"Un rapprochement entre Ingenico et Gemplus serait crédible"

latribune.fr- Un rapprochement entre Ingenico et Gemplus a récemment été évoqué sur le marché. Ce scénario est-il crédible selon vous ?Eric Carballeda - Sur un plan industriel, une telle opération aurait du sens. Dans les paiements électroniques, il va y avoir un virage important avec la montée en puissance des applications "contactless" dans le paiement, c'est à dire sans contact, à l'image du passe Navigo de la RATP, mais appliquées à l'acte d'achat. Gemplus a des compétences reconnues en matière de sécurité des données (cryptologie). Quant à Ingenico, il est leader sur les systèmes de lecture (terminaux de paiement). Le rapprochement des deux entités pourrait permettre à ce marché - aujourd'hui freiné par l'absence de standardisation du mode de lecture - de décoller. Ingenico y trouverait une source de croissance supplémentaire. Il y a néanmoins des obstacles à un rapprochement.De quelle nature ?Ingenico se trouve depuis plusieurs mois dans une situation de blocage liée à la mésentente des membres de son conseil d'administration et de ses principaux actionnaires, après l'irruption dans le capital du groupe de trois "raiders" aux buts et aux stratégies divergents: Bolloré, Wyser-Pratte et Green. Depuis, les intentions de chacun restent floues et la direction du groupe ne fait plus de commentaire. Cet immobilisme est d'autant plus encombrant que le groupe, connaît des difficultés à mettre en place une orientation stratégique stable alors même qu'il évolue dans un secteur en croissance où la concurrence entre les différents acteurs s'intensifie. Si les membres du conseil et les actionnaires arrivaient à s'accorder, ils pourraient aller plus vite et plus loin dans la rationalisation des coûts. Quant à la nouvelle équipe de direction d'Ingenico, compte tenu des mouvements qui ont eu lieu, elle a indiqué qu'elle voulait stabiliser son actionnariat et se dit à la recherche d'un partenaire financier. Mais la priorité du groupe reste l'amélioration de la rentabilité en 2005. Autrement dit, pour se présenter avec plus d'arguments, elle préfèrera certainement attendre de redresser l'entreprise avant d'envisager un rapprochement.Justement, l'objectif d'Ingenico est de doubler sa marge entre 2004 et la fin de 2006. Ces perspectives vous ont semble-t-il déçu...En juin dernier, nous envisagions une marge opérationnelle de 8% pour 2006. Le groupe est bien sur les mêmes bases mais uniquement pour le dernier trimestre de l'année 2006, ce qui est différent. L'amélioration de la profitabilité prend donc plus de temps que prévu. Il est difficile de mettre en cause l'état du marché: la croissance annuelle moyenne du secteur devrait être de 15% par an pour les cinq prochaines années. Les problèmes sont plutôt internes. Certes, en dépit de quelques retards de livraisons ponctuels, Ingenico en tant que leader profite de ses produits à succès. Mais le groupe a du mal à mettre en place une exécution opérationnelle plus efficiente et à améliorer sa marge brute et poursuivre sa croissance interne. Pendant ce temps, l'israélien Lipman, numéro quatre du secteur, continue de grignoter des parts de marché et vient de procéder au rachat du britannique Dione. Et pour un chiffre d'affaires 3 fois moins élevé qu'Ingenico, la capitalisation boursière de l'israélien est presque 2 fois plus élevée. Dans ce secteur, les marchés ont des spécificités locales. Pour se développer il faut donc acheter des acteurs locaux (comme vient de le faire Lipman au Royaume-Uni) ou bien anticiper la technologie du futur. Sur ce dernier point, une entente avec Gemplus pourrait apporter des perspectives de croissance plus profitables. Mais apparemment ce sera long.L'idée d'un rapprochement peut-il soutenir le titre en Bourse ?A partir de 2007, si aucun incident n'intervient, Ingenico sera un beau dossier soutenu par la croissance du secteur et une profitabilité honorable. En attendant, l'hypothèse d'un rapprochement peut effectivement soutenir l'action sur un support de 12-13 euros. Le risque d'une augmentation de capital pour financer des acquisitions est un handicap certain à la progression du titre. Mais si un appel au marché devait intervenir, je pense que l'actionnariat fera pression pour qu'il ne soit pas trop dilutif.Dans l'hypothèse d'une offre sur Ingenico aujourd'hui, quel prix serait raisonnable ?Je pense réellement qu'il y a actuellement trop d'obstacles pour qu'un rapprochement ait lieu rapidement entre Ingenico et Gemplus. Gemplus a réalisé 5% de marge en 2004 et Ingenico 3,8%. Un rachat serait donc dilutif sur les premières années. En outre, Gemplus reste concentré sur l'amélioration de sa marge, et achève une période de restructurations de deux ans. Néanmoins, si une opération devait avoir lieu dans l'immédiat, en tenant compte des perspectives actuelles d'Ingenico, il me semble qu'un prix raisonnable pourrait se situer sur la base d'un multiple de 20 fois l'Ebit 2005 estimé, soit autour de 20 à 22 euros par action. Mais nous ne privilégions pas ce scénario pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus.
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