Le made in France peut-il enfin décoller en Chine ?

Le gouvernement espère tirer parti de la visite officielle du président chinois Xi Jinping et relancer la conquête de l'Empire du Milieu en pleine mutation économique et sociologique.
Fabien Piliu
La Chine peut-elle enfin devenir un Eldorado pour les entreprises françaises ?

La France remplacera-t-elle un jour l'Allemagne dans le cœur des chinois ? L'objectif est très ambitieux. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault espère donc profiter de la visite du président chinois Xi Jinping, qui débute ce mercredi et se terminera vendredi, pour donner un nouveau départ à la conquête économique de la Chine.

La France part de loin, de très loin même. Quand la part de marché de la France en Chine atteint péniblement 1,2%, celle de son partenaire et concurrent allemand s'élève à 4,8%. Quand les exportations de la France vers l'Empire du Milieu atteignaient 15 milliards d'euros en 2012, essentiellement des Airbus, des préparations pharmaceutiques et du vin, le montant des ventes des entreprises allemandes en Chine culminait la même année à 77 milliards d'euros.


Quatre fois moins d'exportateurs qu'en Allemagne

Les explications à ce retard sont connues. Nombreuses sont les études des économistes qui se sont penchées sur le sujet. Le faible nombre des exportateurs français - ils sont 100.00 bon an mal an quand l'Allemagne en recense quatre fois plus - et la supériorité des entreprises allemandes dans le domaine des biens intermédiaires sont les deux éléments régulièrement avancés. Le second point est essentiel. Lancée dans une industrialisation ultra-accélérée depuis le début des années 90, industrialisation planifiée par l'Etat avec des objectifs de production définis mois par mois, la Chine a, pour moderniser son appareil de production, fait le choix d'importer massivement des machines-outils allemandes, contribuant ainsi à l'explosion du Made in Germany à l'international.


Le succès allemand peut-il durer ?

Pour nos amis allemands, cette bonne passe peut-elle se prolonger durablement ? Certains en doutent. " Les Chinois fabriquent désormais leur propres machines-outils. Les sud-coréens également. Actuellement, sur dix machines commandées par les entreprises chinoises, sept viennent d'Allemagne, deux de Corée et une est fabriquée localement. Ces proportions pourraient bien évoluer au cours des prochaines années, sauf si les entreprises allemandes proposent des innovations de rupture qui leur donnent des années d'avance sur leurs concurrentes ", explique un agent commercial français basé à Pékin.

Par ailleurs, l'industrialisation à marche forcée de l'économie chinoise s'essouffle. Si, jusqu'en 2007, les prix chinois à l'exportation de produits manufacturés ont augmenté à peine plus vite que les prix mondiaux, la situation a changé. Entre la fin 2007 et la fin 2012, l'augmentation des prix chinois a été de 18 %, celle des prix mondiaux de seulement 8%. Pour le gouvernement chinois, l'enjeu est désormais de poursuivre la montée en gamme de la production locale, dont pourrait aussi profiter à l'innovation Made in France.


L'agroalimentaire français a une carte à jouer

L'ère de la consommation de masse succédant à celle de la production de masse, l'industrie française a la capacité de répondre aux appétits chinois de produits occidentaux, notamment des 400 millions d'habitants qui composent la classe moyenne sur une population totale estimée à 1,4 milliard d'habitants. Le made in France a une jolie carte à jouer, et pas seulement dans le luxe.

Le secteur agro-alimentaire tricolore fait partie de ceux qui peuvent espérer percer en Chine. C'est par exemple le cas du secteur viticole. Avec la fin de l'enquête anti-dumping menée par Pékin contre les exportateurs viticoles européens, en réponse à l'instauration par Bruxelles de taxes provisoires sur les panneaux photovoltaïques chinois, la France voit ses exportations repartir à la hausse. En 2013, elles se sont élevées à 546 millions d'euros, soit 71% des exportations européennes, suivie par celles de l'Espagne (89 millions) et de l'Italie (77 millions). Les exemples de ce type pourraient être cités à l'envie. Les exportations de produits laitiers et de fromages n'ont-elles pas bondi de 56% entre 2012 et 2013, celles d'aliments homogénéisés et diététiques - notamment les plats pour les enfants - de 42%, celles de viandes de boucherie et produits d'abattage de 10%, de céréales de 73% ?


Bond des exportations de biens de consommation

Le cabinet de Nicole Bricq qui voit également les ventes de quelques secteurs de niche s'envoler, notamment celles des articles de joaillerie (+33,5% à 48 millions d'euros), de ventes d'art (+158% à 32 millions d'euros) ou encore de bateaux de plaisance (+77% à 18 millions d'euros), précise : 

 

"Au total, nos exportations de biens de consommation, qui représentent aujourd'hui près d'un quart de nos exportations totales [24%], ont augmenté de 8,6% sur l'année 2013, à 3,5 milliards d'euros. Cette croissance, de 9,7% corrigée de l'appréciation de l'euro, est proche de la croissance du PIB nominal chinois [+9,5% en 2013]. Ainsi, les ventes automobiles progressent de 13,6% pour atteindre 794 millions d'euros. Elles sont composées pour deux tiers de pièces automobiles [en forte croissance, à +16,3%] et pour le tiers restant de véhicules assemblés, dont les ventes progressent de +8,3% en 2013. Nos exportations de vêtements, cuirs, chaussures et accessoires affichent une progression de +15,2% à 554 millions d'euros à un rythme [+20% en dollars] plus rapide que la croissance moyenne des importations chinoises dans ce secteur [+10,1%] et les résultats de certains de nos principaux concurrents [Italie : +6,9%] ". 


