L'Onu accuse les deux camps de crimes de guerre à Alep en Syrie

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L'onu accuse les deux camps de crimes de guerre a alep en syrie[reuters.com]
(Crédits : © Denis Balibouse / Reuters)

par Stephanie Nebehay

GENEVE (Reuters) - Des crimes de guerre ont été commis à Alep par les forces gouvernementales syriennes soutenues par la Russie et l'Iran et par la rébellion, affirme mercredi un rapport des Nations unies.

Le rapport montre notamment du doigt le bombardement d'un convoi d'aide qui a fait 14 morts dans les rangs du personnel humanitaire et qui a conduit à la suspension des opérations de ravitaillement des civils.

Les forces syriennes et l'aviation russe ont en outre conduit des opérations aériennes quotidiennes sur Alep-Est entre juillet et fin décembre, faisant des centaines de victimes et détruisant plusieurs hôpitaux, souligne le document.

Il relève que des munitions à fragmentation ont été régulièrement utilisées contre des zones densément peuplées, ce qui relève du crime de guerre dans la mesure où ces projectiles frappent sans distinguer les civils des combattants.

Les enquêteurs précisent ne pas avoir été en mesure de dire si ces munitions ont été utilisées par les Syriens ou par les Russes ou par les deux.

Ils n'ont pas non plus attribué un seul crime de guerre aux seules forces russes, mais l'enquête se poursuit, a déclaré mercredi Sergio Pinheiro qui préside la Commission d'enquête indépendante de l'Onu sur la Syrie.

Les enquêteurs de l'Onu publieront une liste des personnes qu'ils ont identifiées comme criminels de guerre, a déclaré Sergio Pinheiro, sans préciser quand.

"Au cours de la période examinée, le ciel d'Alep et de ses environs a été conjointement contrôlé par les forces aériennes syriennes et russes (...). Elles ont généralement utilisé les mêmes appareils et les mêmes armes ce qui empêche d'attribuer (les faits) dans beaucoup de cas", dit le rapport.

Le texte de la Commission d'enquête des Nations unies, publié alors que des négociations de paix se poursuivent à Genève, couvre la période allant de juillet à décembre 2016 et il s'appuie sur les témoignages de 291 victimes et témoins, ainsi que sur l'analyse de pièces à conviction et d'images satellite.

DES CENTAINES DE VICTIMES CIVILES

Les hélicoptères syriens ont largué sur Alep des bombes au chlore "tout au long de l'année de 2016" faisant des centaines de victimes civiles, dit le rapport de l'Onu.

Au moins 5.000 membres des forces gouvernementales ont en outre été déployées autour de la partie orientale d'Alep afin de contraindre les rebelles à se rendre ou à mourir de faim.

Le rapport n'épargne pas les groupes d'opposition qui ont bombardé des zones civiles de la partie ouest, tuant et blessant des dizaines de personnes parmi les civils. Ils ont également empêché la population de la partie est d'Alep de fuir et s'en sont servi comme d'un "bouclier humain" et attaqué le quartier kurde de Cheikh Maksoud, deux comportements relevant du crime de guerre.

Syriens et Russes ont largué des projectiles aériens non guidés qui ont frappé sans distinction, observe le rapport. Parmi ces armes, figurent des bombes aériennes, des missiles air-sol, des bombes à sous-munition, des barils d'explosifs et des bombes au chlore.

Pour les enquêteurs, le gouvernement a "méticuleusement planifié et mené avec détermination" une frappe aérienne visant le convoi de l'Onu et du Croissant-Rouge à Oroum el Koubra, une zone rurale située à l'ouest d'Alep, tuant 14 travailleurs humanitaires le 19 septembre 2016.

En utilisant des bombes aériennes en ayant connaissance de la présence de travailleurs humanitaires à cet endroit, les forces syriennes ont commis le crime de guerre qui "consiste à attaquer délibérément le personnel chargé de l'aide humanitaire, à s'opposer à l'acheminement de toute aide humanitaire et à prendre des civils pour cible", dit le rapport.

Les survivants ont décrit une attaque en trois étapes. "D'abord, des hélicoptères ont largué des barils d'explosifs, qui se sont abattus sur l'entrepôt et sur une habitation située à proximité. Ensuite, des avions − des Soukhoï, selon plusieurs témoins − ont poursuivi l'offensive, tuant plusieurs travailleurs humanitaires. Enfin, un avion a dirigé le feu de ses mitrailleuses sur les survivants", dit le texte.

(Nicolas Delame pour le service français)