Grèce : "On est face à un gros point d'interrogation"

Ana Dumitrescu est grand reporter et a notamment travaillé pour l'agence Gamma et le National Geographic. Elle présente mercredi son film, "Khaos, les visages humains de la crise grecque." Selon elle, la Grèce est aujourd'hui à un tournant et il est très difficile de prévoir quelle en sera l'issue.
Ana Dumitrescu est la réalisatrice du documentaire "Khaos, les visages humains de la crise grecque"

La crise grecque nous est souvent contée sous les angles macroéconomiques et politiques. Ana Dimitrescu, grand reporter, a fait le choix de vivre cette crise de l'intérieur, en prenant le pouls de cette population qui vit aujourd'hui au ralenti. "Khaos, les visages humains de la crise grecque," qui prend soin de ne pas tomber dans le parti pris, nous promène ainsi dans une Grèce à plusieurs visages, sans voix-off et sans commentaires, sinon ceux de la population elle même, et du fil conducteur, Panagiotis Grigoriou, historien et blogueur grec qui se pose en observateur de ses contemporains dans un pays en crise. Tous les profils y passent, de Dimitris qui songe à quitter le pays à Demosthène qui commente la politique française, espérant l'arrivée de François Hollande au pouvoir pour casser la dynamique Merkozy. Pendant que Marcy, elle, profite de la crise pour tenter d'innover au sein de son entreprise. Entretien.

Ana Dumitrescu, vous avez intitulé votre documentaire "Khaos" faisant ainsi référence au Chaos d'Hésiode. Dans le mythe, le Chaos n'est pas forcément une mauvaise chose, il est juste ce qui précède le monde. Êtes-vous finalement optimiste pour la Grèce ?

Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste. Les grecs sont aujourd'hui à un tournant de leur Histoire. Dans une phase de changement. De cela naîtra la suite. Le film est un état des lieux au moment de ce tournant. Pour le moment, les grecs oscillent entre fatalisme et difficulté à renoncer au passé. Chaque pays se demande quel sera son avenir, et comment surmonter la crise, mais la Grèce plus que tout autre. Ce qui crée une sorte de situation d'attente. Le nouveau reste à venir. Mais lequel ? On est face à un gros point d'interrogation. Avec comme point de départ à cette question, un système qui a montré ses faiblesses.

Dans le film, on ressent une colère vis-à-vis des élites politiques grecques de la part de la population, mais aussi et surtout de l'Allemagne...

En période de crise, on recherche des fautifs, on sort les cadavres du placard. Comme dans une crise conjugale. Les grecs parlent du traité de 1953 qui a été annulé en 1981. Ils réclament une vieille dette de guerre. Et personne ne sait vraiment le vrai du faux. Mais il y a aussi autre chose. Ils se rendent compte que l'Europe n'est qu'économique. Et ils se sentent trahis. Les entreprises allemandes ont vendu des produits aux grecs, et maintenant ils ont la sensation qu'on le leur reproche. Par ailleurs, ils reconnaissent que la dette est ce qu'elle est. Mais ils voient bien que l'austérité ne fonctionne pas, que les choses ne changent pas. Ils ont donc de moins en moins confiance dans des partis politiques qui n'ont que cela à offrir. Cette culture du consensus autour de, l'austérité est dramatique parce qu'à côté, pendant ce temps là, des groupuscules se substituent à l'Etat dans son rôle social. Les grecs ne savent plus à quel saint se vouer, ce qui est très dangereux pour le pays.

Ont-ils la sensation qu'un amalgame est fait entre eux et leur élite politique ?

Depuis des décennies que l'Europe existe, ils se rendent compte qu'on ne se connaît pas entre peuples. On ne parle pas la même langue maternelle, mais on ne parle pas la même langue tout court non plus. Donc il y a forcément une incompréhension sur toute la ligne. Les grecs en ont assez d'être pointés du doigt. Les sorties sur "les grecs qui ne payent pas leurs impôts" leur ont fait très mal.

Les grecs ont souvent été accusés de ne pas travailler assez. Leur temps de travail légal a d'ailleurs été rallongé sous l'impulsion de la Troïka. Pourtant dans le film, on voit un homme qui dit travailler par habitude, sans salaire à la clé. Cette situation est-elle courante ? Qu'est ce qui les pousse à travailler dans de telles conditions ?

