Trois ans après la crise bancaire, l'Islande en quête de justice

Alors que s'est ouvert ce lundi le procès de l'ex-Premier ministre islandais Geir Haarde pour sa responsabilité dans l'effondrement du système financier de l'Islande en 2008, le président du pays a demandé à l'Union européenne d'ouvrir une enquête. L'objectif : déterminer pourquoi les Vingt-Sept ont permis à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas d'exercer une telle pression pour que l'Islande rembourse la faillite de la banque privée Icesave.
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La vengeance est un plat qui se mange froid, et l'Islande a déjà attendu trois ans. Alors que la croissance est de retour dans la petite république nordique avec une hausse de 2.7% du produit intérieur brut prévue en 2011 après une récession de 3.5% en 2010, que le chômage baisse, que les investissements reprennent et qu'un rapport du FMI de juin 2011 estime que le pays peut même se passer de la dernière tranche du plan d'aide de 1,6 milliard d'euros accordé en 2008, les autorités islandaises veulent maintenant régler leurs comptes.

Et c'est l'ex-Premier ministre, Geir Haarde, qui en fait les frais. Son procès pour étudier sa responsabilité dans l'effondrement du système financier de l'Islande en 2008 s'est ouvert ce lundi devant un tribunal spécial. L'événement est à marquer d'une pierre blanche : c'est la première fois que la Landsdomur, l'unique cour habilitée à juger les ministres ou les anciens membres du gouvernement, est convoquée. Sur décision de l'Althingi, le parlement, Geir Haarde est le seul responsable politique à comparaître pour répondre de son éventuelle responsabilité au cours de la crise financière, qui a conduit à l'effondrement des trois plus grandes banques du pays, qui détenaient à elles seules des actifs équivalents à 923% du produit intérieur brut.

Ouverture d'une enquête sur l'Union européenne

Une vendetta ne venant jamais seule, l'Islande s'en prend également à l'Union européenne. "Comment des Etats membres ont-ils pu accepter les demandes absurdes britanniques et hollandaises ?", s'est indigné le président Olafur Ragnar Grimsson. L'Islande a demandé à l'Union européenne l'ouverture d'une enquête pour déterminer comment elle a pu permettre à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas d'exercer une telle pression sur Reykjavik dans le dossier Icesave.

Suite à la faillite, en 2008, de cette filiale privée de Landsbanki, 340.000 ressortissants anglais et hollandais perdaient leurs actifs, ouvrant la voie à une crise diplomatique sans précédent entre l'Islande et le Royaume-Uni, qui exigeaient que Reykjavik rembourse à hauteur de 3,9 milliards d'euros. Malgré le vote d'une loi dans ce sens, le président ne l'a jamais promulgué, et les Islandais ont refusé deux fois par référendum de rembourser la faillite d'une banque privée. Si l'épilogue est finalement heureux pour l'Islande, c'est parce que Landsbanki a annoncé jeudi avoir récupéré des fonds suffisants pour rembourser toutes les  "réclamations prioritaires", c'est-à-dire tous les dépôts des épargnants étrangers. La Grande-Bretagne et les Pays-Bas vont ainsi pouvoir être indemnisés sans mettre les finances publiques islandaises à contribution.

Peu de résultats probables

Mais le recours en justice de l'Islande contre son ancien Premier ministre risque de se retourner contre le gouvernement. Le procès de Geir Haarde est sujet à controverse. L'accusé l'a qualifié de "farce" orchestrée par ses ennemis politiques, et s'est déclaré en juin dernier convaincu que lâcher les banques était la bonne solution pour retrouver à terme le chemin de la croissance. "Le système banquier s'est bien effondré, mais l'économie réelle, l'ensemble des capacités productrices du pays sont restées intactes et fonctionnent toujours", s'est-il défendu. Les avocats de l'ancien premier ministre vont d'ailleurs demander l'abandon des poursuites, sur la base d'une "absence d'équité face à la loi". "En n'inculpant qu'une seule personne, sur des bases arbitraires, sans fondement objectif ni raison légale, nous affirmons que le parlement a enfreint la Constitution islandaise", a déclaré la défense ce lundi.

En ces temps de crise aiguë dans la zone euro, le fait que l'Islande se préoccupe de trouver des responsables à la crise de 2008 ou à l'épineux dossier d'Icesave sont révélateurs, pour une partie de la presse islandaise, du fait que le pays semble sortie de sa période noire. Le prix Nobel d'économie Paul Krugman, proche des démocrates américains, fait même de l'Islande un modèle de sortie de crise. "L'Islande n'est plus sous contrôle du FMI, qui considère que le programme d'ajustement est un succès. Le pays a toujours un fort taux de chômage et est loin d'une récupération complète, mais il n'est plus en crise. Il a réussi à revenir sur les marchés internationaux de capitaux, a mené des politiques très hétérodoxes comme la répudiation de la dette, le contrôle des banques et la dépréciation de la monnaie. Ce furent des politiques totalement à contre-courant, mais elles ont fonctionné", écrivait l'économiste le 1er septembre sur son blog.

Commentaires 5
à écrit le 06/10/2012 à 10:23
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nous sommes tous des Islandais. Lâchez les banques comme elles nous lâchent quand nous sommes en difficulte. Les banques sont contreproductives pour l'ensemble de la societe, ce sont des outils de confiscation des biens de la nation aux profits des r...

à écrit le 06/09/2011 à 10:41
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En Europe le referendum est un dtoit...encadre par Barrisso et Junker qui roulent pour les banques et multinationales....donc pas de referendum mais des dettes pour tout le monde sauf banques. Si seulement on pouvait trainer au tribunal nos dirigeant...

à écrit le 06/09/2011 à 9:38
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LE TRAVAIL EST UN DROIT Article 23 de la déclaration universelle des droits de l'homme: 1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage...

à écrit le 06/09/2011 à 8:29
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nos fanfarons Français feraient bien d'en prendre de la graine, Lagarde comprise.

à écrit le 06/09/2011 à 7:43
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Ca fait rever ! Le seul pays qui a compris (ou a pu) comment dejouer les plans des speculateurs.

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