Condamné pour dénigrement, Sanofi-Aventis entre dans l'Histoire

Selon l'Autorité de la concurrence, le groupe pharmaceutique français a clairement élaboré une stratégie de dénigrement des produits génériques fabriqués par ses concurrents. Pour cette raison, il est notamment condamné à une amende de 40,6 millions d'euros qu'il devra payer très rapidement. Le laboratoire fait appel de cette décision. L'enquête de l'Autorité de la concurrence soulève beaucoup de questions.
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C'est une première française et même européenne. Ce mardi, l'Autorité de la concurrence a condamné le groupe français Sanofi-Aventis à verser une amende de 40,6 millions d'euros pour avoir abusé de sa position dominante en mettant une place une stratégie de dénigrement à l'encontre des génériques de Plavix, le quatrième médicament le plus vendu au monde. Avant la "générification" de ce médicament, il était en 2008 le premier poste de remboursement de l'assurance maladie, "coûtant" 625 millions d'euros aux comptes sociaux. L'Autorité a été saisie par le groupe israélien Teva Pharmaceutical Industries, via sa filiale française Teva Santé. "Il s'agit de la première décision de sanction pour dénigrement dans le secteur pharmaceutique", explique l'autorité de la concurrence.

Une stratégie très claire

Comment Sanofi-Aventis a-t-il procédé ? « De nombreux témoignages montrent que les visiteurs et délégués médicaux de Sanofi-Aventis ont directement indiqué aux professionnels de santé rencontrés que les génériques présentaient un risque pour la santé des patients : possible dangerosité ou prétendu manque d'efficacité », constate l'Autorité. Le caractère « trompeur » du discours du laboratoire a conduit les visiteurs à formuler des incitations claires aux médecins pour les médecins, à faire obstacle à la substitution des génériques en faisant usage de la mention 'non substituable'. Aux pharmaciens, il était conseillé de se fournir en « copie conforme » : le Clopidrogel-Winthrop, le propre générique de Sanofi-aventis dont les résultats commerciaux sont bien supérieurs à ceux des autres génériques.

A la demande du laboratoire - l'Autorité a obtenu de celui-ci des documents internes qui précisent sa stratégie de dénigrement - les forces de ventes du laboratoire n'ont pas respecté le code de déontologie de la visite médicale. Dans certains cas, des visiteurs ont même été encore plus incisif.

Les failles du système de santé

Sanofi-Aventis a profité de quelques-une des failles majeures du système de santé français. D'une part, la formation continue des médecins est essentiellement assurée par l'industrie pharmaceutique. D'autre part, les laboratoires qui fabriquent des génériques n'ont pas les moyens de s'offrir une force de vente capable d'informer les médecins, seuls les pharmaciens étant « visités ».
Enfin - et surtout ? -, les professionnels de santé rechignent à interpeller l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ASNM). Par crainte, par peur de froisser un géant du secteur ? L'Autorité de la concurrence avoue ne pas avoir la réponse.

Une amende pas si négligeable

Certes, infliger une amende de 40,6 millions d'euros - qui sera payé dans les deux mois assure l'Autorité - à une entreprise qui appartient à un groupe ayant affiché un chiffre d'affaire mondial consolidé de 34,9 milliards d'euros en 2012, paraît assez peu dissuasif. "Mais cette somme représente environ 20% du chiffre d'affaires du Plavix en 2010, année de référence du dossier instruit", explique l'Autorité.
Par ailleurs, assure l'Autorité qui oblige également le laboratoire à publier cette décision dans deux journaux professionnels, le risque "réputationnel" est très élevé, d'autant plus que ce jugement est inédit en France et en Europe. Un caractère exceptionnel qui ne devrait être que temporaire. D'ici la fin de l'année, l'Autorité de la concurrence rendra son jugement dans le dossier Subutex, une plaine pour dénigrement ayant été déposée par le génériqueur Arrow  contre Schering-Ploug. Un troisième dossier - Ratiopharm estime que  Janssen-Cilag dénigre sa copie du Durogésic - sera jugé avant la fin du premier semestre 2014. Pour calculer le montant de cette amende, l'Autorité s'est bésée sur les calculs de l'assurance maladie et son estimation des économies non réalisées. C'est une estimation "prudente" estime l'Autorité qui regrette que le laboratoire ait ainsi renforcé le doute sur la qualité des médicaments génériques, déjà élevé en France. Cette défiance expliquerait le fait que seuls 25% des médicaments consommés en France soient des génériques, contre 70 % en Allemagne.   

Sanofi-Aventis se défend

Sans réelle surprise, le laboratoire se défend. Pendant la conférence de presse de l'Autorité de la concurrence, il a publié un communiqué indiquant que Sanofi n'avait "jamais remis en cause la bioéquivalence des génériques de Plavix" et "qu'un recours devant la cour d'appel de Paris" serait déposé.
 

Commentaires 7
à écrit le 15/05/2013 à 6:03
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Remarquons que cette condamnation française frappe la première capitalisation française. Elle profite directement aux firmes concurrentes étrangères. Sanofi ne peut pas tout se permettre mais peut t'on penser que la concurrence mondiale est une petit...

à écrit le 15/05/2013 à 3:57
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La recherche a toujours coûté cher et cela ne va pas changer. En France nous payons les médicaments bien plus cher que dans la plupart des pays de l'union. Les laboratoires pharmaceutique ne veulent pas que le marché français n°1 de la consommation e...

à écrit le 14/05/2013 à 17:23
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si on veut supprimer la recherche de nouveau médicament alors favorisons les génériques, ainsi aucun progrés dans le traitement des maladies ne sera réalisé. c'est peut être les malades ( ou la sécu et les mutuelles) qui payent, mais pas seulement le...

le 15/05/2013 à 8:22
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Remarque peu sensée voire plus. On n'oblige personne à prendre des médicaments ? Personne ne choisit non plus d'être malade ! Quant à croire qu'aider les labos à faire des maxi-profits sur le dos du contribuable est bon pour la recherche, on ne peut...

à écrit le 14/05/2013 à 13:14
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Je pense que l'on devrait aller plus loin et démettre les dirigeants de ces entreprise "d'état". Les médicaments sont en effet payés par les français qui commencent seulement à s'en rendre compte... Il s'agit donc de vol à leur encontre. Un médicamen...

le 14/05/2013 à 16:24
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et d'une manière générale il faut sanctionner toutes les entreprises françaises qui marchent ( c'est suspect), et tant pis si cela favorise la concurrence étrangère !

le 14/05/2013 à 18:36
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Le jugement à l'encontre de Sanofi est juste, et met bien avant le fait que l'industrie pharmaceutique n'a pas encore compris qu'elle n'avait plus rien à gagner en continuant son mode de communication à l'ancienne. Défiance du consommateur, procès en...

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