Incertitude en Gambie après le revirement du président sortant

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ABIDJAN (Reuters) - Le président sortant de Gambie, Yahya Jammeh, a confirmé son refus de reconnaître sa défaite lors de l'élection présidentielle du 1er décembre qui a vu la victoire de l'opposant Adama Barrow et a choisi d'en appeler à la Cour suprême du pays.

Yahya Jammeh, qui avait dans un premier temps admis sa défaite électorale après 22 ans au pouvoir, suscitant l'espoir d'une transition démocratique, a rejeté le résultat du scrutin, plongeant le petit pays d'Afrique de l'Ouest dans l'incertitude.

"Après une enquête complète, j'ai décidé de rejeter le résultat de la récente élection. Je déplore des anomalies sérieuses et inacceptables qui se sont apparemment manifestées lors du processus électoral", a-t-il déclaré vendredi soir.

Dans un communiqué lu samedi soir à la télévision, le parti au pouvoir, l'Alliance pour la réorientation patriotique et la construction, dit qu'un appel devant la Cour suprême allait être déposé, dans les délais légaux, soit au plus tard mardi.

L'Union africaine a condamné le revirement de Yahya Jammeh, l'invitant à "faciliter la transition pacifique et ordonnée et à transférer le pouvoir" au nouveau président élu. Elle a demandé aux forces de sécurité de rester neutres dans cette crise.

Les Etats-Unis ont aussi condamné le revirement et parlent de "tentative flagrante pour essayer de saper un processus électoral crédible et rester au pouvoir de manière illégitime".

Avant l'élection, le président Jammeh promettait de diriger le petit pays d'Afrique de l'Ouest pendant "un milliard d'années".

QUE VA FAIRE L'ARMÉE ?

L'issue de sa tentative de coup de force dépendra dans une large mesure de la position de l'armée, qui lui a été fidèle depuis deux décennies.

Selon l'entourage d'Adama Barrow, qui doit théoriquement entrer en fonction en janvier après une période de transition, le chef d'état-major de l'armée, le général Ousman Badjie, a contacté le président élu pour l'assurer de son soutien.

Mais, dit-on dans les milieux diplomatiques, une faction de militaires pourrait rester fidèle au président sortant.

Les résultats officiels de l'élection à un seul tour ont attribué 45,5% des votes à Adama Barrow, un promoteur immobilier qui a travaillé un temps comme garde de sécurité à Londres, contre 36,7% au président actuel.

La commission électorale a ensuite corrigé ces chiffres et attribué au président élu une marge de victoire plus réduite, avec 43,%3 des voix, soit moins de 20.000 bulletins d'écart avec Yahya Jammeh. La Gambie compte 1,8 million d'habitants.

Les groupes de défense des droits de l'homme ont dénoncé des détentions arbitraires, l'usage de la torture et le meurtre d'opposants politiques par le régime de Yahya Jammeh.

Dans un communiqué diffusé samedi, Amnesty International dénonce la "décision extrêmement dangereuse" du président Jammeh qui, estime Sabrina Mahtani, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest pour l'organisation, "risque de mener à de l'instabilité et à une possible répression".

(Joe Bavier, Gilles Trequesser pour le service français, avec Tangi Salaün et Henri-Pierre André)