Affaire des rétro-commissions : Villepin chez le juge

L'ancien secrétaire général de l'Elysée et ex-Premier ministre est appelé à dire ce qu'il sait d'une possible affaire de corruption pendant la campagne présidentielle de 1995, en marge d'une vente de sous-marins par la Direction des constructions navales.
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L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin était entendu jeudi comme témoin par le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke dans l'enquête sur une vente de sous-marins au Pakistan en 1994. Il est arrivé au pôle financier du tribunal de Paris en début d'après-midi sans faire de déclarations. L'audition devait durer toute l'après-midi.

L'ancien secrétaire général de l'Elysée (1995-2002) et ex-Premier ministre (2005-2007) est appelé à dire ce qu'il sait d'une possible affaire de corruption pendant la campagne présidentielle de 1995, en marge d'une vente de sous-marins par la Direction des constructions navales (DCN).

L'arrêt de paiements à des intermédiaires, décidé par Jacques Chirac après son élection à l'Elysée en 1995, pourrait être lié à un attentat à Karachi en 2002 ayant tué onze Français qui travaillaient à la construction des sous marins, selon divers renseignements. Il n'y a aucune preuve.

L'audition de Dominique de Villepin intervient alors que de nombreux éléments collectés dans deux instructions distinctes mettent au jour des circuits financiers suspects.

Le juge Renaud Van Ruymbeke enquête pour "entrave à la justice", en raison de la dissimulation aux familles de victimes d'un rapport de renseignement privé commandé par la DCN sur l'attentat, et qui ouvrait la piste d'une vengeance à mobile financier. Il n'a été dévoilé qu'en 2008.

Le juge estime aussi pouvoir enquêter pour "corruption et abus de biens sociaux", mais le parquet le conteste et la cour d'appel de Paris devra trancher.

L'AVOCAT DES PARTIES CIVILES PRÉSENT

Me Olivier Morice, avocat des familles de victimes, est présent à l'interrogatoire, comme le permet le code de procédure pénale, et il pourra poser des questions.

Il a fait remarquer que Dominique de Villepin avait déjà fait plusieurs déclarations à la presse.

"Il faut maintenant, et c'est important, que les explications qu'il donne soient faites devant un juge et qu'il prête serment de dire toute la vérité", a dit Me Morice à la presse en arrivant.

Sur TF1 vendredi dernier, Dominique de Villepin a fait état de "très forts soupçons" en 1995 de l'existence de "rétrocommissions" (retour frauduleux d'argent en France) en marge de la vente de sous-marins au Pakistan.

Il a confirmé que Jacques Chirac avait interrompu des paiements de commissions après 1995 en raison de ces soupçons.

Dans le livre "Le Contrat" sorti au printemps dernier, Dominique de Villepin a déclaré : "je me souviens, juste après son élection, Chirac avait été très clair en évoquant devant moi 'le trésor de Balladur' auquel il voulait s'attaquer".

Sur l'éventuelle corruption, il disait : "il n'y avait peut-être pas de preuves matérielles, mais de nombreux indices. Notamment des écoutes, beaucoup d'écoutes". La DGSE, les services secrets, avaient en effet enquêté.

Nicolas Sarkozy, ministre du Budget en 1993-1995 et porte-parole de la campagne Balladur, rival de Jacques Chirac en 1995, a fait diffuser vendredi un communiqué disant que l'affaire ne le "concernait en rien".

Le recrutement in extremis, après la signature du contrat des sous-marins, d'un second réseau d'intermédiaires devant recevoir 33 millions d'euros de commissions, ce qui portait leur total à 84 millions, a été établi par une mission d'information parlementaire dans son rapport rendu en mai.

Des documents saisis démontrent la création au Luxembourg de deux sociétés, Heine et Eurolux, pour recevoir cet argent, avec l'aval, selon un rapport de police luxembourgeois, d'Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy conteste le rôle que ce rapport lui prête.

C'est ce réseau que Jacques Chirac a fait "assécher" en 1995. Il restait alors neuf millions d'euros à payer, et c'est la destination finale de 24 millions d'euros qui est recherchée.

Par ailleurs, le juge Van Ruymbeke a découvert que 13 millions de francs (deux millions d'euros) d'origine inconnue avaient été versés en espèces aux comptes de campagne d'Edouard Balladur, validés malgré l'avis contraire des rapporteurs.

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