Forte participation au référendum du Kurdistan irakien

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Forte participation au referendum du kurdistan irakien[reuters.com]
(Crédits : Azad Lashkari)

par Maher Chmaytelli et Ahmed Jadallah

ERBIL, Irak/ISTANBUL (Reuters) - Les habitants du Kurdistan irakien autonome ont voté lundi dans le cadre du référendum d'autodétermination organisé malgré l'hostilité de Bagdad et des pays voisins.

Les bureaux de vote ont fermé à 18h00 (15h00 GMT) et les résultats définitifs seront annoncés dans les 72 heures. Le "oui" à l'indépendance devrait l'emporter largement, mais ce scrutin à l'issue non-contraignante a d'abord pour but de légitimer les revendications séparatistes de la région auprès de Bagdad.

Selon la chaîne de télévision locale Roudaou, la participation atteignait 76% à une heure de la clôture.

"Nous attendions ce jour depuis 100 ans", a déclaré un électeur, interrogé dans la file d'attente dans une école d'Erbil, capitale du Kurdistan autonome. "Nous voulons avoir un Etat, si Dieu le veut. Aujourd'hui, c'est la fête pour tous les Kurdes".

Tous les habitants de 18 ans et plus dûment inscrits, qu'ils soient kurdes ou non, étaient appelés à voter, ce qui représente 5,2 millions de personnes, selon la commission électorale.

La Turquie, l'Iran et la Syrie, qui craignent que la consultation n'attise les velléités séparatistes de leurs propres minorités kurdes, ont fait pression en vain sur Massoud Barzani, président de la région, pour qu'il renonce à ce référendum.

Dès la clôture des bureaux de vote, l'armée irakienne a annoncé le début de grandes manoeuvres militaires avec son voisin turc à la frontière entre les deux pays.

A Ankara, les autorités turques ont annoncé lundi matin qu'elles prendraient "toutes les mesures" possibles dans le cadre du droit international en cas de menace pour la sécurité nationale.

Le ministère turc des Affaires étrangères a fait savoir qu'il ne reconnaîtrait pas le résultat du référendum. Ankara a en outre menacé lundi d'intervenir militairement en Irak si la population turkmène y est visée.

ANKARA MENACE DE FERMER LES VANNES

Le président Recep Tayyip Erdogan, attendu le 4 octobre en Iran, y évoquera par ailleurs les mesures de rétorsion qui pourraient être mises en oeuvre. "Après cela, nous verrons par quels moyens le gouvernement régional du nord de l'Irak exportera son pétrole et où il le vendra. Nous avons le robinet. Quand nous le fermerons, ce sera terminé", a-t-il averti lundi.

Un couvre-feu nocturne a été décrété dans le gouvernorat de Kirkouk, où se trouvent les principaux gisements, dont la production transite par la Turquie.

La décision des autorités locales de participer au référendum a attisé les tensions entre communautés dans cette zone où vivent Kurdes, Arabes et Turkmènes.

Le gouvernement iranien a quant à lui ordonné la suspension des vols directs à destination et en provenance du Kurdistan autonome. Pour le général Yahya Rahim Safavi, conseiller militaire de l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la révolution, la consultation est une "trahison".

A Bagdad, les autorités irakiennes ont demandé aux étrangers de cesser toute transaction pétrolière directe avec Erbil et ont demandé au gouvernement autonome de lui rendre le contrôle de ses aéroports internationaux ainsi que des postes-frontière avec l'Iran, la Turquie et la Syrie.

Les Kurdes irakiens considèrent ce scrutin comme le fruit légitime de leur contribution à la lutte contre l'Etat islamique, qui s'est emparé d'un tiers de l'Irak à la mi-2014. Profitant de la déroute de l'armée irakienne, les peshmergas kurdes se sont alors rendus maîtres de Kirkouk, ce qui a empêché les djihadistes de mettre la main sur les gisements pétroliers.

Les Kurdes, qui sont aujourd'hui 30 millions, se sont trouvés disséminés en Irak, en Iran, en Syrie et en Turquie après le démantèlement de l'empire ottoman à l'issue de la Première Guerre mondiale.

(Maher Chmaytelli et Can Sezer; Eric Faye et Jean-Philippe Lefief pour le service français)