La liberté, seule garante de la confiance

ENTRETIEN. Mathieu Laine vient de publier « Il faut sauver le monde libre » (Plon). Promoteur du libéralisme économique et politique, il explique pourquoi c'est le seul système capable de restaurer la confiance.
Mathieu Laine, entrepreneur et fondateur de la société de conseil Altermind.
Mathieu Laine, entrepreneur et fondateur de la société de conseil Altermind. (Crédits : Juliette Valtiendas)

LA TRIBUNE - Dans l'introduction de votre livre, vous dites que « les valeurs du monde libre sont les garantes autant que les moteurs de la société de confiance ». Pouvez-vous expliquer comment ?

MATHIEU LAINE - Ce que j'ai appelé le monde libre, c'est tout un univers de principes essentiels passés au tamis de l'Histoire et structurant notre destinée. Ces valeurs, ce sont la liberté, la responsabilité, la propriété, la protection de la personne humaine, la séparation des pouvoirs, la sécurité juridique, la démocratie, le pluralisme et la libre confrontation des idées contraires. Elles ont fini par borner efficacement nos vies et sont devenues les piliers de notre développement. Elles sont les garantes autant que les moteurs de ce qu'Alain Peyrefitte a appelé, dans un livre merveilleux, la société de confiance. À l'opposé du matérialisme historique, « le sésame du développement, c'est la personne humaine », nous dit Peyrefitte, et le contexte idéal pour que le plus grand nombre s'émancipe, c'est la confiance accordée à l'initiative personnelle, à la liberté en tant que matrice de création et d'invention, tout en bornant celle-ci grâce à l'État de droit. Toutefois, au fil des siècles, le monde libre est devenu notre quotidien. L'Occident, qui ne représente plus que 12 % de l'humanité, a fini par lui tourner le dos. Ce monde de paix et de prospérité, qui a tant contribué à l'amélioration de nos vies, c'est le nôtre et nous n'y prêtons plus attention. Comme l'air que l'on respire, comme l'eau que l'on boit. Il est urgent de réagir pour sauver le monde libre !

La crise de confiance à l'égard des institutions (politique, médias) se durcit, comme l'a montrée la crise des « gilets jaunes ». Comment y remédier ?

Nourris de ces émotions à jamais mauvaises conseillères que sont la colère, la peur et l'envie, nous défions nos valeurs et lui préférons, c'est vrai, d'autres modèles. Les extrêmes, autrefois cantonnés à des scores non menaçants, se sont nourris de ces élans de frustration. Ce faisant, nous faisons fausse route et nous devons d'abord le démontrer. En prenant du recul, en analysant les données disponibles, on perçoit très vite notre chance immense de vivre dans un monde qui a su s'appuyer sur ces matrices. Nos valeurs essentielles ont réalisé des merveilles en nous offrant objectivement un monde où l'on vit en paix, mieux, plus longtemps, en meilleure santé, où l'on est davantage prospère, moins pauvre et plus en sécurité. S'il fallait d'ailleurs choisir un temps et un lieu où passer notre existence, sans pouvoir décider ni de notre classe sociale, ni du lieu où nous arriverions sur Terre, il serait fou de se prononcer pour une autre époque que la nôtre. Bien plus que renier ces valeurs qui nous ont faits, il nous faut en réalité nous réconcilier avec elles, les redécouvrir, nous les réapproprier. Car ce ne sont pas elles qui nous ont trahi, mais nous qui les avons piétinées. Et pour mieux nous en convaincre, on pourra également décrypter les solutions alternatives... qui finissent toutes par brider la personne humaine au lieu de contribuer à son émancipation.

Vous dites : « Nous avons une confiance absolue dans les algorithmes qui prennent des décisions à notre place ». Mais conjointement, la technologie fait peur. Ces deux réactions ne sont-elles pas paradoxales ?

Je crois, à l'inverse des discours alarmistes, au potentiel bénéfique des algorithmes dès lors que nous les comprenons et les maîtrisons. J'en appelle d'ailleurs à la rationalité sur ce sujet comme sur d'autres et je regrette qu'on les accuse par principe. Tout dépend en réalité de ce que l'on en fait. Comme le dit Aurélie Jean, cette scientifique numéricienne formée au MIT et spécialisée sur ces questions, qui est senior advisor chez Altermind, la société de conseil que j'ai créée, de même que le nucléaire a malheureusement permis d'inventer la bombe atomique, il a tout heureusement ouvert le champ de la médecine nucléaire. Pour se déjouer des caricatures, il est donc essentiel que nous tous, développeurs ou utilisateurs, portions un regard responsable sur les outils que nous utilisons et que nous renouions avec la culture scientifique pour innover et préserver le débat public tout en faisant de chacun un utilisateur éclairé.

Le système capitaliste actuel est-il le mieux placé pour restaurer la confiance? Pourquoi?

Bien sûr, le capitalisme a ses failles et il faut les regarder en face pour toujours l'améliorer. C'est ce que je fais dans mon dernier livre. Mais ces dernières décennies, nos valeurs essentielles ont été malmenées bien moins par le capitalisme que par l'interventionnisme excessif, une maladie qui se prend pour son remède. À force de faire grossir l'État, à mesure qu'on l'a laissé régenter l'intégralité de nos existences, défiant et engourdissant nos capacités d'action et d'adaptation, notre rapport au risque, notre sens de la responsabilité personnelle, le travail, le mérite et l'effort ont fini par être découragés. Que l'on vive en Europe ou aux États-Unis, notre monde a battu tous les records en matière de dette publique, de dépense publique, d'impositions et prélèvements, de réglementation, de surveillance et de complexification de notre quotidien. Au temps des crises, l'aléa moral s'est imposé, nationalisant les pertes et privatisant les gains, et les fins de mois sont toujours difficiles pour beaucoup trop de gens. Le modèle très redistributif dont la France incarne le fer de lance ne nous a pas épargné les « gilets jaunes ». C'est donc bien que cela ne fonctionne pas... Avant de nous jeter dans des bras autoritaires qui, plutôt que de mettre le peuple au pouvoir, substitue une élite à une autre et menacent de sacrifier la liberté politique sur l'autel de la préservation de leur pouvoir, nous ferions mieux de nous réconcilier avec les principes essentiels qui ont fait le succès de notre civilisation. Le capitalisme, comme le disait Churchill de la démocratie, c'est finalement « le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres » . Et cela, il ne faut jamais l'oublier !

Commentaires 3
à écrit le 19/07/2019 à 12:40
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Le monde libre ?!!!!! C'est marrant d'avoir ceux qui jouissent des facilités de l'état, qui parle de libéralisme tout en voulant garder des avantages !!! Le monde libre, pour les 1%, pour qui vous parlez? qui sont ceux qui sèment la mort dans t...

à écrit le 18/07/2019 à 16:09
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Le libéralisme de l'occident nous chante la douce mélodie du python Kaa : "aie confiance, aie confiance" !

à écrit le 18/07/2019 à 12:13
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"Tout dépend en réalité de ce que l'on en fait." Merci. Et c'est dans tous les domaines de la sorte, un couteau peut vous sauver la vie comme vous l'ôter, il serait temps d'arrêter de désigner l'outil comme ennemi, c'est aussi grotesque qu'improd...

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