La police régionale critiquée après les attentats en Catalogne

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La police regionale critiquee apres les attentats en catalogne[reuters.com]
(Crédits : Sergio Perez)

par Angus Berwick et Julien Toyer

BARCELONE (Reuters) - Des erreurs de procédure et un manque de communication ont peut-être empêché la police espagnole de prévenir l'attentat à la fourgonnette qui a coûté la vie à 13 personnes dans le centre de Barcelone la semaine passée, indiquent deux sources policières et deux sources proches de l'enquête.

Pendant plusieurs heures, la police autonome catalane, les Mossos d'Esquadra, n'a pas fait le lien entre l'explosion survenue vers minuit, la veille de l'attentat, dans une maison d'Alcanar située à environ 200 km au sud-ouest de Barcelone et l'existence d'une cellule terroriste.

Dix heures ont été nécessaires pour envoyer une équipe de spécialistes dans cette résidence où les terroristes travaillaient à la confection de bombes, précisent ces sources sous couvert de l'anonymat.

Ce retard a empêché que soit lancée l'alerte avant que Younès Abouyaaqoub, le conducteur présumé de la fourgonnette abattu lundi par la police à une cinquantaine de kilomètres de Barcelone, précipite son véhicule sur les passants déambulant sur l'avenue des Ramblas.

Une source judiciaire, participant à l'enquête sur l'attaque de Barcelone et celle de Cambrils commise un peu plus tard dans la journée du 17 août, a expliqué que la police allait devoir s'interroger sur un manque de coordination et un mauvais partage d'informations qui n'ont pas permis d'évaluer à temps l'entreprise menée par le groupe terroriste.

La police doit boucler son enquête sur cette attaque avant d'en tirer des conclusions sur d'éventuelles erreurs, a précisé cette source, ajoutant qu'une équipe de spécialistes aurait dû être immédiatement mobilisée pour enquêter sur l'explosion en raison de sa possible nature terroriste.

Le chef de la police catalane, Josep Lluis Trapero, estimait lundi que faire porter la responsabilité de cet événement meurtrier sur ses services était injuste et de nature à induire l'opinion publique en erreur.

"Avec toutes les informations dont nous disposons aujourd'hui, oui, il est plus facile de faire le lien", a commenté Trapero.

Selon les Mossos, les artificiers et experts en explosif envoyés à Alcanar ne sont parvenus à déterminer la nature exacte de l'explosion que tardivement, à peu près au moment où Abouyaaqoub précipitait sa fourgonnette sur les passants des Ramblas.

LE GOUVERNEMENT RÉGIONAL SOUTIENT SA POLICE

Il semble que les Mossos n'aient pas non plus averti assez rapidement de l'explosion la police nationale et la garde civile à Madrid, unité la plus expérimentée en matière de terrorisme, indiquent des sources appartenant à ces deux entités des forces de sécurité.

Interrogé sur cette question de la coordination avec les Mossos et avec l'enquête, un porte-parole de la Garde civile a refusé de se prononcer. Le principal syndicat de la Garde civile avait déclaré mardi qu'elle avait été exclue de l'enquête.

Des sources font valoir qu'habituellement la coordination entre les Mossos et la police nationale est efficace et disent ne pas comprendre pourquoi dans ce cas précis les procédures n'ont pas été respectées.

Dans un premier temps, les policiers catalans ont soupçonné une fuite de gaz ou l'existence d'un laboratoire clandestin de confection de narcotiques en raison de la présence de bonbonnes de gaz et d'acétone utilisées dans ce type de trafic.

L'envoi d'une équipe de spécialistes en explosif à Alcanar aurait permis d'établir rapidement un lien avec les techniques employées par le groupe Etat islamique pour confectionner des bombes, estime Salvador Burguet directeur de l'agence espagnole du renseignement AICS. Selon lui, les éléments retrouvés sur place étaient typiques des modes opératoires du groupe djihadiste.

Les Mossos pensent que les explosifs se sont déclenchés accidentellement, tuant trois des douze membres qui composaient la cellule terroriste. C'est cet imprévu qui aurait convaincu les autres de modifier leurs projets et de choisir une attaque au véhicule bélier.

Malgré les critiques, le gouvernement catalan, qui prévoit toujours d'organiser un référendum le 1er octobre sur l'indépendance de la région, a salué l'action de sa police.

"Je veux remercier les Mossos d'Esquadra pour leur efficacité. Ils ont montré un grand professionnalisme, en étroite coordination avec le reste des forces de sécurité de Catalogne et de l'Etat", a déclaré Carles Puigdemont, le président de la région.

Les autorités catalanes affirment que la police autonome est en mesure d'agir efficacement sans l'appui du gouvernement de Madrid. Cette force de sécurité n'était pas représentée lors des réunions internationales consacrées à la lutte contre le terrorisme car elle ne constitue pas une entité nationale.

(Pierre Sérisier pour le service français, édité par Tangi Salaün)