Soutine, la révélation

La toute neuve Pinacothèque de Paris présente 80 toiles de Soutine. Qui est loin d'être le peintre maudit qu'il prétendait être. Un hommage en forme de réhabilitation.

Pour un modeste amateur de la peinture du début du XXème siècle, Chaïm Soutine est un peintre juif russe, tourmenté et maudit. L'artiste a lui-même entretenu sa légende, à l'instar de son ami Modigliani alcoolique, suicidaire et miséreux. Rien de plus faux.

Une fois quittée sa Lituanie natale, Soutine le parisien a peint des toiles, certes étranges, mais de plus en plus apaisées, de plus en plus représentatives, de plus en plus commerciales car il a connu assez rapidement le succès et l'estime de ses pairs. Les premières huiles illustrent des personnages, des natures mortes et des paysages (il peindra cette trilogie sa vie durant) certes aux formes dénaturées et aux couleurs vives, mais son style est l'empreinte d'un talent immédiat. En 1923, le riche collectionneur américain Barnes en fait un héros, et même si Soutine connaît quelques périodes d'instabilité, (mais il ne détruira pas ses toiles contrairement à ses dires), il sera jusqu'à sa mort en 1943 fidèle à ses pinceaux, avec des toiles progressivement moins angoissées.

Autre erreur: Soutine, bien qu'élevé religieusement dans un Shetel russe où les pogroms étaient monnaie courante, n'est en rien un peintre juif. Il se tient à l'écart de toute polémique religieuse (au point qu'il est enterré à Paris en pleine Occupation) et ne fait référence qu'aux peintres classiques, Rembrandt, Courbet, Cézanne. Contrairement à son ami Chagall qui a toujours représenté l'univers hébraïque, Soutine a tout juste peint quelques rares musiciens, enfants de choeurs et églises.

Le mérite de cette exposition, la première consacrée à Soutine depuis 1973, est d'avoir replacé l'artiste dans son contexte réel. Adulé en son temps pour une oeuvre dérangeante, il a été ensuite marginalisé, car inclassable, d'autant que sa légende s'est retournée contre lui. En 80 tableaux, la plupart venant de collections particulières (la Pinacothèque est un lieu privé, donc peu attractif pour les établissements officiels), on découvre un Soutine touchant, sensible, expressionniste, voire visionnaire tant il annonce la génération suivante, de Bacon à Basquiat.

Certes les lieux sont étroits et parfois assombris par un revêtement mural d'à-plats vert bouteille ou bleu nuit, mais l'ensemble ici exposé est un aperçu complet des évolutions artistiques de Soutine, d'autant que les explications claires et nombreuses viennent soutenir cette (re)découverte, ou mieux, cette réhabilitation.

- Jusqu'au 27 janvier, Pinacothèque de Paris, Place de la Madeleine,
renseignements : www.pinacotheque.com

A lire : - Catalogue de l'exposition, 240 pages, 45 euros
- Numéro Spécial Connaissance des Arts, 36 pages, 8 euros.

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