Pourquoi la nationalisation de Repsol irrite le secteur européen des biocarburants

Selon nos informations, les producteurs de biocarburants européens s'apprêteraient à porter plainte pour dumping contre l'Argentine mais aussi l'Indonésie, deux pays qui ont introduit des taxations privilégiant la transformation locale des huiles végétales sur l'exportation de la matière première.
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C'est un contrecoup inattendu, certes, mais logique de la nationalisation de Repsol par le gouvernement argentin : les producteurs européens de biofuel seraient, selon nos informations, sur le point d'attaquer l'Argentine et l'Indonésie devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), par le truchement de Bruxelles.

Retour en avril 2012 : la présidente Christina Kirchner met la main sur le fleuron pétrolier argentin. Pour des raisons peu claires, Repsol dénonce alors ses contrats avec les producteurs locaux d'huile de soja, avec laquelle il « coupe » son carburant pour pouvoir l'exporter en Europe. Rappelons qu'une directive européenne visant à soutenir le secteur des biocarburants pour des motifs écologiques oblige les Européens à consommer du pétrole contenant au moins 10% de matière non fossile. Privés de leur débouché local, ces huiles sont « détournées vers d'autres destinations européennes » et arrivent alors sur le marché européen à vil prix, indique cette source.

Une matière première vendue plus cher que le produit raffiné

Le choc est brutal, particulièrement dans le Sud de l'Europe. D'autant plus que cet « accident » s'ajoute aux effets désastreux de la politique commerciale agressive des deux pays émergents. Pour protéger leur industrie locale et encourager la transformation des produits pétroliers sur leur sol, l'Indonésie et l'Argentine ont introduit des « taxes à l'importation différentielles » qui font que « la matière première (huile de palme en Indonésie, huile de soja en Argentine) « est vendue plus chère que le produit fini », indique une source industrielle.

Résultat, mieux vaut importer directement le produit fini plutôt qu'opérer la transformation en Europe. Juste avant la nationalisation de Repsol, la tonne de biodiesel s'écoulait à 1.200 dollars, contre 1.300 dollars pour l'huile de soja. Juste après, cet écart augmente d'encore 50 dollars. L'Espagne et l'Italie sont particulièrement touchées. «Certains produisent à perte, la situation est critique », avec ruptures de production et faillites à la clé, indique cette source.

Les importations européennes de biocarburants tendent à augmenter

En 2009, les producteurs européens d'huile végétale pour carburants avaient obtenu de la Commission européenne la publication de mesures antidumping contre les Etats-Unis et le Canada. Détournées de façon éhontée par les Nord-Américains (qui diluait la concentration en huile pour échapper aux surtaxes), elles avaient été étendues en 2011. Mais c'est à présent un nouveau front de cette guerre commerciale qui s'ouvre, si la plainte en préparation était déposée. L'European Biodiesel Board qui regroupe environ 80 producteurs ou groupements dans 21 pays européens n'a pas confirmé.

L'Allemagne et la France se taillent la part du lion sur le marché européen du biodiesel, estimé autour de 10 milliards d'euros, avec respectivement 30% et 20% de la production. Sur les 11 millions de tonnes de biofuel consommés en Europe, seuls 2,5 sont importés. Mais cette part a tendance à augmenter.
 

Commentaires 2
à écrit le 19/07/2012 à 15:47
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Nous sommes dans une guerre commerciale mondiale. Pas de place pour les rêveurs, ni les simplets comme nos fonctionnaires de tout bord qui laisse la maison France et Europe ouverte à tous vents. Face à un pays qui respecte les régles, on les respecte...

à écrit le 18/07/2012 à 21:50
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La production des biocarburants aggrave le problème de la faim dans le monde. De plus, ces carburants soit-disant "renouvelables" (mon oeil !) ont une contribution microscopique (on pourrait même dire femtoscopique) dans la consommation de produits p...

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