Vaut-il mieux avoir 20 ans en France ou 70 ans ? Le panorama de la jeunesse dressé par une vaste étude du Cercle des économistes, que La Tribune Dimanche publie en exclusivité, invite à se poser cette question dérangeante. Les 18-30 ans apparaissent à l'écart de la vie de la cité, souvent déprimés, voire très fragiles. Leur place leur semble insignifiante. Si bien qu'ils croient de moins en moins en la politique pour répondre aux enjeux du monde, alors qu'ils sont prêts à s'engager pour y faire face.
Qu'on en juge. Selon les données de cette enquête réalisée en amont des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, qui se tiennent début juillet, une large majorité des jeunes (64 %) ne se sent pas représentée en politique. La proportion est encore plus forte pour les filles. Dans ce tableau qui ressemble à un désert démocratique, la figure du président de la République est la seule qui pourrait représenter - au minimum - les moins de 30 ans, pour seulement 12 % d'entre eux. Même les maires font moins (9 %) alors que les élus locaux sont, dans toutes les enquêtes politologiques, considérés comme étant les plus proches des citoyens.
La plupart des jeunes (78 %) pensent donc que leur voix ne compte pas ou peu dans les décisions politiques. Les sujets qui font débat ou qui alimentent l'actualité peuvent certes les intéresser. Mais ils ne voient pas en quoi les choix qui en découlent s'adressent à eux. « Ils ont le sentiment d'être ignorés par le pouvoir, qu'on ne parle que des retraites, déplore Jean-Hervé Lorenzi, le président du Cercle des économistes. Ils constituent une catégorie trop souvent délaissée et finalement méconnue. »
Pour ne rien arranger, beaucoup estiment avoir été mal formés à l'école au sujet des mécanismes politiques et démocratiques. Bien que cette difficulté ait été identifiée ces dernières années, les heures de cours promises pour l'éducation civique ne sont pas au rendez-vous. Au bout du compte, seuls 10 % des 18-30 ans se disent bien informés sur le fonctionnement du système. Ce qui ne favorise donc pas l'adhésion du plus grand nombre.
Résultat, la participation électorale des jeunes recule. L'abstention a grimpé à 41 % chez les 18-25 ans au premier tour de l'élection présidentielle de 2022, contre 25 % en moyenne. Une désaffection inattendue. « C'est un tournant historique. Pour la première fois, les primo-votants se sont moins rendus aux urnes que leurs aînés, à rebours de ce que l'on avait constaté en 1995, 2 007 et 2 017 », indique Frédéric Dabi, directeur à l'Ifop et auteur avec Stewart Chau de La Fracture - Comment la jeunesse d'aujourd'hui fait sécession (Les Arènes, 2021).
« Dépolitisés mais pas désengagés »
Sur le fond, le rapport démographique leur est devenu cruellement défavorable. La jeunesse est désormais très minoritaire dans la société : les 18-25 ans forment aujourd'hui 9 % de la population. Ils sont quasiment deux fois moins nombreux que les plus de 70 ans. Le nombre de seniors est supérieur à celui des jeunes depuis le tournant des années 2010. Et le mouvement ne fait que s'amplifier...
Pour autant, la génération actuelle des moins de 30 ans n'est pas désespérée, elle ambitionne comme ses prédécesseurs de changer le monde et les consciences. Quatre jeunes sur cinq affirment être engagés pour une cause ou capables de s'y investir. Aux premiers rangs, la protection animale, les droits humains et l'écologie. L'appétit de vivre et le temps devant soi sont des moteurs qui tournent. « Ils sont dépolitisés mais pas désengagés, observe Frédéric Dabi. Ils estiment simplement que le vote n'a pas d'impact sur leur vie, le climat ou les discriminations. »
De quoi alimenter les réflexions et donner des idées pour favoriser celles et ceux qui feront la France de demain ? Le Cercle des économistes va poursuivre le travail avec des groupes de jeunes. Leurs conclusions seront transmises aux participants des Rencontres d'Aix. Jean-Hervé Lorenzi plaide pour un meilleur équilibre fiscal entre les générations, la CSG des retraités étant inférieure à celle des actifs. Et pour une réforme de la formation professionnelle qui permette un accès plus égalitaire aux grandes écoles. Le chantier reste ouvert.
47 % indiquent ne pas se sentir bien dans leur vie 49 % ont déjà recherché une aide pour leur santé mentale 74% déclarent avoir été victimes de discrimination ou de harcèlement 78 % disent que les réseaux sociaux aggravent les discriminations et le harcèlement 94 % trouvent judicieux d'apprendre à gérer les divers aspects de la vie numérique dès le collège 58 % ont déjà boycotté une marque ou un événement sportif qui allaient à l'encontre de leurs valeursLes chiffres du mal-être
Une génération sous tension