Le directeur général d'Eurotunnel claque la porte

C'est un nouveau coup de tonnerre à la tête d'Eurotunnel: alors que le groupe se prépare à une assemblée générale particulièrement difficile, le 17 juin prochain, dont l'un des enjeux est la confirmation de Jacques Gounon à la présidence, c'est le numéro deux d'Eurotunnel, le directeur général Jean-Louis Raymond, qui vient d'annoncer sa démission.Le départ de Jean-Louis Raymond, qui occupait ces fonctions depuis le 8 avril 2004, a été annoncé ce matin par l'opérateur du tunnel sous la Manche. Ce sont des dissensions entre le directeur général et le président, Jacques Gounon, qui sont à l'origine de cette décision. Jean-Louis Raymond avait été nommé à ce poste il y a un an, après le renversement de l'équipe dirigeante précédente par une coalition de petits actionnaires menés par Jacques Maillot et Nicolas Miguet. Jacques Maillot avait alors accédé à la présidence d'Eurotunnel, dont il a démissionné au début de cette année, pour être remplacé par Jacques Gounon.Les relations entre le nouveau président et le directeur général étaient des plus fraîches. Mercredi dernier, dans une longue interview accordée à La Tribune (voir ci-contre), Jacques Gounon avait par exemple clairement pris ses distances avec son directeur général. Commentant le projet industriel et social "Dare" du groupe, il affirmait que ce plan "mis en oeuvre par Jean-Louis Raymond" lui paraissait certes "bien conçu", mais ne lui semblait pas "répondre à tous les problèmes". Pire encore, il continuait en ces termes: "Je ne suis ni l'auteur de ce plan qui a été approuvé de manière conditionnelle par le conseil d'administration en octobre 2004, ni responsable exécutif. Il prévoit une importante réduction d'effectifs. Pour ma part, j'aurais été plus prudent sur le volet social". Des propos pour le moins étonnant de la part du président d'un groupe à propos de son directeur général...Le départ de Jean-Louis Raymond intervient d'ailleurs au lendemain de la signature d'un accord avec les syndicats sur le volet social de ce plan. Eurotunnel a en effet annoncé jeudi soir la signature d'un "accord de méthode" portant sur les départs volontaires de salariés de l'entreprise.Destiné à éviter un plan social avec licenciements forcés, ce projet signé avec l'intersyndicale CGT-CGC-FO-CFDT-CFTC, prévoit notamment une prime de 28.000 euros, assortie de 75% du salaire mensuel par année au-delà de cinq ans d'ancienneté, en sus des indemnités conventionnelles. Sont en outre prévues des aides à la formation et à la création d'entreprises allant jusqu'à 15.000 euros. Interrogé par l'AFP, Jean-Louis Raymond a confirmé vendredi après-midi que c'est bien sa mésentente avec Jacques Gounon qui est à l'origine de son départ. "Je ne suis absolument pas d'accord avec les méthodes du président", a-t-il ainsi déclaré, en dénonçant des critiques le visant directement faites récemment par M. Gounon, et ce "pour des raisons électoralistes". Ce nouveau départ à la tête du groupe, qui aura donc perdu en un peu plus d'un an le président et le directeur général nommés après le coup de force d'avril 2004, risque en tout cas d'alourdir un peu plus l'ambiance de l'assemblée générale des actionnaires qui se tiendra le 17 juin à Coquelles, dans le Pas-de-Calais.L'enjeu principal de cette assemblée est de ratifier la cooptation comme administrateur de Jacques Gounon et sa nomination à la présidence du groupe. Celui-ci n'est en effet entré au conseil qu'en décembre dernier, à la faveur du départ de Pierre Cardo, et les actionnaires n'ont donc pas encore eu la possibilité de se prononcer sur son nom.Dans un contexte de déchirements à la tête de l'entreprise, l'issue de l'assemblée apparaît bien incertaine. D'autant que Nicolas Miguet, qui avait mené la fronde contre la direction en place voici un an et qui a perdu avec les départs successifs de la direction d'Eurotunnel ses principaux alliés dans le groupe, menace de faire de même cette année. Et derrière les querelles de personnes, les enjeux de fond sont colossaux: il s'agit de la restructuration financière d'une entreprise qui croule sous neuf milliards d'euros de dettes, avec en conséquence une dilution massive des actionnaires qui se profile à l'horizon.
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