Baiser volé

Après la dégradation au rouge à lèvre d'une oeuvre de Cy Twombly cet été, la Collection Lambert en Avignon réagit par une nouvelle exposition, "J'embrasse pas".

Rappel des faits. Cet été, durant une exposition consacrée à l'artiste américain Cy Twombly à la Collection Lambert en Avignon, une oeuvre est vandalisée. Sur le monochrome blanc composant la partie centrale d'un triptyque, une femme a déposé un baiser, y laissant une trace de rouge à lèvres. Le vide médiatique du mois d'août propulsa l'affaire au sommet de l'actualité, déchaînant les passions, notamment sur Internet.

"Acte d'amour" et "geste artistique provocateur" pour les uns, "dégradation" et "viol" pour les autres, le débat fit rage. En réaction au tumulte, la Collection Lambert propose une nouvelle exposition. Le titre est explicite: "J'embrasse pas". Soit "l'avertissement qu'il faudra peut-être afficher à l'entrée des musées à l'avenir comme "je casse pas" ou "je vole pas", souligne Eric Mézil, commissaire et directeur de la Collection Lambert.

La majorité des oeuvres présentées sont des réactions d'artistes à l'"affaire du baiser". Ainsi, un montage photographique de Barbara Kruger arbore un violent "Who do you think you are ?" ("Pour qui tu te prends ?") alors que, dans la salle où fut exposé le Cy Twombly endommagé, cinq sculptures grandeur nature de policiers réalisées par Xavier Veilhan posent la question de la sécurité. Plus loin, une kalachnikov ressort d'une immense toile d'Anselm Kiefer et vient pointer son canon sur la palette du peintre tandis que dans la salle adjacente une flopée de matraques réunies par Kendell Geers compose la forme d'un coeur morbide. Et puis il y a ce long corridor sur les murs duquel resplendissent les 36 photos de la série "Clowd and Cloun" de Roni Horn. Un visage de clown aux formes évanescentes dont seul le rouge du nez et de la bouche vient transpercer l'éclat opalin. On ne sait trop s'il rit ou pleure, s'enthousiasme ou se désole. Aussi troublant qu'hypnotique.

L'exposition devait se conclure par le tableau de Cy Twombly à l'origine de toute l'histoire. Il n'est pas encore accroché, toujours en cours de restauration. Sur le mur qui fait face à l'espace vide est accroché un autre triptyque. De Robert Rynan celui-ci. Il y a quinze ans, la toile blanche a elle aussi été souillée avec du rouge à lèvre. Après restauration, la marque avait disparu. Mais au fil des ans, elle réapparaît, irrémédiablement. Vient alors à l'esprit la lettre que Laurence Wiener écrivit cet été à Yvon Lambert et qui ouvre l'exposition : "La passion ne saurait justifier la destruction. (...) Inscrit dans la société, le travail d'un artiste touche à sa part de dignité que même un autre artiste ne doit annihiler. Dans le jargon de la prostitution: 'Sers-toi de moi pour ton plaisir et pour t'éduquer mais ne m'embrasse pas'".


"J'embrasse pas", jusqu'au 13 janvier 2008.
Collection Lambert en Avignon. 5, rue Violette, 84000 Avignon
Tél: 04 90 16 56 20. www.collectionlambert.com

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.