Les Français qui ont accumulé une montagne de cash sur leurs comptes en banque depuis le début de la pandémie vont-ils la consommer ? C'est une question clé pour anticiper la robustesse de la reprise en 2022. D'après les derniers travaux dévoilées par l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ce mercredi 13 octobre, la croissance de l'économie française pourrait rebondir de 6,2% en 2022 au lieu de 4% si une partie de cette épargne était fléchée vers la consommation.
Les économistes estiment que plus de 151 milliards d'euros ont été accumulés par les ménages Français depuis le début de la pandémie. "L'épargne est un élément crucial de notre scénario", a déclaré l'économiste Christophe Blot lors d'un point presse.
Après trois confinements et une très longue période de restriction, beaucoup de Français n'ont pas pu consommer lors de voyages, restaurants, de séjours en hôtels et énormément de loisirs.
De son côté, le gouvernement a révisé à la hausse ses prévisions de croissance pour 2021 de 6% à 6,25% lors d'une récente présentation à l'Assemblée nationale. L'exécutif s'aligne ainsi sur la plupart des instituts de prévision comme l'Insee, la Banque de France ou encore l'OFCE qui table désormais sur une hausse du PIB de 6,3% en 2021 et 4,1% en 2022.
"Les nouvelles sont plutôt bonnes. Le climat des affaires se porte bien. La confiance des ménages est plus élevée qu'au moment de la crise des gilets jaunes alors que l'impact macroéconomique de la crise n'a rien à voir. Il y a eu cet été un bond très fort de la consommation avec la levée des mesures prophylactiques", a affirmé l'économiste Mathieu Plane.
Un scénario de désépargne plutôt optimiste soumis à plusieurs aléas
La prévision d'une croissance de 6% en 2022 peut paraître optimiste même si ce n'est pas leur scénario principal. Ils font le pari d'un retour progressif du taux d'épargne à son niveau d'avant crise d'ici au second semestre 2022. Le taux passerait d'un pic de 28% au second trimestre 2020 à un ratio proche de 0% à la fin de l'année 2022.
Dans leur modèle, ils tablent sur la consommation d'un cinquième du total de l'épargne accumulée. C'est à dire environ 30 milliards d'euros, soit l'équivalent du plan d'investissement annoncé par Emmanuel Macron pour bâtir la France de 2030.
Il reste que cette projection est soumise à plusieurs aléas. A ce stade, il est encore difficile d'anticiper le comportement d'épargne des ménages.
"Nos arguments pour une désépargne est que c'est une épargne plus liquide, facilement mobilisable pour consommer. Elle est « subie » et non « désirée », les perspectives sanitaires et sur le marché du travail sont favorables, et le gouvernement n'a pas annoncé d'austérité budgétaire ou fiscale", a affirmé l'économiste Mathieu Plane lors d'un échange avec des journalistes.
"D'une part, la France n'est pas le seul pays à désépargner. Tous les autres pays désépargnent. D'autre part, les ménages se sont habitués à vivre avec les contraintes sanitaires. Les chiffres ont montré qu'on est revenu à des niveaux de consommation proches de ceux d'avant-crise malgré les jauges et les pass sanitaires", a-t-il ajouté. La question d'une épargne de précaution semble désormais écartée par les économistes.
Inégalités face à l'épargne
Parmi les incertitudes, figurent la répartition de l'épargne au sein des catégories socioprofessionnelles. En effet, la plupart des travaux d'économistes ont montré qu'une grande partie de l'épargne avait été accumulée par le sommet de la pyramide des ménages. Ce que rappelle très bien d'ailleurs le centre de recherches rattaché à Sciences-Po Paris.
"Près de 80% de l'épargne accumulée est détenue par 25% des ménages les plus aisés dont le poids en consommation de services d'hôtellerie-restauration, de transports et d'activités culturelles est élevé", rappelle Mathieu Plane.
Dans le même temps, la propension à consommer chez les ménages les plus modestes est souvent plus importante. La mise en œuvre de la réforme de l'assurance-chômage le premier octobre dernier, qui devrait réduire les revenus de plus d'un million de demandeurs d'emploi selon une étude de l'Unedic, pourrait baisser la confiance des ménages concernés.
Enfin, si la plupart des économistes et des banques centrales prévoient un coup de frein de l'inflation dans les mois à venir, les tensions récentes sur les prix de l'énergie pourraient se prolonger et avoir un impact sur le pouvoir d'achat des Français.
Un taux de chômage attendu entre 6% et 8% en 2022
Sur le front de l'emploi, la pandémie a donné le vertige à la plupart des économistes. Les critères de définition du taux de chômage au sens du bureau international (BIT) se sont révélés inadaptés aux conséquences de la crise sanitaire sur le marché du travail et aux mesures de chômage partiel.
"La situation sur le marché du travail est complètement incompréhensible. On aurait dû avoir environ 700.000 emplois détruits et on a eu finalement la création de 145.000 emplois. On est dans monde où même en récession, les économies créent de l'emploi", a indiqué Eric Heyer.
Alors que la situation économique tend à se normaliser, les économistes de l'OCFE prévoient un intervalle de chômage entre 6% et 8% l'année prochaine. Dans le cas d'un chômage à 6% (proche du plein emploi), il faudrait que les créations d'emplois soient très dynamiques. Or les conjoncturistes, dans leur scénario central, ne s'attendent pas vraiment à une croissance riche en emplois pour l'année prochaine.
"Sur le marché du travail, le vif rebond est tirée par la croissance. Plus de 300.000 emplois seraient crées en 2021. En 2022, l'économie française pourrait créer 110.000 emplois. La croissance seraient moins riche en emplois. Nous nous attendons à une légère hausse du taux de chômage à la fin de l'année 2022 en raison notamment d'un retour des personnes sur le marché du travail", a déclaré Mathieu Plane.
En effet, beaucoup de personnes éloignées de l'emploi avec la crise pourraient se rendre disponibles pour retrouver du travail. Ce qui pourrait accroître la population active et freiner la baisse du chômage. Ce qui ne serait pas forcément une bonne nouvelle pour inciter les Français à dépenser rapidement leur bas de laine.