Mariage sur ordonnance

L'intérêt national aura donc primé. L'OPA hostile de Sanofi-Synthélabo sur Aventis, qui a failli tourner à l'affrontement boursier acharné avec l'irruption dans la bataille, la semaine dernière, du richissime Suisse Novartis dans le rôle du "chevalier blanc", finira donc en mariage de raison. Les multiples appels à la "neutralité politique" lancés par le président suisse et le chancelier allemand, sans parler d'Aventis lui-même, n'auront guère refroidi les ardeurs interventionnistes du gouvernement français, très actif dès l'annonce de l'offre publique de Sanofi le 26 janvier. Sommés par Bercy de trouver coûte que coûte un accord, les deux frères ennemis de la pharmacie, Igor Landau, patron d'Aventis, et Jean-François Dehecq, PDG de Sanofi, ont dû chacun faire des efforts. Au vu de l'opposition inflexible du gouvernement à une solution qui ne soit pas "franco-française", le premier, qui n'avait pas mâché ses mots contre son concurrent, a remisé son orgueil et dû se rendre à l'évidence : son arme anti-OPA des bons de souscription d'actions recalée par l'AMF, le gendarme de la Bourse, et son chevalier blanc potentiel écarté vertement par le gouvernement, il était désormais difficile de se refuser encore longtemps à ce prétendant, prêt à garnir plus richement la corbeille de la mariée. Car la pilule n'est pas trop amère à avaler pour les actionnaires d'Aventis. Sanofi a dû faire un important effort financier : son offre a été augmentée de 14%, soit 7 milliards d'euros, pour valoriser Aventis près des 70 euros considérés comme le juste prix par la majeure partie des analystes du secteur. Si l'interventionnisme de l'Etat français peut à juste titre inquiéter, la solution trouvée a de quoi satisfaire les deux parties. Elle résout aussi un épineux problème pour Matignon : ne pas prendre le risque de voir Sanofi, en plus d'Aventis, passer sous pavillon étranger à l'expiration du pacte de ses actionnaires Total et L'Oréal en fin d'année et voir disparaître la recherche française. Une raison d'Etat valant bien un mariage forcé.
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