A 84 ans, le vétéran du cinéma français, Alain Resnais, signe avec "Coeurs" une oeuvre inclassable, à la fois légère et grave, drôle et mélancolique. Le cinéaste s'inspire d'une pièce du dramaturge britannique Alan Ayckbourn (dont il a entre autres repris "Smoking" et "No Smoking"), confiant l'adaptation française à Jean-Michel Ribes. Superbement filmé dans le nouveau Paris très stylisé du quartier de la Grande Bibliothèque, perpétuellement sous la neige, le film orchestre le ballet solitaire de six personnages en quête de l'âme soeur.

Magnifiquement servi par la troupe d'acteurs fétiches de Resnais, conduite par Sabine Azéma, à laquelle se joignent quelques nouveaux venus comme Isabelle Carré et Laura Morante, le film déploie une maestria qui a valu à Resnais le prix de la mise en scène au festival de Venise 2006.

Six personnages, plus un invisible, se croisent dans cette mosaïque humaine et, sans nécessairement se rencontrer, ont une influence les uns sur les autres. Au centre, il y a le barman de l'hôtel du coin (Pierre Arditi), témoin muet de leurs déboires. Autre pilier du quartier, l'agent immobilier (André Dussolier) qui fait visiter des appartements à un couple en déroute (Lambert Wilson - Laura Morante).

L'agent est coincé entre deux femmes: sa secrétaire (Sabine Azéma), une bigote perverse qui a des drôles de hobbies, et sa soeur, avec qui il vit (Isabelle Carré), laquelle passe des petites annonces sentimentales et fait des rencontres presque toutes malheureuses.

A ses moments perdus, la secrétaire s'occupe des malades, dont le père du barman, vieillard grabataire insupportable, reclus dans sa chambre (Claude Rich, le seul qu'on ne voit pas). Tous, à un moment ou un autre, connaissent la brève euphorie de l'espoir. Mais le soufflé retombe vite et chacun replonge dans sa solitude. Et retrouve sa place dans l'aquarium humain.