Les gens travaillent pour garder des repères, un cadre. Ils se disent qu'il vaut mieux être à son travail que n'être nulle-part. Mais aussi, et cela montre une certaine forme d'espoir, on continue à se rendre au travail pour ne pas le perdre, en espérant que les choses repartent finalement. Certains continuent donc à croire que les choses vont revenir. Et ce qui est surprenant aussi, c'est que les gens ne portent pas la crise sur eux. Beaucoup continuent de faire comme si tout allait bien. C'est en y regardant de plus près que l'on voit que tout ne va pas si bien.

Dans ces conditions, quelle est la position des grecs vis-à-vis de l'Europe ? Qu'en attendent-ils ? Souhaiteraient-ils par exemple sortir de la zone euro ?

Ils sont mitigés. Certains veulent la révolution. D'autres ne souhaitent pas sortir de l'Union européenne. Mais il n'y pas un courant qui l'emporte véritablement sur un autre. On a une Grèce qui est anti-Allemagne, du moins qui a la sensation d'avoir été volée par l'Allemagne, mais pas anti-Europe. Les grecs savent très bien que s'ils sortent de l'euro ils ne pourront plus importer. Or, ils sont très dépendants des importations. Seulement dans leur esprit, des questions demeurent : "Comment pouvons nous sortir de cette crise en baissant les salaires et en taxant absolument tout ? Comment relancer l'économie alors qu'on ne gagne plus rien ?" Tous les budgets sont coupés. On voit notamment dans le film le cas de cette enseignante pour qui son métier ne sert plus à rien. « Je demande à mes élèves d'acheter des fournitures que leurs parents ne peuvent pas leur offrir » dit-elle. De vraies questions se posent quand à l'avenir. Notamment celle de l'éducation et de la culture, qui sont considérés comme superflus puisque leurs budgets sont coupés.

==> A LIRE AUSSI :  La crise grecque, la fin de quelque chose et le début de rien ?

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Programmation en salles :

Paris
Cinéma La Clef (5e)
mercredi 10 - 14h / 20h (débat)
jeudi 11 - 14h / 20h / 21h45
vendredi 12 - 14h / 20h (débat)
samedi 13 - 14h / 20h
dimanche 14 - 14h / 18h (débat)
lundi 15 - 14h / 20h (débat)
mardi 16 - 14h / 21h40

Le Reflet Médicis (5e)
mercredi 10 - 21h40
jeudi 11 - 21h40
vendredi 12 - 21h40
samedi 13 - 21h40
dimanche 14 - 21h40
lundi 15 - 21h40
mardi 16 - 21h40

Rennes
Ciné TNB (salle Louis Jouvet)
mercredi 10 - 13h45 / 19h45
jeudi 11 - 13h45 / 19h45
vendredi 12 - 13h45
samedi 13 - 13h45 / 19h45
dimanche 14 - 13h45 / 19h45
lundi 15 - 13h45 / 19h45
mardi 16 - 13h45 / 19h45

Nantes
Le Concorde

La Rochelle
CGR Olympia
mercredi 10 - 15h / 18h / 20h30
jeudi 11 - 20h30
vendredi 12 - 18h / 20h30
samedi 13 - 18h / 20h30
dimanche 14 - 15h / 18h
lundi 15 - 18h / 20h30
mardi 16 - 18h / 20h30

Biarritz
Le Royal
mercredi 10 - 20h
jeudi 11 - 21h50
vendredi 12 - 19h20
samedi 13 - 15h50
dimanche 14 - 14h
lundi 15 - 21h50
mardi 16 - 19h30

Clermont-Ferrand
Le Rio
mercredi 10 - 20h
jeudi 11 - 18h15
vendredi 12 - 16h
samedi 13 - 21h15
lundi 15 - 16h

Grenoble
Le Méliès
mercredi 10 - 16h15 / 19h50
jeudi 11 - 16h / 18h45
vendredi 12 - 18h / 21h10
samedi 13 - 14h10 / 17h45
lundi 15 - 14h / 19h50
mardi 16 - 16 / 19h10

Séance unique

Prades
Le Lido
12 octobre 2012 - 21h
Voir le site du cinéma

 

Commentaire 1
à écrit le 09/10/2012 à 12:54
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Les grecs sont des complices par insouciance de leurs politiques et Bruxelles savaient mais ne disaient rien pour...ne pas contrarier leurs propres interets...avec pour devise tout ce qui est pris est pris apres moi....le deluge...il arrive

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