La moralisation de la vie publique à l'Assemblée

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La moralisation de la vie publique a l'assemblee[reuters.com]
(Crédits : Philippe Wojazer)

PARIS (Reuters) - Les députés français ont engagé lundi l'examen de deux projets de loi emblématiques sur la moralisation de la vie publique qui traduisent des engagements pris par Emmanuel Macron pendant une campagne présidentielle marquée par les "affaires".

Ces deux textes que le Sénat a adopté massivement le 13 juillet ont été l'élément central de l'alliance conclue entre le candidat à l'Elysée et le président du MoDem, François Bayrou.

Ils font suite notamment à l'affaire des emplois fictifs présumés dont l'ex-Premier ministre Les Républicains François Fillon, candidat malheureux de la droite à la présidentielle, aurait fait profiter sa famille.

Présentés par la ministre de la Justice Nicole Belloubet, qui a succédé à l'éphémère garde des Sceaux François Bayrou, ces deux projets de loi modifient les règles de financement des partis et des campagnes électorales.

"Ces dispositions entendent servir la démocratie en lui apportant un surcroît de transparence, de justice et d'éthique", a dit la ministre avant d'ajouter que ces mesures seraient complétées par la réforme constitutionnelle annoncée le 3 juillet dernier par Emmanuel Macron.

Ils prévoient des mesures visant à mettre un terme aux conflits d'intérêts, notamment autour des activités de conseil, et à moraliser les embauches de collaborateurs de parlementaires et de membres du gouvernement.

Ils rendent inéligibles les candidats et élus en cas de crimes ou d'infractions traduisant un manquement à la probité et interdisent les emplois familiaux pour les parlementaires, ministres et les membres des collectivités territoriales.

Un nouveau système de prise en charge des frais de mandat parlementaire, qui remplacera l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), sera mis en place.

PLUS DE RÉSERVE PARLEMENTAIRE

Les groupes La France insoumise (LFI) ainsi que celui de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), qui regroupe notamment les communistes, sont opposés à cette réforme.

"Rien de ce que vous proposez n'est de nature à profondément bouleverser l'ordre actuel. Rien qui restaurera la confiance dans l'action publique", a dit Bastien Lachaud (LFI).

Pour le président du groupe Nouvelle gauche (ex-PS), Olivier Faure, cette réforme "est bienvenue" "mais elle est très insuffisante". "Il faut aller beaucoup plus loin."

"On a l'impression que c'est un exercice de communication plutôt que de vraies lois pour renforcer la confiance", a déclaré à Reuters Philippe Gosselin, porte-parole du groupe LR.

La commission des Lois de l'Assemblée a adopté plusieurs dizaines d'amendements, qui modifient le texte voté par le Sénat, sur les quelques 850 qui ont été déposés.

La réserve parlementaire dont bénéficient les parlementaires pour aider des collectivités ou des associations disparaîtra mais la commission a décidé que cela se ferait progressivement jusqu'en 2024. Elle a supprimé la disposition votée par le Sénat qui prévoyait le remplacement de cette réserve par une dotation de soutien à l'investissement des communes.

Les députés ont rétabli la création d'une "banque de la démocratie", qu'avait supprimée le Sénat, destinée à financer les candidats et les partis. Ils ont également précisé les contours d'un futur statut pour les collaborateurs parlementaires.

La commission a également rétabli le "verrou de Bercy" que le Sénat avait supprimé. Il s'agit d'un dispositif qui laisse au ministère de l'Economie le monopole des poursuites pénales en matière de fraude fiscale.

Enfin, contre l'avis de sa rapporteure, la commission a adopté un amendement du MoDem qui, comme pour les élus, oblige les ministres à avoir un casier judiciaire vierge.

L'examen de ces deux projets de loi par les députés doit durer toute la semaine. Le gouvernement ayant décidé d'utiliser la procédure accélérée, qui permet de réduire le nombre des navettes entre les deux chambres, une commission mixte paritaire (CMP) Assemblée-Sénat sera convoquée dans la foulée pour tenter de mettre au point des textes communs aux deux assemblées.

Les deux textes devraient être définitivement adoptés début août par le Parlement, l'Assemblée ayant constitutionnellement le dernier mot en cas de désaccord avec le Sénat.

(Emile Picy, édité par Yves Clarisse)