement en février 2016 pour l'embauche de chômeurs de plus de six mois en CDI via des entreprises de l'économie sociale et solidaire sur dix territoires en France.

On parle de plus en plus de créer un statut de fondations « actionnaires ». Comment l'envisagez-vous dans le panorama actuel ?

Les fondations « actionnaires » - qui détiennent des parts d'une entreprise, ou bien sont majoritaires au sein de son capital - ont bien sûr leur rôle à jouer au service de l'intérêt général. Nous sommes néanmoins vigilants sur deux points. Nous pensons, tout d'abord, que l'éventuelle création d'un statut spécifique de fondation actionnaire contribuerait encore plus à l'éparpillement et à la complexité de notre secteur. Il existe déjà huit statuts juridiques différents de fonds et fondations, dont certains ne concernent que quelques dizaines de structures. Les fondations qui aujourd'hui détiennent un patrimoine d'entreprise, et sont à ce titre « actionnaires », peuvent agir dans le cadre juridique actuel. Il est possible de simplifier les textes mais attention à ne pas confondre enjeux économiques et intérêt général !

Propos recueillis par Jennifer Guesdon

Chiffres clés

Nombre de fondations en France en 2018 : 4.858

Fondations reconnues d'utilité publique : 638

Fondations d'entreprise : 400

Fondations abritées : 1.242

Fondations de coopération scientifique : 36

Fondations universitaires : 28

Fondations partenariales : 20

Fonds de dotation : 2.494

Graphique évolution des fondations 2009-2018

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Commentaires 4
à écrit le 18/10/2018 à 13:12
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Demandé à un retraité de faire un DON après les ponctions de MACRON sur les retraites et le comportement indigne de ce dernier avec eux.

à écrit le 18/10/2018 à 11:27
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Toujours plus de pognac, ces ahuris "oublient" de dire aussi : une bonne redistribution des richesses, sinon c'est l'asservissement des populations et par définition celui des Etats

à écrit le 18/10/2018 à 11:07
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Stable et incitatif ? Chez Bercy, c'est mission réellement impossible.

à écrit le 18/10/2018 à 8:45
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"L'État ne peut plus tout prendre en charge et joue de plus en plus un rôle de régulateur" Non, l'état sous la pression des mégas riches se désengage de la plupart de ses attributions, grâce à l'achat des politiciens, afin de le dépecer, le pille...

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