La triste saga de Lernout and Hauspie

Comme dans de nombreuses histoires de faillite, l'ego des dirigeants est en partie au centre des problèmes. Lernout and Hauspie est spécialisée dans les logiciels de reconnaissance de la parole, un domaine qui faisait saliver les investisseurs il y a encore quatre ans. L&H et ses concurrents laissaient entrevoir un futur ressemblant à la pratique de Harrison Ford dans " Blade Runner " : utiliser la voix pour faire fonctionner un ordinateur ou une machine.Un marché fabuleux, puisque englobant non seulement la micro-informatique mais aussi la chirurgie assistée par ordinateur et la téléphonie portable. Fondée il y a treize ans par deux entrepreneurs belges, L&H semblait prête à s'en approprier une grande part.Cependant, à la différence de la propagation foudroyante des navigateurs Internet de Netscape et de Microsoft, les logiciels de reconnaissance de la parole ont mis du temps à être acceptés par le marché. Ce qui a permis aux concurrents de proposer d'autres produits.Pour aller plus vite, L&H s'est introduit en Bourse sur l'Easdaq puis sur le Nasdaq et a utilisé sa capitalisation élevée pour acheter des entreprises complémentaires, notamment Dictaphone et Dragon Systems. En mars, l'entreprise valait 10 milliards de dollars. Lors de la suspension de cotation de son titre en novembre, elle valait moins d'un milliard. Si les cotations reprenaient aujourd'hui, elle vaudrait 10 fois moins.Dans la nouvelle économie - ou peut-être " l'ancienne " nouvelle économie - une capitalisation boursière élevée permet d'aller plus vite, d'obtenir de la croissance externe qui à son tour renforce ou justifie le niveau de capitalisation. Encore faut-il que cette croissance soit réelle.Or, dans le cas de L&H, la croissance a été fondée sur le mythe de ventes extraordinaires en Asie, qui n'existaient pas ou qui venaient de jeunes start-up fondées par L&H. Le ver était dans le fruit, apporté par la direction du groupe. Et les investisseurs n'étaient évidemment pas au courant. On n'a découvert que l'assise de la société était chancelante qu'avec la publication de rapports trimestriels officiels pour la Securities and Exchange Commission à partir de juin 1999. Certains investisseurs ont alors émis des doutes, mais ils n'ont pas été entendus, du fait du concert bruyant de l'organisation marketing de L&H.Fort d'actionnaires aussi prestigieux que Microsoft et Intel, L&H n'avait eu aucun mal à trouver une ligne de crédit de 450 millions de dollars pour financer l'achat de Dictaphone. Environ 350 millions ont été tirés sur cette ligne mais L&H ne peut ni rembourser, ni même assurer le versement des intérêts. La société comptait sur une réserve de 100 millions de dollars placés dans sa filiale coréenne mais cet argent n'a vraisemblablement jamais existé. Ou il a disparu.On n'en restera pas là : la suite de l'histoire promet d'être une succession de découvertes particulièrement lamentables.
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