« Monsieur le président, parlez-nous ! » (par Hassen Hammou, fondateur du collectif « Trop jeune pour mourir »)

Hassen Hammou, 35 ans, est fondateur du collectif marseillais « Trop jeune pour mourir » et porte-parole des Écologistes.
(Crédits : © LTD / PATRICIA HUCHOT-BOISSIER/ABC/ANDIA.FR)

Monsieur Le Président, trente jours sont passés depuis votre visite surprise dans notre ville de Marseille. Ici, nous vivons cette accalmie des assassinats avec la peur au ventre. Avec votre gouvernement, n'abandonnez pas les familles des victimes et notre jeunesse.

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Place nette ne doit pas devenir place vide, faites revenir la vie du quotidien. Rendez de l'espoir aux plus jeunes. Si aujourd'hui l'action politique ne passionne plus - ici, on n'y croit plus depuis longtemps -, les fausses promesses, les déplacements des ministres ont été perçus comme des actions superficielles ou des tentatives de relations publiques plutôt que comme des efforts concrets pour résoudre les problèmes réels auxquels sont confrontés les jeunes. Pourtant, nous croyons encore que l'action politique sincère peu l'emporter. En vous écrivant, je m'adresse sans doute à un passionné de Marseille. Vous êtes le président au plus grand nombre de déplacements dans notre ville, vous connaissez bien ses déséquilibres.

Nous sommes des habitants conscients

Ici, il s'agit de faire renaître l'espoir dans les yeux de la jeunesse marseillaise, après tant de vies perdues. Au quartier, nous vivons chaque fusillade comme la dernière, pour ne pas penser au sort fatal du prochain gamin qui va finir au sol, abattu comme un rien, ou que l'on va retrouver carbonisé dans le coffre d'une voiture ou au pied d'un immeuble. Dans notre ville, plus qu'ailleurs en France, la fortune illicite se paie au prix fort. Ici, l'horloge du destin broie les rêves de grandes fortunes des jeunes vies paumées et nourrit les rancunes.

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Après votre départ et celles des caméras des chaînes d'information en continu qui dissertent sur nos vies, les habitantes et habitants ont vu le manège habituel d'un système bien rodé. Les dealers sont toujours là, tapis dans l'ombre, à attendre que la caravane police passe pour reprendre leur trafic comme si de rien n'était, dans ce jus délétère du quotidien.

Nous sommes des habitants conscients, nous savons votre investissement pour notre ville. Merci pour les écoles, ce début de reconquête est nécessaire. Les gamins avaient froid l'hiver dans ces classes à l'abandon. Mais, des fenêtres de nos immeubles, tout nous semble insuffisant, nous cumulons tellement de retard ! Dans nos cités, il ne reste plus que quelques symboles visibles de la République : les écoles, les centres sociaux et quelques associations courageuses, encore là pour soutenir les mamans et les jeunes à bout de bras.

Président, sauvez nos jeunes, parlez-nous !

La Savine, c'est le quartier de mon enfance, celui de ma jeunesse... C'est une cité en haut des collines. J'y croise tout le temps des jeunes, des très jeunes... Je pense à toutes ces générations qui se sont succédé entre ces murs décrépits, devant ces peintures sales et délavées, au stade de foot qu'on ne finit pas de finir de rénover... Comment est-ce possible ? Pourquoi ? De nombreux ados espèrent une vie meilleure en dealant. Et ça me serre le cœur. À ces jeunes, on tente de leur montrer la voie. On explique et on explique encore qu'il n'y a pas de fatalités et que les opportunités, on se les construit soi-même...

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Commentaire 1
à écrit le 28/04/2024 à 20:09
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"Trop jeune pour mourir" il est bon de le rappeler en effet et d'insister.

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