Gap descend de son nuage productiviste

Après avoir vécu pendant près de trente ans sur un doux nuage, le groupe Gap redescend sur terre. Et sur la planète bleue, tout n'est pas si beau. La semaine dernière, l'entreprise de San Francisco s'est jointe à cinq autres groupes de textile américains pour rejeter un arrangement proposé par le juge Alex Munson, visant à dédommager des travailleurs asiatiques exploités dans des conditions scandaleuses sur l'île de Saipan, petit territoire américain du Pacifique, alors qu'on leur avait promis un emploi décent aux Etats-Unis.Ironie du sort, ce rejet intervient alors que Gap, qui incarne désormais à la fois le meilleur et le pire du capitalisme américain, traverse une zone de forte turbulence. Son président Millard Drexler vient d'annoncer qu'il quitterait ses fonctions dès que le conseil d'administration de la société lui aura trouvé un successeur. Car après avoir donné un élan qui a fait de Gap le roi du prêt à porter "casual" et bon marché, Drexler, incapable d'anticiper les goûts du public, a perdu la main.Les ventes de l'entreprise ont en effet chuté pendant vingt-quatre mois consécutifs. Pis, celle-ci a enregistré une perte de 7,8 millions de dollars en 2001, la première en dix ans. Il est du coup légitime de se demander à qui profite la politique sociale de Gap sur l'île de Saipan. La réponse est simple : à personne. Certainement pas, évidemment, aux ouvriers asiatiques du groupe, et même pas au président Drexler, remercié après que son salaire a été réduit de 77% en 2001 pour n'avoir pas répondu aux attentes de ses actionnaires... Ces derniers ne sont pas mieux lotis. L'action Gap s'est effondrée de 73 % en deux ans pour graviter actuellement aux alentours des 13 dollars. Mais le pire se trouve peut être devant eux. Les analystes de Wall Street, qui avaient fait de l'entreprise l'une de leurs valeurs vedettes, la désavouent désormais. Merrill Lynch, numéro un du courtage outre-Atlantique, vient de passer "d'achat fort" à "neutre" sur le titre. Preuve est faite que la quête irréfléchie de la productivité ne suffit pas au bonheur de l'homme et des banques d'affaires.
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