Les comptes de Lazard

Lazard en Bourse, c'était l'événement de ces dernières semaines à Wall Street. Son patron, Bruce Wasserstein, avait trouvé ce moyen bien pratique pour solder son différend avec Michel David-Weill et les autres actionnaires familiaux de la célèbre banque d'affaires. Et de fait, le redoutable banquier américain est parvenu à lever sur le marché les fonds nécessaires au rachat de ceux qui l'empêchaient de gérer en paix l'établissement franco-américain. L'opération, très médiatique, a été rondement menée et l'on pouvait imaginer que les équipes étaient désormais totalement mobilisées pour tenir leurs promesses: poursuivre le redressement de l'activité et maîtriser des coûts qui avaient connu un sérieux dérapage. Ce programme connaît un premier raté avec les actions judiciaires engagées aux Etats-Unis par de nouveaux actionnaires, mécontents de la tenue de l'action dans ses premiers jours de cotation. Vendue 25 dollars, elle a en effet vite décroché et un temps tutoyé les 20 dollars avant de se reprendre depuis quelques jours. Mais le compte n'y est toujours pas. Dans un pays aussi procédurier que les Etats-Unis, où il est presque aussi banal d'engager des poursuites que d'acheter un hamburger, il n'est pas surprenant qu'il se soit trouvé des avocats pour conseiller à leurs clients d'attaquer une institution telle que Lazard, forcément soucieuse de sa réputation. Les arguments avancés par les plaignants sont simples. Ils reprochent à Bruce Wasserstein de ne pas avoir tout dit sur la finalité de cette opération, en l'occurrence que les fonds récoltés serviraient à racheter les participations des actionnaires familiaux et des associés capitalistes. De ce point de vue, même si la banquier américain a refusé toute interview au cours du processus de cotation, il aurait fallu être sourd et aveugle pour ne pas avoir entendu parler du différend qui l'opposait à Michel David-Weill. Bruce Wasserstein voulait se payer Lazard (pour ne pas dire son premier actionnaire) et il a laissé le marché le faire pour lui. Acheter des actions Lazard sans le savoir relève pour le moins d'une certaine forme d'amateurisme. Avant de prêter de l'argent à son banquier, sans doute est-il préférable de se renseigner un minimum...Le second argument est plus ennuyeux pour la banque d'affaires et son conseil, Goldman Sachs. Pour l'essentiel, les plaignants suspectent les deux banques d'avoir vendu des actions 25 dollars alors qu'elles savaient que le marché n'était pas prêt à payer plus de 22 dollars. Pire, elles se seraient concertées pour que Goldman Sachs s'engage à racheter des titres Lazard à des fonds d'investissement, garantissant ainsi le succès de l'introduction en Bourse. Seul problème: une fois ces acquisitions achevées, le cours ne pouvait que s'effondrer. Ces accusations sont graves et rien ne permet de soutenir pour l'instant qu'elles sont fondées. C'est à la justice de se déterminer si les plaignants apportent la preuve de ce qu'ils avancent. A moins qu'une transaction n'intervienne entre-temps, ce qui est souvent le cas aux Etats-Unis. Au delà, cette affaire tombe au plus mal pour Lazard et les banques d'affaires en général. On se souvient que leur réputation avait été mise à mal lors de l'explosion de la bulle Internet. Ces dernières semaines, plusieurs établissements de premier plan ont transigé au total pour des milliards de dollars sur les contentieux nés des affaires Enron et WorldCom. Aller en Bourse par ces temps encore troublés était pour le moins téméraire. Mais Lazard, ou plutôt Bruce Wassertein, avaient vraiment besoin d'argent !
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