La filière d'un des kamikazes du Bataclan en procès

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La filiere d'un des tueurs du bataclan en proces[reuters.com]
(Crédits : © Benoit Tessier / Reuters)

par Chine Labbé

PARIS (Reuters) - Le procès de sept djihadistes présumés, parmi lesquels figure le frère aîné d'un des tueurs du Bataclan, s'est ouvert lundi à Paris, plus de six mois après les attentats du 13 novembre.

Âgés de 24 à 27 ans, ces Alsaciens sont accusés d'avoir participé, courant 2013 et début 2014, soit avant la proclamation de l'Etat islamique, à une filière d'acheminement de militants islamistes vers la Syrie, et d'avoir reçu un entraînement militaire au sein du groupe Etat islamique en Irak et au Levant (EEIL).

C'est à leurs côtés que Foued Mohamed-Aggad, l'un des trois assaillants du Bataclan, a rejoint la Syrie en décembre 2013 via la Turquie. Les départs ont été échelonnés, pour ne pas "éveiller les soupçons", dira l'un des prévenus aux enquêteurs.

De ce petit groupe, dont le projet de départ s'est construit au gré de rencontres, deux trouveront la mort en Syrie. Les autres, ballottés par des combattants de l'EEIL à travers le pays, rentreront en France durant les premiers mois de 2014.

Seul Foued Mohamed-Aggad, le plus jeune, restera en Syrie, avant de resurgir, le 13 novembre 2015, dans l'équipée sanglante du Bataclan, où il a trouvé la mort lors de l'assaut de la police.

"Ce n'est pas le procès du Bataclan", a prévenu à l'audience Me Eric Plouvier, conseil de l'un des sept Alsaciens.

"C'est le procès de sept jeunes qui sont revenus au bout de trois mois", a lui aussi souligné Me Xavier Nogueras. "Ça va nous permettre de faire la différence entre ceux qui ont décidé de rentrer et celui qui est resté."

Les prévenus nient avoir eu l'intention de mener le djihad armé en Syrie, et mettent en avant des intentions humanitaires.

L'un d'entre eux a ainsi expliqué être parti pour "aider son prochain" et s'être retrouvé "au milieu de fous sanguinaires". Cinq sur sept ont un casier judiciaire vierge.

LAVAGE DE CERVEAU ?

Certains reconnaissent avoir manié des armes, mais sous la contrainte, d'autres assurent n'avoir reçu qu'un entraînement sportif. L'un d'entre eux admet avoir envisagé, avant son départ, qu'il faudrait peut-être prendre les armes, mais contre l'armée de Bachar al Assad.

La plupart accusent Mourad Farès, un Franco-Marocain aujourd'hui soupçonné d'avoir été l'un des principaux recruteurs de djihadistes français en Syrie, de les avoir "manipulés". Karim Mohamed-Aggad évoquera même, devant les enquêteurs, un "petit lavage de cerveau".

Une version toutefois démentie par le principal intéressé. Devant les juges, Mourad Farès, incarcéré en France après avoir été arrêté en Turquie en août 2014, a assuré qu'ils avaient tous l'intention de faire le djihad armé.

Pour l'accusation, l'argument humanitaire avancé par les prévenus ne tient pas, notamment parce qu'ils n'ont pas contacté d'association et parce que certains apparaissent sur des photos armes à la main, ou arborant le drapeau de l'EEIL.

Interrogé par les enquêteurs, Karim Mohamed-Aggad assurera avoir été contraint de poser pour ces photos, qui devaient servir de propagande. "On vous demande de faire des choses, comme de poser avec l'arme, et si vous ne voulez pas, on vous suspecte, on vous demande si vous êtes de la police. Ce n'est pas le club Dorothée là-bas", expliquera-t-il.

Pourtant, juste avant son retour en France, il dira à son père, de Syrie : "On est bien nous ici (...) On a notre arme. On se balade. Y a la charia (...) On mange, on s'entraîne, on combat les kouffars (mécréants-NDLR)."

Pendant le procès, les prévenus, qui encourent jusqu'à dix ans de prison, s'attacheront sans doute à se distancier un maximum de Foued Mohamed-Aggad, auteur d'un attentat-suicide.

Il était "un peu différent", "parti dans son délire", a déjà assuré l'un d'eux aux enquêteurs. Karim Mohamed-Aggad a dit ne pas savoir pourquoi son frère était resté en Syrie.

(édité par Yves Clarisse)