Roumanie : cinq choses à savoir sur les manifestations contre la corruption

Plusieurs manifestations ont eu lieu en Roumanie depuis dimanche soir pour protester contre le projet gouvernemental dépénalisant certains délits tels que l'abus de pouvoir.
Grégoire Normand
La place Victoria à Bucarest était remplie de manifestants le 29 janvier dernier.

Des manifestations d'une ampleur inégalée depuis la fin du régime communiste en 1989 ont eu lieu dans la capitale du pays Bucarest et dans d'autres villes depuis dimanche soir. Selon un bilan relayé par Courrier International, il y aurait eu 120 interpellations et quatre blessés. Un mois seulement après le retour des sociaux-démocrates au pouvoir, la colère contre l'assouplissement des lois contre la corruption ne semble pas redescendre.

1- Pourquoi de telles manifestations ?

Plus de 250.000 personnes ont manifesté mercredi soir au moment le plus intense des mobilisations et 80.000 jeudi soir. Le principal motif des mobilisations concerne un décret adopté mardi soir en catimini. Le décret vise à dépénaliser certains abus de pouvoir dont les conséquences financières sont inférieures à 200.000 lei (44.000 euros). Il mettrait fin aux poursuites engagées contre le chef de file du Parti social-démocrate (PSD) et président de la Chambre des députés de Roumanie, Liviu Dragnea.

liviu dragnea

Le chef de file du Parti social-democrate (PSD), Liviu Dragnea en décembre 2016 lors d'une conférence de presse. Crédits : Inquam Photos/Reuters.

2- De quoi est soupçonné Liviu Dragnea ?

Le président de l'assemblée des députés roumains est soupçonné d'avoir utilisé son influence pour faire embaucher deux membres de son parti entre 2006 et 2013. Cet élu a été condamné à deux de prison avec sursis pour fraudes lors d'un référendum en 2012. Il avait organisé "un bourrage des urnes" pendant ce référendum portant sur la destitution du président Basescu. Liviu Dragnea avait par la suite exclu Valeriu Zgonea le président de la Chambre des députés du PSD. Ce dernier et d'autres avaient demandé la démission de Liviu Dragnea de la présidence du parti. Selon Reuters, des dizaines d'autres responsables politiques pourraient bénéficier du décret.

Sorin Grindeau

Le Premier ministre roumain Sorin Grindeanu. Crédits : Inquam Photos/Reuters.

3- Un gouvernement qui fait bloc

Le chef du gouvernement social démocrate Sorin Grindeanu a déclaré n'avoir nulle intention de revenir sur ce décret adopté mardi soir et qui devrait entrer en vigueur dans un peu plus d'une semaine. Le Premier ministre ne semble pas vouloir reculer, en dépit des manifestations qui prennent une ampleur depuis la chute de Nicolae Ceaușescu en 1989. En revanche, Florin Jianu, ministre pour le Milieu des affaires, le Commerce et l'Entrepreneuriat a annoncé sa démission ce jeudi 2 février en raison d'un désaccord avec le gouvernement. Il a rendu public son départ sur sa page Facebook en déclarant : "Je ne veux pas avoir à dire à mon enfant que j'ai été lâche et que j'ai soutenu quelque chose auquel je ne croyais pas".

4- Quelles sont les raisons avancées par le gouvernement pour justifier ce décret ?

Dans une lettre adressée au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, Sorin Grindeanu a justifié un tel décret pour réduire la surpopulation carcérale. Ce qui n'a pas manqué de faire réagir de nombreux citoyens roumains.  Dans un communiqué publié sur le site de la Commission européenne, M.Juncker a déclaré que "la lutte contre la corruption a besoin d'être soutenue, pas défaite. Nous suivons les derniers développements en Roumanie avec une grande inquiétude".

5- Une corruption encore bien présente

Dans un rapport publié par l'ONG Transparency International il y a quelques jours, la Roumanie se place à la 57e position sur 176 pays retenus dans un classement relatif à l'indice de perception de la corruption (*).

>> Lire aussi : Corruption : l'ONG Transparency s'inquiète de la montée des populismes

Dans une autre publication concernant cette fois l'Europe, l'ONG notait que 49% des Roumains interrogés lors d'une enquête annuelle pensaient que la corruption est un problème majeur dans leur pays. L'ancien pays communiste est l'un des pays européens les plus mal jugé par sa population sur le sujet de la corruption.

Malgré tout, les institutions européennes ont noté des progrès réalisés par le pays dans le domaine de la justice et de la lutte contre la corruption depuis son entrée dans l'UE en 2007. Dans un rapport (**) de la Commission européenne adressé au Parlement européen et au Conseil le 25 janvier dernier, les auteurs ont mis en exergue ces efforts :

"Les rapports [...] de la Commission pour les années 2014, 2015 et 2016 ont pu mettre en évidence une tendance positive et un solide bilan indiquant des progrès considérables et une irréversibilité croissante des réformes réalisées au titre du mécanisme. Cette tendance positive s'est confirmée en 2016, continuant d'afficher un solide bilan pour les institutions judiciaires à un moment de renouvellement des dirigeants, ainsi qu'une forte dynamique du gouvernement en faveur du renforcement de la prévention de la corruption."

Avant de rentrer en vigueur, le décret adopté mardi dernier doit encore être validé par la Cour constitutionnelle la semaine prochaine. En attendant, les protestations des Roumains ne devraient pas redescendre ce week-end face à un gouvernement qui semble inflexible.

 (*) L'Indice de perception de la corruption 2016 porte sur les perceptions de corruption dans le secteur public dans 176 pays.

(**) Ce rapport fait référence à un mécanisme de vérification et de surveillance pour que la Roumanie puisse enfin intégrer l'espace Schengen.

Grégoire Normand
Commentaires 2
à écrit le 04/02/2017 à 10:31
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Déstabiliser un pays, clair qu'ils ont de l'entrainement vu ce qui s'est passé en Amérique du sud. Et pour placer un anti-Poutine, après, ça va tout seul.

à écrit le 03/02/2017 à 19:45
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@ BONSOIR : La nouvelle LOI ROUMAINE SUR LES POTS DE VIN INTERRESSE AU PLUS HAUT POINT NOS POLITICARDS ! n'est pas monsieur FILLON .... M. SARKOZY ... M. COPPE ... . BALKANY ET LE RESTE DE LA CLIQUE !

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