Une structure de prélèvements peu favorable à l'emploi

Par Par Michel Aujean, associé Taj Société d'avocats
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La situation budgétaire en France amène à réfléchir aux pistes utiles tant pour conforter les recettes que pour renforcer la compétitivité, la croissance économique et l'emploi. Un examen attentif du niveau et de la structure des prélèvements obligatoires est révélateur du chemin à parcourir. Le niveau absolu et relatif des prélèvements obligatoires en France est particulièrement élevé (42,8 % du PIB), environ 3 points au-dessus de la moyenne pondérée de la zone euro. L'analyse de la pression fiscale selon les fonctions économiques (consommation, travail, capital) fait bien apparaître une forte taxation du travail et du capital. La fiscalité sur la consommation est assez basse en comparaison avec les autres pays européens : premier signal d'une structure peu favorable à l'emploi du capital et du travail et qui va à l'encontre des recommandations de l'OCDE sur les taxes pénalisant le moins la croissance !

 

Le poids apparemment élevé de la fiscalité indirecte est dû pour une part importante (4,3 % du PIB) à diverses taxes indirectes sur la production (et non la consommation). La recette de TVA (7 % du PIB) place la France au 20e rang et, selon l'OCDE, l'efficacité du système de TVA français est relativement faible, et n'a cessé de se dégrader depuis 1996. Il y a donc des marges de manoeuvre, en améliorant l'efficacité du système, pour accroître la recette collectée.

Les autres taxes sur la consommation, pour l'essentiel les droits d'accises, n'apportent qu'une contribution modeste de 2 % du PIB (26e rang dans l'UE) et en baisse régulière depuis 2000. La fiscalité directe est pour l'essentiel minée par les exceptions et les dépenses fiscales : l'IRPP est bien connu pour l'étroitesse de son champ d'application réel et c'est l'addition de la CSG et de la CRDS qui fait qu'aujourd'hui le rendement total de l'imposition des revenus a cessé d'être le plus faible d'Europe après la Grèce. La fiscalité du stock de patrimoine est en France parmi les plus élevées de l'Union européenne, 4,5 % du PIB : résultat du cumul de taxes tels l'ISF, les taxes foncières et les droits de mutation. Mais l'imposition des revenus du capital ne produit pas toutes les recettes attendues d'un des taux les plus élevés de l'UE (31,3 %) du fait des nombreuses exonérations et régimes particuliers (épargne réglementée, assurance-vie, niches fiscales) qui affectent le système. De son côté, la fiscalité des sociétés, dont on sait l'importance pour la compétitivité fiscale du pays, apparaît aujourd'hui paradoxale : avec un taux (331/3 %), le plus élevé de l'UE juste après Malte, l'impôt sur les sociétés ne produit que 6,5 % du total des recettes (22e rang dans l'UE). C'est dire l'importance des niches fiscales, qui interviennent dans ce résultat.

Enfin, le financement de la protection sociale très coûteux pèse fortement sur la compétitivité : plus de 52 % des prélèvements obligatoires français sont destinés à la protection sociale, contre environ 30 % dans l'UE. L'importance du coin fiscal et social (différence entre le coût total du travail pour l'employeur et le revenu net après cotisations et impôts perçu par un employé) est de 45,5 % pour un célibataire payé aux deux tiers du salaire moyen. Il est sensiblement inférieur dans le reste de l'UE à Vingt-Sept (moyenne : 37 %).

S'il faut se féliciter que la protection sociale ait apporté une contribution forte au maintien des revenus au cours de la crise, à plus long terme une telle situation n'est pas tenable et une remise à plat est au moins souhaitable. Il faut poser la question de la contribution que l'impôt peut apporter par comparaison avec ce qui provient des cotisations, si l'on veut éviter que la charge pesant sur le travail ne soit un obstacle insurmontable à l'emploi. Quelques marges de manoeuvre existent donc, conformes au message de l'OCDE : la TVA et les taxes sur la consommation peuvent apporter une contribution. Il faut réformer la fiscalité des sociétés pour, en élargissant l'assiette, se rapprocher de systèmes plus simples, efficaces et stables mais sans en attendre un supplément de recettes significatif. S'agissant de l'IRPP où la suppression des niches doit permettre de rétablir une plus grande justice fiscale.

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