"La Cour place le salarié dans une situation extrêmement favorable"

Dans une interview à laTribune.fr, maître Stéphane Béal, avocat associé, directeur adjoint du département droit social du cabinet Fidal, explique dans quels cas la "prise d'acte" est possible et quelle stratégie le cadre peut employer pour transformer une démission en licenciement avec indemnités.

La Tribune.- Comment s'est construite la jurisprudence sur la prise d'acte ?

Stéphane Béal.- La prise d'acte est le résultat d'une saga dans laquelle le juriste doit faire preuve de sagacité. Tout commence le 26 septembre 2002. La Chambre sociale de la Cour de cassation affirme que lorsque le salarié décide d'une prise d'acte, l'employeur a obligatoirement commis une faute. Le reproche invoqué est-il justifié ou non, peu importe, le salarié recevra les indemnités, importante, correspondant à un licenciement sans cause réelle et sérieuse de la part de l'employeur. La Cour place donc le salarié dans une situation extrêmement favorable.

Après une gestation de neuf mois, le 25 juin 2003, la Cour opère un revirement. Elle exige désormais que le salarié invoque des faits prouvant véritablement une faute avant d'obtenir l'avantage du licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Si le motif n'est pas jugé suffisamment sérieux, la prise d'acte sera considérée comme une simple démission. La Cour incite donc le salarié à réfléchir avant d'agir. Ensuite, le débat juridique s'est focalisé sur la priorité à donner à la prise d'acte, où le salarié décide de s'arrêter de travailler, ou à la résiliation judiciaire. Dans ce dernier cas, c'est le tribunal qui décide d'interrompre le contrat de travail. Avec les trois arrêts du 31 octobre 2006, la Cour donne la priorité à l'acte le plus grave, la prise d'acte.

Qu'est ce que cela change pour les cadres ?

Ils doivent désormais réfléchir précisément à leur stratégie de rupture. Le motif invoqué doit être suffisamment grave pour invoquer une prise d'acte. Sinon, l'employeur pourra demander aux tribunaux de l'annuler. S'il y a le moindre doute, le cadre sera bien inspiré de demander la résolution judiciaire. Le tribunal est en effet moins exigeant sur le motif pour l'accorder. Les cadres devront aussi réfléchir à leur situation dans l'entreprise. Si celle-ci se trouve insupportable, mieux vaut demander tout de suite une prise d'acte. Si le salarié peut la supporter, la résolution judiciaire - le salarié est présent dans les locaux jusqu'à ce que le tribunal tranche - sera préférable. Car au cours de ce laps de temps, des négociations sont possibles entre les deux parties. Et le conflit peut se trouver résolu sans intervention du juge.

Quels sont les faits suffisamment graves permettant de justifier une prise d'acte ?

C'est évidemment le non paiement du salaire ou même de certains de ses éléments comme un bonus. Le retard de paiement du salaire, en revanche, n'est pas, en lui-même, suffisant. Le non-paiement des heures supplémentaires peut, lui aussi, permettre une prise d'acte. A condition que le salarié puisse prouver que ces heures ont bien été effectuées. Ce qui n'est pas évident. Le salarié sera alors bien inspiré de choisir, dans ce cas, la voie de la résolution judiciaire. La modification par l'employeur d'éléments du contrat de travail, comme l'introduction sans l'accord du salarié, d'une clause de non-concurrence ou une mobilité géographique, peut donner lieu à prise d'acte. En revanche, en présence d'une clause de mobilité non valable, le salarié sera bien inspiré de demander la résolution judiciaire.

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