L'offre française pour mieux vivre en ville

Les entreprises françaises pourraient également profiter des opportunités offertes par l'exode continu des campagnes vers les villes. De Shanghai et ses 14 millions d'habitants à Qiqihar dans la province du Heilongjiang, au nord-est de la Chine, plus de soixante villes possèdent plus d'un million de résidents. " Les besoins en infrastructures des villes chinoises sont gigantesques. Nos entreprises ont la capacité de leur offrir des solutions complètes et adaptées à leurs besoins précis pour que cette urbanisation accélérée soit la moins anarchique possible ", explique-t-on à Bercy.

" La Chine affronte des défis d'aménagement gigantesques. Les villes chinoises verront circuler dès 2020 entre 134 et 145 millions de voitures [+9,5% par an], dans des espaces urbains toujours plus étendus… et plus embouteillés. La construction de 2 milliards de mètres carrés de logements neufs chaque année, la rénovation de 40 milliards de mètres carrés de logements existants pour améliorer leur efficacité énergétique seront nécessaires ", détaillent les auteurs de l'ouvrage intitulé " Le temps de la Chine, la France au défi du plus grand marché du monde " coédité par la Chambre de commerce et d'industrie française en Chine (CCIFC) et Félix Torres Editions.

Dans ce domaine, la France avance ses pions. Jeudi, dans le cadre de l'accord sur les éco-quartiers signé en 2010 avec le Ministère chinois du commerce (MOFCOM), qui devait s'appliquer prioritairement aux villes de Chengdu, Chongqing et Shenyang, Nicole Bricq, la ministre du commerce extérieur et Gao Hucheng, le ministre du commerce signeront ce jeudi l'accord sur les éco-quartiers, incluant le projet de Shenyang dont la surface s'élève à 10 kilomètres carrés. La signature de cet accord organise la coopération franco-chinoise pour la réalisation de ce projet en trois étapes : la définition des critères environnementaux qui s'appliqueront à l'éco-quartier puis plus généralement à la zone de développement, la réalisation du schéma directeur de l'éco-quartier et le lancement du développement avec la mise en place des coopérations techniques, technologiques et financières, des appels d'offres de construction et d'exploitation mais aussi l'installation d'entreprises sur la zone.


Une pluie de grands contrats ?

Ce n'est pas la seule signature qui pourrait être apposée en bas d'un contrat lors des trois jours de la visite présidentielle chinoise. Après la formalisation de l'accord sur l'entrée au capital du groupe PSA Peugeot Citroën de l'État français et du constructeur automobile chinois Dongfeng, l'annonce du resserrement du partenariat industrie entre Airbus Helicopters et la Chine, commande de 70 Airbis, le gouvernement espère notamment  le lancement par Areva d'une usine de retraitement des déchets nucléaires. Mais si la France veut véritablement avancer ses pions en Chine, elle ne peut se contenter de ses seuls grands et beaux contrats, aussi prestigieux soient-ils.


Speed dating à Bercy

C'est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé d'apporter également son soutien aux tricolores désireuses de partir à la conquête de la Chine. Jeudi matin, un Forum économique franco-chinois est organisé à Bercy. Des tables rondes sont organisées sur le thème du partenariat franco-chinois, sur le cofinancement et le co-investissement entre les deux pays. L'après-midi, une vingtaine d'entreprises de la délégation chinoise feront face à une centaine d'entreprises tricolores dans un exercice de speed dating.

Fabien Piliu
Commentaires 8
à écrit le 27/03/2014 à 8:01
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La Tribune est le journal européen que nous apprécions le plus. Et nous somme de plus en plus nombreux à le faire. Mais plus que tout , nous apprécions ses journalistes. Il est difficile de lire de meilleurs articles , dans la presse , de nos jour...

à écrit le 27/03/2014 à 2:09
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14 millions était la population de Shanghai en .... 2000. Aujourd'hui elle est de 24 millions !! Excusez du peu. Quand au nombre villes de plus d'1 million d'habitants, il est aujourd'hui estimé à 160 !! Un grand bravo à nos journalistes qui s...

à écrit le 26/03/2014 à 20:56
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Pas du tout. Absolument pas.

à écrit le 26/03/2014 à 20:46
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également en Allemagne: Les 43 A 320 sont également assemblés à Hambourg, Allemagne. Ces commandes ne sont pas exclusivement française...

à écrit le 26/03/2014 à 20:05
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bien sûr, si on est payé comme les chinois sinon, non

à écrit le 26/03/2014 à 17:37
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J'ai bien peur ne ne pas vouloir en avoir l'impression. Shocking , isn't it ?

à écrit le 26/03/2014 à 17:15
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Oui on devrait leurs vendre notre administration!!!

à écrit le 26/03/2014 à 17:14
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Oui..mais pas tant qu'il y aura les socialistes..donc non en fait.

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