Le nouveau Canal de Suez sera terminé pour l'été prochain

« Cadeau de l'Égypte au monde » pour le président El-Sissi, l'agrandissement du canal de Suez consistera en fait en un élargissement de 37 km du canal existant, augmenté d'une nouvelle portion de 35 km. D'abord prévue pour 2017, l'inauguration a été avancée... à la fin de l'été 2015, pour l'anniversaire de la nationalisation du canal.
L'agrandissement du canal de Suez permettra de réduire l'attente des cargos et de multiplier les passages. 80 % du financement - 64 milliards de livres égyptiennes, soit 7,5 Mds € - auraient été souscrits par des particuliers.

Rien ne semble impossible dans la course à l'inauguration du nouveau canal du Suez. 60 milliards de livres égyptiennes sont nécessaires pour son financement ? Qu'à cela ne tienne, le gouvernement a mis en vente des bons d'investissement que particuliers et entreprises sont invités à acheter dans un effort collectif « bism el ouma » , au nom de la Nation, selon l'expression de Nasser. Six milliards ont été récoltés dès le premier jour de souscription, et 64 milliards (environ 7,5 milliards d'euros) ont été levés avant même la fin de la période envisagée pour la levée de fonds. Plus de 80% auraient été achetés par des particuliers, ce qui n'est pas étonnant quand on sait la place que tient la nationalisation du canal de Suez par Nasser dans la construction de l'identité nationale égyptienne.

Une rente annuelle de 5 milliards de dollars

Annoncée le 26 juillet 1956 au cours d'un discours présidentiel resté célèbre, la nationalisation du canal de Suez engendre une rente annuelle de 5 milliards de dollars pour l'Égypte. Depuis l'effondrement du secteur touristique avec la révolution de 2011 et l'instabilité politique qui a suivi, cette rente représente aujourd'hui la première source de revenus du pays.

« C'est le cadeau légué par nos grands-pères et nos ancêtres, celui qu'ils ont créé avec leur sang et leurs larmes » a rappelé Mohab Mamish, le président de l'Autorité du canal de Suez, lors du lancement du projet en août dernier, à Port Saïd.

Une représentation de l'opéra de Verdi, Aïda, créé spécialement pour l'inauguration du canal en 1870, a même été programmée pour le mois de décembre au pied des Pyramides, en vue de la nouvelle inauguration.

L'Autorité du canal de Suez a d'abord travaillé sur un plan de réalisation en trois ans. Mais le président Sissi a révélé que le canal serait opérationnel à l'été 2015, une date qui paraît peu réaliste étant donné l'ampleur des travaux. Car en plus de l'agrandissement du canal, sont également au programme, à l'horizon 2018, l'aménagement de nouveaux ports et entrepôts dans les villes de Port Saïd, Damiette, Arish, une « vallée technologique » à Ismailia, une zone industrielle dans les environs de la ville de Suez et la construction des tunnels pour connecter les rives du canal entre elles. À cette fin, 15.000 ouvriers travaillent sur le chantier.

Bientôt plus de 90 passages par jour

Aujourd'hui, une quarantaine de bateaux empruntent le canal chaque jour : avec une deuxième voie, les bateaux pourront désormais circuler dans les deux sens et le canal comptera alors plus de 90 passages quotidiens. Concrètement, ces aménagements permettraient une réduction de huit heures d'attente sur le trajet des cargos. D'après les calculs de l'Autorité du canal de Suez, il faudrait un peu moins de 26 jours pour rallier la côte est des États-Unis depuis Shanghai en passant par le nouveau canal de Suez, contre 28 par le canal de Panama.

« Quelque 20-25 % des containers de Maersk transitent par le canal de Suez : c'est un passage stratégique pour nous, car notre axe principal, c'est la route Asie-Europe, et les frais y sont extrêmement compétitifs », déclarait la semaine dernière Michael Storgaard, porte-parole de la compagnie danoise Maersk, l'un des leaders du transport maritime mondial.

« Et cela restera le cas même quand Panama aura terminé ses travaux, car ils n'ont pas les mêmes capacités que le canal de Suez en ce qui concerne les plus grands navires ».

C'est en effet dans un contexte hautement concurrentiel qu'a débuté le chantier autour du canal de Suez. Car son principal rival, Panama, prévoit de construire une deuxième voie longue de 286 km à travers des zones humides et forestières. La fin des travaux y est prévue pour fin 2016, ce qui explique en partie l'urgence du gouvernement égyptien à précipiter l'inauguration de son mégaprojet.

Ce n'est pas dans la presse égyptienne, mais du côté des acteurs du transport maritime et des scientifiques qu'il faut chercher des bémols à ce grand chantier. Des rumeurs d'infiltration d'eau ont circulé dans les semaines qui ont suivi le début des travaux.

Puis, en septembre, un collectif de scientifiques internationaux a publié dans la revue spécialisée Biological Invasions un rapport dans lequel « l'absence d'études environnementales » en amont du projet est jugée « inquiétant ».

La réthorique nassérienne révisitée

Concernant la question de l'expansion du trafic, Michael Storgaard, de Maersk, émettait des réserves dans une entrevue en date du 16 novembre, publiée sur le site Ahram Online :

« Nous pourrions faire passer plus de bateaux s'il n'y avait pas ce système de convoi qui crée de l'inflexibilité dans la circulation des navires et risque d'augmenter avec les aménagements en cours », remettant en question les promesses de rentes exponentielles faites par le gouvernement égyptien.

« Je ne dis pas que ça ne va pas marcher, commente Amr Adly, chercheur au Carnegie Middle East Institute et spécialiste en économie politique. L'agrandissement du canal permet notamment de sous-traiter à des PME égyptiennes, donc de créer de l'emploi, mais ce qui est certain c'est que personne n'a réussi à avoir accès à des études de faisabilité du projet ».

Comme pendant la construction du barrage d'Assouan, des milliers de familles vivant à proximité du chantier ont été expulsées sans promesse de relogement ou de compensation, se retrouvant à la rue après dix jours de préavis, prouvant s'il le fallait que le canal n'avait pas seulement les qualités, mais aussi les défauts, d'un projet nassérien. La référence nassérienne n'est pas hasardeuse : c'est dans une rhétorique de « grands projets » que s'inscrit le président Sissi depuis son arrivée au pouvoir en juin 2013. Avant le canal de Suez, plusieurs projets ont été mentionnés comme autant de balises de son premier mandat : le projet de Tochka, initié sous Moubarak et visant à faire « reverdir » des centaines de milliers d'hectares dans les environs du lac Nasser, en Haute Égypte ; le canal de Jonglei au Sud Soudan, dont la réalisation, commencée en 1978, permettrait, si elle était effective, d'augmenter les apports en eau du Soudan et de l'Égypte en faisant dévier le Nil Blanc hors de la région des marais du Sud.

« L'idée derrière l'expression de mégaprojets, c'est de faire remonter la légitimité de l'exécutif actuel jusqu'à Nasser et de montrer que l'État va faire tout ce qui est en son pouvoir pour sauver l'économie », analyse Amr Adly. « Le problème, c'est que parmi ces grands projets qui ont été cités, aucun n'a vraiment fonctionné dans le passé, à l'exception du barrage d'Assouan ».

Commentaires 3
à écrit le 22/01/2015 à 17:43
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OUVRIR DES NOUVELLES VOIES POUR LE COMMERCE MONDIAL ? C EST TOUJOUR UNE BONNE NOUVELLE???

à écrit le 20/01/2015 à 9:28
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nôtre sécurité et celle de nos enfants . pour ce faire des mesures immediates et draconiennes doivent être prisent . fini le laxisme qui nous a conduit au tueries du 7 janvier

le 21/01/2015 à 17:45
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Le rapport avec le canal de suez?

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